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Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
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lundi 6 juillet 2015

Prédication du 12 avril 2015


Luc 4.1-13
La tentation du doute



Pour vous, qu'est-ce qu'un homme ou une femme de foi ? Qu'est-ce qu'un croyant mûr et accompli ? Quelqu'un qui n'est jamais secoué et qui ne connaît pas le doute ? Qui s'adresse à Dieu sans jamais douter d'être exaucé - et qui ainsi reçoit la réponse à ses prières ?

C'est peut-être ce que nous rêvons d'être, au fond. Pourtant, ce type de personnage ne se trouve pas dans la Bible. Aussi surprenant que cela puisse paraître, même Jésus ne correspond pas à cette description - lui qui, sans jamais pécher, a pourtant été profondément secoué dans sa relation avec le Père - secoué par l'angoisse, la tentation et même par une forme de doute.

Cela a commencé dès le début de sa vie publique. Dès le début il a été tenté.
Luc raconte cet épisode au chapitre 4 de son Evangile.
Il intervient juste après le baptême de Jésus. Alors qu'il sort de l'eau, Dieu parle : « tu es mon fils bien aîmé, c'est en toi que je prends plaisir. ».

Lire la suite dans Luc 4.1-13

On retrouve dans ce récit ce que tout chrétien rencontre à un moment ou l'autre : une expérience forte avec Dieu -ici, le baptême - suivie d'une période de « re descente », assortie parfois de trouble, de remise en question - avec la tentation de douter de ce qu'on reçu.
Oui, ce baptême est une expérience forte pour Jésus. Par ce geste, il manifeste son désir de servir Dieu, de lui obéir. C'est un moment clé pour lui, qui donne son ordre de mission - Jésus est là pour accomplir la volonté du Père - et introduit son ministère. A cette occasion le Père, le Fils et le Saint-Esprit apparaissent ici ensemble, en parfaite harmonie.
Jésus est alors reconnu dans son identité de Fils, et de Fils aimé : « tu es mon fils bien aimé, c'est en toi que j'ai pris plaisir ». Parole confirmant l’annonce faite à Marie : « l’enfant qui naitra de toi sera appelé Fils de Dieu ».
Joie. Paix. Lumière de Dieu sur lui.
La place où se tient Jésus à ce moment-là, c'est précisément celle dont il va nous ouvrir l'accès, à nous aussi, par son obéissance - l'entrée dans la présence même de Dieu, sous son regard d'amour. La communion avec le Dieu trinitaire. Comme Jésus, se savoir aimé, se savoir Fils. Se tenir devant Dieu, prêt à accomplir sa volonté - car c'est cela qui le réjouit.
Les Psaumes essaient de dire cette proximité avec Dieu par toutes sortes d'images : celle de l'enfant sevré dans les bras de sa mère ; se tenir « à l'ombre du Très haut », sous ses ailes... La Bible parle aussi du « trône de la grâce » - on est dans la douce présence de Dieu, en paix dans son amour.
Pas d'ombre, pas de nuage entre Dieu et nous.

Mais pour que nous puissions goûter à cette communion, Jésus devait suivre jusqu'à la croix ce chemin d’obéissance sur lequel il s'engage lors du baptême. Il ne devait pas s'en détourner, afin de vaincre le Tentateur, et avec lui toutes les puissances de mort à l'oeuvre dans ce monde.
L'Esprit Saint va donc conduire Jésus dans le désert pour qu'il accomplisse sa mission - vaincre le tentateur. Pourquoi ?
Le passage au désert inscrit d'abord la venue de Jésus dans l’histoire d’Israël : 40 jours, 40 ans, Dieu qui guide le peuple dans le désert, qui le nourrit, le peuple qui perd ses repères, qui perd la confiance en son Dieu, et s'égare.
Après la gloire du baptême, Jésus va aussi connaître dans le désert ce que rencontre tout homme - la solitude, la souffrance, le manque. Et avec cela, la tentation de douter de la présence bienveillante de Dieu. Prier « donne nous aujourd'hui notre pain de ce jour » quand on n'a plus rien à manger, c'est un autre défi pour la foi.
Avec cela, le désert est aussi un espace sans repères, un espace d’errance, où il est facile de se perdre, de ne plus savoir où aller ou vers qui se tourner.
La question ici est : Jésus va t'il réussir là où le peuple d'Israël a échoué ? L'épreuve du désert va-t-elle renforcer sa relation de confiance et d'amour avec Dieu son Père, ou bien va-t-il se perdre ?
Point culminant de l'épreuve, après le jeûne, la rencontre avec le diable, littéralement « l'accusateur, le calomniateur ». En harmonie avec toute la Bible, Luc le considère comme une réalité spirituelle personnelle, objective (elle existe vraiment) et opposée à Dieu. Travaillant notamment à détourner les hommes de l’obéissance.
Derrière l'idée d'accusation fausse contenue dans son nom, il est dit quelque chose déjà de sa stratégie qu'on voit à l'oeuvre ici : il souffle des mensonges afin de jeter la confusion.
Il sème le doute, et avant tout le doute sur l'amour et la fiabilité de Dieu.

Jésus est alors tenté. Alors même qu'il est « rempli de l'Esprit ».
C'est un fait que nous oublions souvent je crois, ou peut-être nous n'aimons pas nous en souvenir tant nous rêverions pour nous-mêmes d'une vie sans combats, sans luttes.
Et puis, se dit-on, comment le Fils de Dieu pouvait-il douter de son Père, ou de Lui-même ? Mais il semble pourtant que Jésus ait eu des périodes de profond questionnement - à Gethsémané par exemple ; doit-on les appeler « doutes » ? A voir.
Tentations réelles en tout cas, le combat n'est pas qu'apparent. Jésus est véritablement un homme, et la faiblesse humaine devant la tentation est devenue son lot.
L'épître aux Hébreux (4.15) l'affirme d'ailleurs ; Jésus «  a été soumis, sans péché, à des tentations en tous points semblables » aux nôtres.  C'est bien ce qui se passe dans ce désert.
Il y a trois tentations dans le récit de Luc, qui sont toutes dans le fond tentation de douter de l'amour de Dieu. De sa fiabilité. De sa parole. Voilà à quoi s'emploie le Diable ici.
Savez-vous comment on fait pour fendre une énorme bûche, très solide en apparence? On place un coin, et on tape. Et le bois finit par éclater.
C'est comme cela que Satan agit : il place des coins dans nos convictions.
Le coin, ici, ce sont ces quelques mots en apparence tellement spirituels : « si tu es le Fils de Dieu... ».
L'attaque est subtile. Satan ne remet pas directement en question le dogme « Jésus, fils de Dieu ». Il semble même confirmer cette vérité en l'évoquant.
Mais ces mots sont diaboliques car, l'air de rien, ils mettent en doute l'affirmation de Dieu : « Tu es mon Fils bien aimé ; c'est en toi que je prends plaisir » ! Le soupçon est jeté sur cette déclaration d'amour. « Si tu es... ».
C'est la vieille stratégie du serpent, ce « Dieu a t'il réellement dit... » soufflé à Eve dès les débuts de l'humanité, et qui conduit au premier péché. On la retrouve tout au long de l'histoire. Dans le livre de l'Exode par exemple : Moïse reçoit de Dieu une parole pour Pharaon: laisse partir mon peuple (Ex.5.1-23). Aussitôt la parole reçue, la voilà mise en doute par tout le monde : est-elle vraiment de Dieu ? Qui est ce Dieu qui demande cela ? Mêmes les Israélites la remettent en question, accusant Moïse : depuis que tu as dit cela, nous avons encore plus de travail, on nous maltraite...
Moïse a été alors pris dans la culpabilité - depuis que tu as dit cette parole, tes frères souffrent encore davantage. On imagine ses questions alors : est-ce que Dieu m'a vraiment dit cela ? Est-ce qu'il veut le bien de son peuple ou son malheur, alors ? Si ça venait de Dieu, le peuple ne souffrirait pas. Etc. Doute sur les intentions de Dieu, sur son amour.

De même ici : « si tu es fils de Dieu... ».
Le doute est semé sur l'identité de Jésus, en utilisant d'abord le levier de la faim : tu as faim ? Si tu es Fils de Dieu, dis à cette pierre de devenir du pain. Sous-entendu : si tu étais ce que tu crois être, si Dieu t'avait vraiment reconnu comme son Fils, tu aurais bien droit à de petits avantages, non ? Tu ne serais pas là à te torturer l'estomac inutilement, si Dieu voulait vraiment ton bien, s'il t'aimait comme un fils ».
Sous-entendu : es-tu sûr que Dieu t'aime vraiment pour te laisser ainsi affamé ?
Même paroles, pour la troisième tentation : alors Jésus a été conduit par lui en haut du Temple, le Diable lui dit : « si tu es Fils de Dieu, jette toi d'ici en bas. Car il est écrit : il donnera des ordres à ton sujet afin qu'ils te gardent et ils te porteront sur leurs mains de peur que ton pied ne heurte une pierre »(4.9-12).
Etrange tentation, n'est-ce pas ? Faire du pain quand on a faim, gouverner le monde … on voit tout de suite l'intérêt, le levier de la tentation. Mais ici, sauter dans le vide ?!

En réalité il s'agit là aussi de saper la confiance en Dieu, et cette fois en détournant Sa Parole. Satan utilise cette fois la foi elle-même comme angle d'attaque. Voyez comme il se fait pieux, il se déguise en ange de lumière, presque en théologien ! - ouvre la Bible, cite un psaume...
C'est lui maintenant qui dit : « il est écrit... ! ». « ils te porteront sur leurs mains... ». Promesse de protection, sans ambiguïté.
Ainsi, voilà Jésus perché sur le toit du Temple, devant tout le monde ! Le texte parle précisément de l'arête du temple - Jésus est donc en équilibre instable : d'un côté, s'il refuse de sauter, l'on peut croire qu'il est incrédule, qu'il doute que cette parole de Dieu soit vraie... De l'autre, s'il saute, cela montre qu'il a besoin d'une expérience pour prouver la validité de la parole de Dieu : la Parole sera reconnue comme vraie... si Dieu le rattrape.
La tentation ici est donc de lutter contre le doute en cherchant un appui non en Dieu, mais sur ce qu'on vit, ce qu'on expérimente.
Le piège est vraiment vicieux. Si Jésus saute, c'est comme s'il disait : d'accord Dieu l'a dit, mais je ne le croirai que quand je l'aurai vécu. La Parole de Dieu ne suffit plus.
Faire ainsi dépendre la validité des promesses de Dieu de ce que nous vivons est clairement un piège pour la foi. Pourtant, n'est-ce pas un penchant que nous connaissons bien ?
Nous avons si souvent besoin de voir pour croire ! D'expérimenter, de ressentir.
Mais les sentiments sont parfois trompeurs, les émotions sont passagères. La foi qui repose sur cela ne tient pas longtemps. C'est l'image du fou qui construit sur le sable.
De plus, quand nous sommes ainsi sur un sol mouvant, nous sommes bien plus réceptifs à la voix de l'adversaire, dont nous connaissons tous le son.
Les mêmes mots sont soufflés à nos oreilles devant les difficultés, les épreuves : « si tu es enfant de Dieu... si tu es aimé de Dieu, tu dois bien être délivré de ces difficultés, non ? Si tu étais son enfant, tu n'aurais pas cette maladie, non ? S'il t'aimait, Dieu le tout puissant aurait déjà répondu à ta prière de guérison, puisqu'il peut tout. Es-tu vraiment aimé de Dieu ? ».
Entendons nous bien : il y a des doutes qui sont constructifs, quand nous doutons de nous-mêmes, que nous remettons en question nos certitudes pour aller plus loin. S'interroger est vital.

Mais il y a aussi des idées qui, semées en nous, vont produire peu à peu de mauvais fruits. L'ombre d'un soupçon, dont on connait la force destructrice, comme dans ces histoires où un doute, soudain, fait son chemin dans un couple, jusqu'à miner peu à peu la confiance en l'autre. Et madame, ou monsieur, commence à s'imaginer que l'autre le trompe, et bien sûr tous les signes concordent, et cela peut les amener très loin... alors que souvent on va découvrir qu'il n'en était rien.
Un doute, un soupçon...
Coin placé judicieusement pour faire éclater la confiance.
« Si tu es le Fils de Dieu... »
C'est comme une fausse note diffuse qui remet en question l'harmonie de l'ensemble. On ne sait pas vraiment d'où elle vient mais cela suffit à perturber.
Le doute peut être jeté ainsi sur tant de paroles de Dieu : « tu es une créature merveilleuse » ; « tu as du prix à mes yeux » ; « je ne t'abandonnerai pas », « j'ai pour toi des projets de paix, non de malheur »... et nous désespérons de nous-mêmes. Le désert nous semble alors sans issue, et déserté par le Seigneur.
Oui, toute foi connait des déserts dans lesquels l'adversaire a beau jeu de nous souffler que Dieu nous a oubliés ou qu'il n'a pas dit que... mais ces moments peuvent être aussi des occasions de grandir si nous restons accrochés à Dieu. La foi qui reste alors est celle qui repose sur la Parole et non sur le sentiment ou l'expérience.
Oui, n'en doutons pas (!), de tels déserts se présenteront sur notre chemin de notre foi, avec la tentation de renoncer.
Nous n'en sortirons certainement pas en refusant de regarder en face nos doutes et nos interrogations.
Nous n'en sortiront certainement pas en considérant cette tentation comme anormale, en la dramatisant à l'excès. Redisons-le, la tentation n'est pas encore le péché. L'hésitation n'est pas le renoncement.
Au contraire, l'exemple de Jésus est un encouragement à affronter nos doutes et à dire nos confusions. A les regarder paisiblement en face, sous le regard de Dieu, qui est le seul gardien de notre foi.
Osons dire nos doutes, osons les accueillir et les amener à l'ombre du Tout Puissant, pour qu'il nous éclaire. Aller avec tout ça devant « le trône de la grâce ».
Que notre Eglise puisse être aussi un lieu où l'on peut partager ses combats, devant Dieu et devant nos frères et sœurs, sans être jugés, afin que l'adversaire ne trouve pas là de prise pour nous éloigner de Dieu, et qu'ensemble on puisse se soutenir au milieu des épreuves.
Dans ces moments de désert, enfin, il sera de la plus grande importance de se souvenir que notre Maître a été tenté lui aussi, et qu'il connaît nos doutes, sans nous rejeter pour autant.
Au contraire, il nous encourage à aller de l'avant malgré tout. Thomas doutait vraiment de la résurrection, mais c'est d'abord vers lui que Jésus est venu, pour lui dire son amour.
C'est cette grâce de Jésus qui est notre force. Il a vaincu pour nous le doute et la tentation en obéissant à Dieu jusqu'à la mort. Il a déjà vaincu l'adversaire.
Pourtant, jusqu'au bout le tentateur est venu le harceler : Matthieu 27.40 : « si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ». Jusqu'au bout, la tentation du doute.
Mais il n'a pas cédé.
Il est resté confiant dans la Parole du Père, qui avait promis de le délivrer de cette épreuve, de le ramener à la vie et de le conduire dans la gloire. Il avait confiance en celui qui avait promis. Parce que Dieu l'avait dit, il allait le faire.
La vraie foi repose sur cette confiance là. Il faut parfois bien des épreuves pour qu'elle s'affermisse ainsi, par la grâce de Dieu.
Demeurons dans cette grâce, revenons, sans cesse, à l'ombre du Très Haut, dans cet amour dont Jésus nous a ouvert l'accès, sans limites, par son obéissance.

« Nous n'avons pas un grand-prêtre incapable de souffrir avec nous de nos faiblesses, dit l'épître aux hébreux. Au contraire, notre grand-prêtre a été tenté en tout comme nous le sommes, mais sans commettre de péché. Approchons-nous donc avec confiance du trône de Dieu, où règne la grâce. Nous y obtiendrons le pardon et nous y trouverons la grâce, pour être secourus au bon moment » (Hé 4.15-16).

Amen.


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