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Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 6 juillet 2015

Prédication du dimanche 28 juin 2015


Tous migrants ? 
Exode 23. 9- 1 Pierre 2.9-13




Depuis quelques temps, régulièrement, nous sommes confrontés à des images de ce type : 
[image d'une embarcation précaire chargée de "migrants"]

Elles nous interpellent, elles nous bouleversent, nous ne savons pas quoi faire. 
Les discours aussi, l’information selon laquelle jamais autant de personnes ne se sont pressées aux portes de l’Europe… Le constat macabre que depuis le début de l’année, près de 2000 personnes sont mortes en essayant d’atteindre les rives de l’Europe - hommes, femmes, enfants, nourrissons…

Nous sommes d’autant plus concernés que beaucoup de ces personnes fuient les pays en guerre du Moyen Orient, comme l’on fait nos amis d’Irak. 

En même temps, les attentats de vendredi, de Tunis à St Quentin Fallavier, viennent eux aussi nous toucher au coeur - et c’est le but de ces actes barbares - quoi de plus compréhensible alors, de plus spontané que ce désir de fermer vite la porte à un danger que l’on perçoit comme venu de l’extérieur

Le danger serait que bouleversés, désarçonnés, devant la question : que faire ? - nous chrétiens tombions dans les deux pièges que sont l’indifférence et l’excès de préoccupation. Que tout cela nous incite au fatalisme ou au comme trop de nos compatriotes, nous pousse à la peur, au repli.
« Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ». Comme si c’était à nous de porter cela. 
Qu’est-ce que Dieu attend de nous, ses enfants, envers toutes ces personnes qui migrent ? C’est la question de ce matin. 

Elle est complexe bien sûr, et les solutions sont d’abord politiques

Mais dans la Bible, la question de la migration est très importante et ne peut être éludée. Pour différentes raisons que nous allons évoquer, mais fondamentalement, parce qu’en fin de compte nous sommes tous des migrants. 
Migrants d’hier, pour le peuple juif, comme pour tous ceux dont les ancêtres ont dû quitter leur patrie ; migrants d’aujourd’hui, pour ceux qui sont arrivés plus récemment. Et tous, migrants dans ce monde, dans cette vie - « étrangers et voyageurs sur la terre ». 

Ce qu’enseigne la Parole de Dieu, c’est qu’il y a d’abord un danger… à oublier cela : le danger que la peur pour notre propre bien être, notre propre survie nous pousse à rejeter ces personnes qui sont elles-mêmes poussées par le désespoir, par la guerre…  que nous en venions à les criminaliser. À entrer dans une opposition « eux contre nous », quand on commence à voir l’étranger comme une menace juste parce qu’il est étranger. 
Le danger de nous fermer aux autres, notamment les plus fragilisés, quand Dieu, loin de nous demander de porter toutes les problématiques du monde sur nos épaules, nous appelle au contraire à les accueillir, quels qu’ils soient, pour aimer celui qui est là - non pas le monde entier, non pas « toute la misère du monde » - mais ceux que Dieu place sur notre route, afin que nous fassions route avec eux, comme Jésus fait route avec nous.

Car, pour Dieu, nous sommes tous des migrants.

Voilà pourquoi Dieu, dès le livre de l’Exode, se présente comme celui qui défend l’étranger au sein même d’Israël. 

diapo : Exode 23. 9 : « n’opprimez pas les étrangers installés chez vous. Vous savez bien ce qu’ils peuvent éprouver, puisque vous avez vous-mêmes été des étrangers en Egypte ». 

On pense parfois à tort que Dieu a choisi le peuple d’Israël contre les autres peuples. Mais la promesse à Abraham est au contraire que le peuple de Dieu devienne une bénédiction pour les autres peuples, les « nations ». Oui, nous sommes appelés à être une bénédiction pour les autres. 
Dieu se présente à Israël comme celui qui protège lui-même le faible et l’étranger. 

diapo : « Car c'est le Seigneur votre Dieu qui est le Dieu des dieux et le Seigneur des Seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, l'impartial et l'incorruptible, qui rend justice à l'orphelin et à la veuve, et qui aime l'émigré en lui donnant du pain et un manteau »  (Dt 10, 17-18).

Dans la société antique particulièrement, être seul, c'était être exposé à tous les dangers, être privé des moyens de subsistance. La terre, en effet, est le bien du clan, du peuple. Celui qui n'a plus de peuple ne saurait avoir une terre. Il est condamné à errer. En cela, l'étranger est comme la veuve et l’orphelin, et le coeur de Dieu est particulièrement près de tous ceux qui sont fragilisés. - l’étranger, l’orphelin et la veuve. Ceux qui ont été privés de leur appui, ceux que le deuil et la perte ont laissé soudain en plein vent - Dieu est auprès d’eux, il veut être leur soutien, leur rocher.

Dieu est auprès d’eux- et attend de ses enfants qu’ils entourent tout particulièrement, et soient une bénédiction pour eux, en priorité.  
A la lecture de l’Ancien Testament, on constate ainsi que la Loi de Moïse prend très à cœur le droit de l'étranger. Le devoir d'accueil de l'étranger est inscrit dans la Loi donnée par Dieu à Moïse, au mont Sinaï. Les commandements sont nombreux et tournent tous autour de l’accueil et du « prendre soin ». 

Quelques exemples : 

Tu accueilleras celui qui a besoin de toi : l'émigré, l'orphelin et la veuve
Tu laisseras à l'étranger de quoi se nourrir :
Tu associeras l'étranger aux fêtes par lesquelles tu célèbres ton Dieu.
Non seulement tu lui permettras de survivre, mais tu te garderas de l'exploiter :
Non seulement tu ne l'exploiteras pas, mais tu le traiteras comme quelqu'un de ta famille :
Non seulement tu accueilleras l'étranger inconnu, mais tu accueilleras de même celui qui a été ton ennemi.
Tu appliqueras la même justice, les mêmes lois à l'étranger qu'à ceux de ton peuple.
Ainsi, la législation sur les émigrés vise généralement à les intégrer dans la communauté Israélite. Si dans le Lévitique il est interdit aux incirconcis de manger la Pâque, Moïse énonce rend possible l'intégration des étrangers à cette fête : « Si un émigré installé chez toi veut célébrer la Pâque pour le Seigneur, que tout homme de chez lui soit circoncis. Alors il pourra s'approcher pour la célébrer, il sera comme un indigène du pays».
Si l’étranger a une place particulière dans la Bible, c’est aussi parce que le peuple d’Israël a vécu souvent comme un étranger, un peuple en chemin, voire en exil. 
[Reprise du verset cité plus haut] : « Tu l’accueilleras en te souvenant que toi aussi, tu as été émigré ».
La motivation de cette Loi est tirée de l'expérience d'Israël lui-même. Il a été étranger, il a su ce que c'était que de mendier, d'être maltraité, privé de liberté. Dieu est venu à sa rescousse. A son tour, il se doit de subvenir aux besoins des étrangers qui croisent sa route.

« Vous savez bien ce qu’ils peuvent éprouver, puisque vous avez vous-mêmes été des étrangers en Egypte ». 
Appel à la compassion, à la compréhension. Etre à l’écoute de ce que l’autre vit, au lieu de lui faire du mal. 

Il est intéressant de voir que dans le parcours du peuple de Dieu, on trouve de nombreux cas d’immigration économique : dans la Genèse les frères de Joseph par exemple se voit obligé d'aller en Égypte chercher à manger. C'est aussi le cas d’Elimelek de Bethléem, dans le livre de Ruth.
L’immigration est parfois aussi due à la guerre. Joseph et Maire eux-même durent séjourner en Egypte pour fuir la persécution d’Herode. 

En parallèle, Dieu met régulièrement en garde Israël contre le danger de trop s'installer, trop s'attacher à sa terre, car cela risquerait de le rendre égoïste, et de lui faire perdre de vue qu’il tire sa sécurité non de son pays, de ses maisons, de ses biens, mais de Dieu seul. 

Et dans le nouveau testament Pierre va même plus loin (1 Pi 2.9-13) : pour lui donc, nous sommes tous des migrants.

3 diapos : « Vous, vous êtes la race choisie, les prêtres du Roi, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu. Il vous a appelés à passer de l'obscurité à sa merveilleuse lumière, afin que vous proclamiez ses œuvres magnifiques. 10Autrefois, vous n'étiez pas le peuple de Dieu, mais maintenant vous êtes son peuple ; autrefois, vous étiez privés de la compassion de Dieu, mais maintenant elle vous a été accordée. 
11Je vous le demande, mes chers amis, vous qui êtes étrangers et exilés sur la terre : gardez-vous des passions humaines qui font la guerre à votre être. 12Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s'ils médisent de vous en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître vos bonnes actions et de louer Dieu le jour où il viendra.
13Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine (…)15En effet, ce que Dieu veut, c'est que vous pratiquiez le bien pour réduire au silence les hommes ignorants et déraisonnables. (…) 17Respectez tous les êtres humains, aimez vos frères en la foi, adorez Dieu, respectez l'empereur.».

Que signifie être étranger et voyageurs sur la terre ?


Globalement, le sujet de l’épître de Pierre est l’insertion des chrétiens, minoritaires, dans une société non chrétienne.
Littéralement, Pierre dit : « vous êtes résidents étrangers et gens de passage ». Vous n’êtes pas vraiment d’ici. 

Diapo : « « vous qui êtes étrangers et exilés sur la terre… » 

Etrangers et exilés sur la terre : Premier sens : exilé spirituel suite à la chute d’Adam
Depuis, si nous sommes vraiment à Dieu, il y a un décalage entre ce monde et l'aspiration de notre cœur. Ce décalage a aussi été celui des Patriarches comme Abraham au milieu de peuples païens, ou la situation précaire d’Israël marchant dans le désert à la recherche d’une patrie… 

Etrangers et exilés sur la terre : vous appartenez au peuple de Dieu. Cf cité des hommes et cité de Dieu. La Bible parle aussi d’être « citoyens des cieux ». « Les chrétiens qu’exhorte Pierre doivent se considérer comme différents des autres, porteurs d’une espérance unique, mais aussi se sentir responsables de ceux parmi lesquels il leur est donné de séjourner pour un temps »

Voilà pourquoi il faut respecter les pouvoirs publics et ne pas chercher à se substituer à eux (dans la mesure où ils ne nous coupent pas de Dieu, c’est un autre débat). 

Etrangers et exilés sur la terre : Jésus lui-même a été exilé et voyageur sur la terre. 
Né dans une étable. Les siens ne l’ont pas reconnu. « Le fils de l’homme n’a pas de lieu où reposer sa tête… ».  
Jésus lui-même parcourut le chemin d'Israël, chemin d'incompréhension, d'exclusion et d'Exode. En cela, Israël et le Dieu incarné ont ressenti dans leur chair le malheur et la force de la vie de l'étranger. 

Etrangers et exilés sur la terre : Nous sommes tous migrants dans ce monde. De passage dans cette vie. 
> Evocation de la brièveté de notre existence, appelée à se poursuivre dans l’au-delà avec Dieu. « ces croyants qui s’approchent de Dieu chaque jour un peu plus ne doivent considérer leur existence que comme un séjour transitoire en ce monde, auquel ils n’appartiennent plus… En somme, un chrétien est comme quelqu’un de passage, qui ne s’adapte pas aux coutumes et aux moeurs des pays qu’il traverse, il garde sa mentalité propre, il a une échelle de valeurs… Ainsi les citoyens des cieux se garderont soigneusement de tout ce qui pourrait ternir leur sainteté »

Est-ce que ça veut dire qu'il ne faut pas aimer ce monde ?
Si bien sûr - au contraire ! Y aimer ce qui vient de Dieu, ce que Dieu y a placé et qui n’a pas été corrompu - on pense à la nature, aux enfants, aux belles choses de la vie…

Mais avec la conscience de la brièveté de ce passage qui d’après la Bible conduit à la sagesse.

Aimer cette vie, mais pas ce « monde », dans le sens de « culture sans Dieu » que lui donne la Bible. 
Cela nous interpelle : est-ce que nous avons cette différence, cette conscience que nous sommes une  « race choisie, les prêtres du Roi, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu », « appelés à passer de l'obscurité à sa merveilleuse lumière », afin de « proclamer ses œuvres magnifiques » et d’être une bénédiction pour le monde en manifestant la grâce et l’amour de notre Dieu ? Ou bien est-ce que nous cherchons à nous fondre au maximum dans le moule, à coller au plus près avec la société dans laquelle nous vivons, avec ses valeurs, son point de vue ? 

En quelque sorte, il nous faut lutter pour rester « étrangers et voyageurs », afin de ne pas perdre de vue notre appel de chrétiens. Si nous nous installons trop, nous risquons de devenir ce sel qui perd sa saveur, cette lampe mise sous un couvercle, dont parle Jésus. 

Le danger est de s'installer au point d'oublier que notre vie dépend entièrement de Dieu, de vivre en oubliant que Dieu nous a sauvés pour que nous devenions une bénédiction pour les autres

Au final, se savoir migrants c’est une protection contre l’aspiration par le « monde », une protection contre les dangers liés à l’installation, dans ce que ça a de péjoratif uniquement. 
En Jean 15.19, Jésus dit à ses disciples : « Si vous étiez du monde, le monde vous aimerait car vous seriez à lui. Vous n'êtes pas du monde, mais je vous ai choisis du milieu du monde; c'est pour cela que le monde vous déteste ». 
Pour les premiers chrétiens, ne pas être « du monde », cela impliquait la persécution. 
C’est encore le cas dans bien des pays, comme l’Irak ou la Syrie. 
Mais aussi pour certains d’entre nous dans leur voisinage, il ne faut pas le nier et idéaliser ce qu’implique « accueillir l’étranger ». Cela peut être difficile, comme peut être difficile toute relation avec des pécheurs… dont nous sommes ! 

Diapo blanche

Si l’on revient au problème bien concret de toutes ces personnes qui cherchent à rejoindre l’Europe au péril de leur vie…nous savons donc que ce problème va se poser de plus en plus
Redisons-le, il est d’abord politique.
Mais notre devoir de chrétiens est résister aux valeurs égoïstes et matérialistes de ce monde pour manifester l'amour et la grâce de Dieu à tous. « pratiquer le bien », dit Pierre. « respecter tous les êtres humains ». Faire le bien devant tous afin de glorifier Dieu et de témoigner de son amour. 
Agir pour aider celui qui est là
Ça peut être un réfugié comme nos Irakiens
Ça peut être notre frère qui est exilé parce qu'il a perdu sa famille, son couple, Il a des deuils à faire…
Alors oui, je suis heureux de vivre ce que je vis, je vais tout faire pour être là, m’intégrer - mais pas me dissoudre. Pas m’endurcir non plus. 
En me sachant migrant dans cette vie, je suis appelé à me demander comment je mets à profit le temps que Dieu me donne pour faire sa volonté, aimer les autres, aimer mon prochain…
Et cette question se pose à chacun de nous aujourd’hui. 

Signalons au passage que consciente de son appel spécifique, en tant que témoin de la grâce de Dieu, notre Union d’Eglise s’est prononcée récemment pour interpeller les pouvoirs publics et « demander au gouvernement français de ne pas considérer uniquement sous un angle sécuritaire la détresse des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, mais de prendre en compte les questions humanitaires et de se donner les moyens d’y répondre dans la mesure du possible, notamment en participant à l’accueil de ces personnes sur notre territoire ». 

Alors c’est vrai, certains vont traverser cette vie sur des bateaux de fortune, risquant de chavirer à tout instant - chavirant même parfois sous les tempêtes. D’autres voyageront en première classe, d’autres plus près des moteurs…
Mais notre Père Céleste veut conduire tous ceux qui croient à destination, tous dans Sa présence et sa paix, pour toujours citoyens de la Nouvelle Jérusalem, de la Nouvelle Terre. Là, il « habitera avec eux, ils seront son peuple et Dieu lui- même sera avec eux, [il sera leur Dieu]. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ». 

Que cette espérance nous remplisse d’énergie, d’assurance et de joie pour mieux accueillir l’autre, mieux l’aimer, mieux nous ouvrir à ce qu’il vit. 

Amen. 

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