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Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

mardi 22 décembre 2015

Prédication du dimanche 20 décembre 2015 : Luc 1. 5-25 : une histoire de fidélité(s)



Un théologien contemporain1 affirme : « nous nous posons (généralement) la question : « quelle place Dieu a t’il dans ma vie ? », mais la vraie question n’est-elle pas plutôt : « quelle place ma petite vie a-t’elle dans la grande histoire écrite par Dieu ? ».
Une petite vie, pourtant si importante dans le grand plan de Dieu : c’est bien de cela que nous parle Luc, quand il évoque l’histoire d’Elisabeth et Zacharie.
La petite histoire de fidélité de ce couple dans la grande histoire de la fidélité de Dieu.
Ce récit dit la portée bien plus grande que ce que nous croyons de nos petits fidélités de chaque jour. Comment Dieu agit par nos forces mais aussi nos faiblesses ; malgré nos faiblesses ; par nos faiblesses ; parfois grâce à nos faiblesses. Par nous, et aussi malgré nous - mais toujours pour nous.



A. Ce récit est d’abord l’histoire de la fidélité d’Elisabeth et Zacharie malgré l’épreuve

« Aux jours d'Hérode, roi de Judée, il y eut un prêtre nommé Zacharie, de la classe d'Abiya ; sa femme était une descendante d'Aaron, et son nom était Elisabeth. 6Tous deux étaient justes devant Dieu et suivaient d'une manière irréprochable tous les commandements et les ordonnances du Seigneur. 7 Mais ils n'avaient pas d'enfant, parce qu'Elisabeth était stérile, et ils étaient l'un et l'autre avancés en âge ».
En quelques mots, Luc esquisse l’histoire d’une vie de consécration à Dieu, mais une vie marquée aussi par une lourde épreuve : les années passent, et aucun enfant. Aujourd’hui c’est une douleur profonde, à l’époque c’est aussi une honte. On est mis de coté, mal vu, mal jugé, car les juifs croyaient que la stérilité était due à un péché.
Elisabeth porte cela, chaque jour, quand elle aborde des groupes de femmes, quand elle retrouve sa famille, et on imagine les ragots, et aussi les questions murmurées, lourdes et comme autant de pointes dans son coeur : « alors ? toujours rien ? ».
Douleur lancinante, espérance maintes fois déçue ; et les années passent, rendant l’espoir plus maigre chaque jour.
Pourtant, dit Luc, cet homme et cet femme « marchaient devant Dieu fidèlement ». 

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Elisabeth et Zacharie aiment Dieu, et veulent lui plaire. L’expression utilisée est fréquente dans la Bible. Ainsi Abraham a « marché devant Dieu ». Ainsi Elisabeth et Zacharie marchent ensemble - « tous les deux », insiste le texte grec. « En couple ».
Le voyez vous, ce petit couple discret qui sert le Seigneur, tous les jours, alors même qu’il ne répond pas leur prière la plus chère ? Bien sûr, ils ne comprennent pas pourquoi leurs prières restent sans réponse. A chaque déception, on peut imaginer Zacharie qui serre Elisabeth tendrement, ils sont ensemble, malgré tout, malgré le silence de Dieu.
Et ils marchent devant lui.

Marcher devant lui a un sens éthique : cela signifie respecter ses commandements, ne pas suivre une « morale élastique » qui s’adapte à nos envies et nos désirs, mais rester au plus près des commandements que Dieu donne dans Sa Parole, pour nous protéger et nous conduire vers la liberté. Fuir le mal sous toutes ses formes.

Mais c’est aussi une disposition du coeur. Ce couple « suivaient d’une manière irréprochable tous les commandements et les ordonnances du Seigneur ». Irréprochable ici, cela ne signifie pas qu’ils ne commettent aucun péché, aucun écart. Ce qui les rend irréprochable c’est l’honnêteté de leur coeur. Est irréprochable celui qui dit « oui » à Dieu chaque jour et qui demande pardon à Dieu quand il se trompe, et qui continue d’essayer de plaire à Dieu, profondément et en persévérant, dans la durée.
Pour nous, pas besoin d’être « à plein temps » dans un service pour l’Eglise pour marcher fidèlement devant Dieu. En Jésus-Christ, nous sommes appelés à « marcher selon l’Esprit » (Galates 5.25). Ephésiens 5.1 parle « d’imiter Dieu », de « vivre dans l’amour, tout comme le Christ aussi nous a aimés ». De laisser le Saint Esprit produire en nous « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, confiance, douceur, maitrise de soi... ».
Comme Elisabeth et Zacharie, placer notre confiance en Dieu, tout espérer de lui, chercher sa présence, sa voix, dans la prière et la méditation de sa Parole, en ne résistant pas au Saint Esprit : voilà ce qui fait de nous des prêtres pour Dieu, comme ils l’étaient eux aussi, chacun à sa façon - tous deux issus de la grande famille d’Aaron, frère de Moïse, le premier prêtre institué par Dieu. Zacharie est prêtre lui-même, c’est sa fonction dans la société - servir Dieu. Et il le fait le mieux possible, de servir ce Dieu qui pourtant ne répond pas à sa prière.

Même leur nom évoque Dieu : Elisabeth, « Dieu a fait serment », Zacharie : « L’Eternel s’est souvenu »... ! L’espérance est inscrite dans leur identité la plus intime ! On pourrait presque trouver cela ironique, voire cruel - mais Dieu, effectivement, va se souvenir de sa promesse, au jour prévu par lui, au bon moment.
Et c’est là que la petite histoire de la fidélité de ce couple rejoint la grande histoire du Salut.
Derrière leur destin anonyme apparaît soudain la présence agissante de ce Dieu qui a promis de sauver les hommes.

B. Ce récit rapporte aussi la grande histoire de la fidélité de Dieu pour son peuple

a. Un Dieu qui dirige les évènements, selon son calendrier

Cela apparaît d’abord à travers un « hasard » plutôt étonnant : Zacharie est tiré au sort pour aller au coeur du Temple offrir de l’encens. Quelques explications pour nous aider à mesurer la
« chance » de Zacharie ici : deux fois par an, un seul prêtre a le droit d’entrer aussi loin dans le Temple pour offrir ce sacrifice. Il est tiré au sort parmi les 24 classes de prêtres comportant chacune un grand nombre de personnes, ce qui faisait qu’on n’avait généralement une seule occasion dans sa vie de le faire. Je vous laisse calculer les probabilités, faites-vous plaisir !
Comme par hasard, le sort désigne Zacharie, et le voilà qui peut s’approcher une fois au plus près du Saint des Saints, le coeur du Temple de Jérusalem, là où se tient la présence de Dieu...
Ainsi Dieu est agissant, Dieu dirige les choses pour qu’elles arrivent « au moment fixé ». A vues humaines, rien ne laisse soupçonner que c’est le moment. Mais lorsque le temps fixé par lui arrive alors Dieu rejoint Zacharie, par l’intermédiaire d’un ange.
Zacharie effrayé ne s’attendait pas à cette rencontre. Mais ce que lui annonce l’ange a de quoi le remettre d’aplomb : « ta prière a été exaucée. Ta femme, Elisabeth, te donnera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jean »(1.13).

b. Un Dieu qui prépare l’arrivée de son Fils

La description que fait l’ange de ce que sera cet enfant préfigure déjà ce qui sera annoncé à Marie peu après, la naissance d’un enfant au destin exceptionnel.
« il sera grand devant le Seigneur... il sera rempli d'Esprit saint depuis le ventre de sa mère 16et il ramènera beaucoup d'Israélites au Seigneur, leur Dieu. 17 Il ira devant lui avec l'esprit et la puissance d’Elie, afin de ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à l'intelligence des justes, et de former pour le Seigneur un peuple préparé ».
Cette « Annonciation » révèle aussi que Dieu dirige les événements, qu’il est en train de tenir ses promesses, au delà même de toutes les attentes !
Dieu est aux commandes. En donnant le nom de l’enfant, Dieu prend la place du père, dont c’était le rôle, et c’est pour cela que l’enfant lui sera entièrement consacré (« il ne boira ni vin ni boisson alcoolisée »).
Une autre façon de dire que cet enfant, comme toutes choses, lui appartient. « Nos enfants ne sont pas nos enfants », dit l’écrivain Khalil Gibran, et comme tout ce que nous avons, ils appartiennent à Dieu, qui en prend soin, et qui nous les confie. De même pour tout ce que nous croyons posséder.
Zacharie est placé en même temps devant cette réalité, et devant l’affirmation de l’amour de Dieu pour lui. Dieu veut son bien : cet enfant sera pour lui « un sujet de joie et de très grand bonheur ». Il sera béni, « rempli il sera rempli d'Esprit saint depuis le ventre de sa mère... » et accomplira une mission importante : « ramener beaucoup d'Israélites au Seigneur, leur Dieu », avec « l'esprit et la puissance d’Elie, afin de ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à l'intelligence des justes, et de former pour le Seigneur un peuple préparé ».
Mission de réconciliation, de reconstruction, et annonce d’une bonne nouvelle.
Beau projet d’orientation !
On imagine mal Zacharie ergoter devant un tel projet : « euh, Seigneur, est-ce qu’il ne
pourrait pas plutôt devenir charpentier  ? Ou entrer dans la fonction publique ? C’est moins risqué !...».

Oui, Dieu dirige, et prépare par ce couple, grâce à leur fidélité, la venue de son Fils : ce n’est pas rien !
Ainsi, Elisabeth devenue mère miraculeusement va pouvoir soutenir et accompagner Marie qui vivra la même chose peu après. C’est Elisabeth qui confirmera à Marie sa grossesse, quand Jean- Baptiste, rempli de l’Esprit, « tressaillira » dans le ventre d’Elisabeth à la rencontre de Marie.
Dans l’accomplissement de sa promesse, Dieu prend soin de chacun, et ne laisse seul ni Zacharie, ni Elisabeth, ni Marie, ni Joseph, ni son peuple.

C. Dans la petite histoire de ce couple, enfin, c’est la grande histoire d’une grâce à recevoir pour eux, pour le peuple et pour nous qui est racontée.

Le nom de l’enfant, Jean, signifie précisément : « Dieu fait grâce ». Le but de sa vie, c’est de « préparer le chemin » pour la venue de Jésus, afin que le peuple ne soit pas pris au dépourvu par l’irruption soudaine de la grâce de Dieu après tous ces siècles d’attente !

Grâce de Dieu bien sûr pour ce couple, qui se découvre connu de Dieu (« ta femme, Elisabeth»), écouté et aimé, exaucé au delà de ses attentes.
L’accomplissement de la prière du couple ne peut être accueilli comme un droit mais juste comme un bienfait immérité. Elisabeth reconnaît cela et l’accepte avec confiance : « voilà ce que le Seigneur a fait pour moi au temps où il a décidé de retirer ma honte parmi les humains ».
Reconnaissance de l’action libre de Dieu envers elle, et reconnaissance/gratitude : au temps fixé, au temps juste, au bon moment. « Mes paroles s'accompliront en leur temps », dit l’ange.
Dieu a décidé, librement, mais par amour, de façon totalement imméritée.

Grâce de Dieu enfin pour l’humanité, pour nous.
L’ange annonce aussi indirectement l’accomplissement d’une espérance fidèle pour l’humanité perdue.
« Cette espérance, née d’une parole mystérieuse appelant Abraham loin de son pays et de la maison de ses pères sans savoir où il allait »(2), espérance réaffirmée au peuple hébreu, à David, mise
en jeu à chaque génération pendant plusieurs milliers d’années, maintenue à travers la nuit la plus complète, les déceptions les plus amères - cette espérance arrive enfin, et malgré tout, à son but : « il vous est né un sauveur, il est le Christ, le Seigneur », diront les anges aux bergers peu après, la nuit de Noël.

Oui, Dieu intervient dans nos vies humaines. Et d’une certaine manière, il intervient au moment où Zacharie et Elisabeth ne peuvent faire autre chose que reconnaître leur impuissance - ils sont maintenant trop âgés pour avoir un enfant.

Ils doivent aussi reconnaître aussi leur manque de foi. Voyez Zacharie répondant à l’ange :
« A quoi le saurai-je ? Car, moi, je suis vieux, et ma femme est avancée en âge » - ce qui va lui valoir d’être rendu muet pendant tout le temps de la grossesse.

Zacharie doute, pourtant il reste « irréprochable » car humble, cherchant Dieu sincèrement, et Dieu répond quand même à sa prière.
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C’est pareil pour nous. Dieu agit pour nous et par nous, et il le peut d’autant plus quand nous ne pouvons plus faire autre chose que reconnaitre notre fragilité, notre manque de foi aussi, et que nous le laissons vraiment s’occuper de nous et de ce qui nous travaille.
Comme Dieu l’a dit à l’apôtre Paul, « Ma grâce te suffit. Ma puissance se manifeste précisément quand tu es faible », quand tu ne résistes plus à mon amour, à mon Esprit. Quand tu cesses de te débattre et de t’agiter.
Alors, je peux prendre soin de toi, et tu peux recevoir les belles choses que je veux te donner.


Ainsi donc, quelle place nos petites vies ont-elles dans la grande histoire écrite par Dieu ?

On pourrait dire : la réponse est différente pour chacun, car chaque vie est unique. C’est vrai.
Comme Elisabeth et Zacharie, cependant, nous sommes tous appelés à marcher simplement, humblement et fidèlement, avec ce Dieu qui nous connait personnellement et nous aime.
Même si on n’y voit pas clair et qu’on a le sentiment de ne pas être entendu, ou pas à la hauteur, ou de ne pas en faire assez.
Il nous accorde la grâce de participer, là où nous sommes, à la grande histoire de son intervention en faveur de l’humanité. De briller « comme des flambeaux dans le monde », comme des témoins de son amour, de sa présence agissante aujourd’hui encore.
Il voit au delà de nos horizons, il a pour nous « des projets de bonheur, non de malheur », pour nous « donner un avenir à espérer ». (Jerémie 29.11)
Finir par cantique de Zacharie, prière inspirée par Dieu au moment de la naissance de Jean- Baptiste, quand Zacharie retrouvera la parole pour dire ceci :

Que par Jésus, Dieu nous accorde « 74après avoir été délivrés des ennemis, de pouvoir sans crainte lui rendre un culte75dans la sainteté et la justice, devant lui, tout au long de nos jours ».
Voilà la Bonne Nouvelle reçue en Jésus-Christ, et qui est pour nous aussi en cette fin 2015 : « la connaissance du salut par le pardon de nos péchés, 78grâce à la tendre compassion de notre Dieu.

C'est par elle (par cet amour, cette compassion) que le soleil levant brillera sur nous d'en haut 79pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort et pour diriger nos pas vers le chemin de la paix ».
Que nous puissions nous laisser diriger sur ce chemin de paix, et vers la joie de Noël, par Jésus-Christ.
Amen

(1) C. Wright, La mission de Dieu, p.632
(2)  Gollwitzer, luc, p.14

lundi 7 décembre 2015

Prédication du dimanche 6 décembre 2015 - Luc 22. 14-19 - La Cène, un moment de joie et de reconnaissance - à partager !


Ce matin, je voudrais prendre le temps de méditer avec vous le sens de ce rite que Jésus a institué, la veille de sa mort. 
On pourrait dire bien des choses sur le sens de cette « Cène », qu’on appelle aussi « communion » ou  « eucharistie ». Je ne ferai pas le tour des questions théologiques sur le sujet, ce matin.
Souvenons-nous avant toutes choses que la Cène est un rite, et qu’un rite est fait pour signifier justement ce qui ne peut pas être dit avec des mots. Son sens dépasse toujours les discours qu’on peut faire dessus. Comme dit A. Nouïs, « il est des temps où il est plus important de célébrer que d’expliquer ». C’est le cas pour la Cène, qui est à vivre, pas à commenter !  
Mais pour bien la vivre, il est important de mieux la comprendre ! 

Pour commencer, une question : si vous saviez que vous allez mourir dans moins de douze heures, que feriez-vous ? 
Moins de douze heures avant sa mort, Jésus, lui, réunit ses plus proches disciples pour le repas de la pâques juive. La scène se passe au début du premier siècle, à Jérusalem.


Il faut imaginer quelle ambiance électrique règne à Jérusalem ce jour-là. Dans la ville sainte, c’est bien pire que la Fête des Lumières : des foules innombrables de pèlerins Juifs du monde entier sont venus pour la fête de Pâques -  une fête très importante : lors d’un repas au rituel immuable, on se souvient de cette nuit ancienne où Dieu a libéré les Israélites de l’esclavage en Egypte, par l’intermédiaire de Moïse. 


On raconte comment Dieu a fait d’eux un peuple libre, et comment ensuite, au mont Sinaï, il leur a donné la Loi qui fait à la fois la religion et l’identité d’Israël. 
Le repas de Pâque, c’est donc un moment de joie et de reconnaissance envers Dieu ! Cette fête dit aussi que Dieu est le libérateur aujourd’hui encore - et ça résonne très fort dans cette ville occupée par les Romains, ces païens qui n’hésitent pas à profaner le Temple, provoquant la colère des juifs. 
Ainsi, l’ambiance est à la fois joyeuse et tendue. Pire qu’à la Part-Dieu la veille de Noël. Ce soir-là, partout dans Jérusalem, on se retrouve en famille, comme pour le réveillon de Noël, et l’on se prépare à sacrifier un agneau, en souvenir de ceux dont le sang marquant les portes des maisons des Israélites les a protégés de la mort, au moment de la libération d’Egypte. 



Jésus, en juif fidèle, a fait préparer le repas lui aussi. Luc insiste là-dessus : c’est Jésus qui a tout organisé, il a choisi une grande chambre, à l’étage d’une maison, et fait acheter le nécessaire. 
Là, il s’assoit à table avec ses proches, et comme tous les juifs les voilà qui commencent les festivités. 
Mais la soirée va prendre une tournure inattendue…

Lisons le récit de ce moment étonnant. 

Lecture : Luc 22.14-19


Une chose me frappe : pendant les trois années passées avec ces hommes,  Jésus a accompli des choses vraiment plus extraordinaires - marcher sur l’eau, changer de l’eau en vin, rendre la vie à des morts !
Pourtant ce qu’il transmet ce soir là est étonnement simple. Ce sont ces gestes que nous allons faire tout à l’heure : partager du pain et boire du vin dans la même coupe. 
Voilà ce qu’il a estimé important de faire, avant de mourir. 
Pourquoi ? 
Pourquoi Jésus laisse-t’il ces gestes à ses disciples, et à nous aujourd’hui ? Et qu’attend-il de nous en retour - quelle disposition de coeur, quelle attitude ? 



1. Un repas - repas de Pâques.

Commençons par une évidence : la cène est un repas ! Pas une cérémonie religieuse placée hors de la vie quotidienne. Et même si ce repas est un repas spécial, les gestes que fait Jésus ici sont ordinaires pour des juifs de l’époque : au début de chaque repas, le maître de maison priait ainsi pour exprimer sa reconnaissance à Dieu : « Bénis sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi du monde, qui fournis le pain de la terre ». Le pain doit alors être rompu et partagé entre les convives, c’est l’usage avant chaque repas. 
Et à la fin, on fait pareil avec la coupe de vin. 
C’est précisément là, au coeur des habitudes quotidiennes, que Dieu veut rejoindre ses disciples ce soir-là, et au delà, nous rejoindre. 
Il est ce Dieu qui, en Jésus, s’assoit là, à notre table, et pour nous parler de réalités qui nous dépassent, il prend un langage qu’on connait bien : manger, boire. 

Manger du pain, symbole de vie. Boire du vin, signe de la fête et de la joie partagée. 

Ainsi, même si l’heure est grave, Jésus commence par placer le repas sous le signe de la reconnaissance envers Dieu ! Et c’est cela doit rester la note dominante de la cène : la reconnaissance envers Dieu pour ce qu’il fait pour nous. La confiance en lui. La joie ! 


En grec, le terme utilisé dans l’expression « il rendit grâce », « il exprima sa reconnaissance », son « merci » c’est eucharisteo, qui a donné le nom traditionnel de la cène, l’eucharistie. 
Eucharistie : dire merci, exprimer sa reconnaissance. 
Chara : la joie
Charis : la grâce
Tout cela se mêle dans ce repas.
Jésus y réaffirme donc sa reconnaissance et sa confiance dans le Père. Il sait quel projet de vie extraordinaire il va accomplir à travers sa mort. Il sait quelle joie, quelle grâce pour nous découleront de sa mort, douze heures après. 

2. Un repas d’adieux 
Mais il annonce aussi qu’il va mourir. Et en même temps que la joie de fêter un Dieu qui libère, au delà de la reconnaissance envers ce Dieu fidèle, pour Jésus il y a la gravité et l’émotion, car c’est aussi son repas d’adieux aux disciples. 

Comment ne pas être frappé par l’insistance de Jésus sur le fait qu’après cela il ne boira plus de vin, il ne mangera plus de pain ? On le sent ému. « J’ai vivement désiré manger cette pâque avec vous, avant de souffrir… ». 

Peut-on imaginer ce qu’a dû ressentir Jésus en sentant le pain se déchirer entre ses mains, alors qu’il disait « ceci, mon corps, qui est donné pour vous » ? Certainement il pense à ce qui va lui arriver dans quelques heures seulement, quand ce sera lui qui sera brisé, torturé. Il doit lutter intérieurement contre l’angoisse, l’envie de fuir cela.
En cette heure difficile, Jésus a besoin de la présence de ses amis et de leur chaleur pour affronter ce qui l’attend. 

Jésus sait aussi que ses disciples vont être désorientés par sa mort, aussi leur laisse-t’il ces gestes simples pour les rassurer, et parce qu’ils seront un repère, une aide, un lien entre eux et lui quand il aura été crucifié et qu’il ne sera plus là.

Voilà pourquoi, avant même de les quitter, il leur donne ce rite qui redit l’espérance et la confiance en Dieu, et qui va exprimer, par des symboles simples, le magnifique projet de vie que Dieu a pour eux. 

3. Un repas de Pâques détourné

Ce projet, Jésus l’explique alors en détournant le sens du repas traditionnel de Pâques. 
Ainsi, alors que tout a commencé selon la tradition, voilà qu’en plein milieu, Jésus casse le rituel, change le sens des gestes en prononçant des paroles incroyables : au lieu de dire, selon l’usage, « ceci est la pâque », il déclare « ceci est mon corps ». Par ces mots, il donne une signification nouvelle à ce repas : il le relie à lui-même, à sa mort proche, à sa résurrection à venir. « Mon corps, mon sang… donnés pour vous » : Jésus ne va être simplement exécuté, il va donner sa vie pour faire vivre ceux qui le reçoivent. 
Et Jésus va même plus loin : il parle de « nouvelle alliance » ! Il faut imaginer le choc pour les disciples, dont toute la compréhension du monde est basée sur l’alliance établie par Dieu avec Moïse.
Qu’est-ce qu’ils ont réellement compris ce soir-là ? Au moins, que l’heure était grave, mais qu’il y a avait de l’espoir, car Jésus parle de boire à nouveau le vin avec eux, dans l’avenir. 

Mais plus tard, ils comprendront aussi que Jésus, par sa mort sur la croix, a établi une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes. Dans cette alliance, il ne s’agit plus d’offrir des sacrifices d’animaux pour être acquitté par Dieu : en partageant le pain et le vin, Jésus est en train d’expliquer que l’agneau de pâque, cette fois, c’est lui. 

En effet, le lendemain, sur la croix, il va donner sa vie en sacrifice - un seul sacrifice suffisant pour le pardon de tous les péchés passés, présente et à venir. Un sacrifice parfait parce que Jésus Fils de Dieu est parfait. Un sacrifice suffisant donc pour effacer toutes les horreurs commises par les hommes - de Dachau à Daesh, et au delà. 
Jésus va donner sa vie une fois pour toutes à la place de la nôtre. C’est lui qui va être condamné, pour que nous soyons libres. C’est lui qui va subir la honte et le rejet loin de Dieu, pour que nous puissions relever la tête et être réconciliés avec Dieu. 

Dans cette « nouvelle alliance », sa mort et sa résurrection occupent la place qu’occupait la sortie d’Egypte dans l’ancienne, et ses enseignements deviennent la nouvelle loi. Quand à la Terre Promise vers laquelle il conduit ceux qui lui font confiance, c’est le Royaume de paix que Dieu établira lorsqu’il reviendra. 


Cette alliance, enfin, est scellée, garantie, par le don du Saint-Esprit, comme l’explique la lettre aux Hébreux (10) : « Par une seule offrande (Jésus) a conduit à la perfection pour toujours ceux qu'il rend saints. C'est ce que le Saint- Esprit nous atteste aussi, car après avoir dit: Voici l'alliance que je ferai avec eux après ces jours- là, dit le Seigneur : je mettrai mes lois dans leur cœur et je les écrirai dans leur esprit, il ajoute : Je ne me souviendrai plus de leurs péchés ni de leurs fautes ».

Voilà ce que dit ce repas, cette « cène ». 

La Cène est donc un repas symbolique, qui n’a pas de pouvoir en lui-même. 
Ce n’est pas « une cérémonie religieuse sacrée qui nous sort de la réalité terrestre pour nous faire accéder aux sphères célestes ». Il ne s’agit donc pas de prendre le pain et le vin comme s’ils étaient efficaces pour nous purifier, nous rendre plus saints, etc. 
Il ne s’agit pas non plus de prendre ce repas pour être pardonné, comme si c’était un rituel de purification. De tels rituels sont désormais inutiles : la mort de Jésus a effacé définitivement tout ce qui nous sépare de Dieu, sans que nous ayons quoi que ce soit à faire - si ce n’est croire, lui faire confiance. Ce qui est important, donc, dans la Cène, c’est notre foi - une foi qui doit être sincère et authentique.


4. Dans quel état d’esprit prendre ce repas ? 

« Il prit une coupe, remercia Dieu… ». « Il prit du pain, remercia Dieu… ». 
« J’ai vivement désiré manger cette Pâque avec vous, avant de mourir ». 
Gravité et reconnaissance, tristesse et joie, confiance et espérance : tout cela est présent en même temps dans ce rite - mais la reconnaissance domine. 
Le Christ ressuscité nous invite à cette table, et nous pouvons nous en approcher en disant pardon, mais surtout : merci ! 

En disant pardon, bien sûr. Gravité et sérieux sont de rigueur. 
Ainsi, Paul demande à chacun d’examiner sincèrement sa relation au Seigneur, et de lui demander pardon le cas échéant. 
Gravité et sérieux devant ce que Dieu a dû faire pour nous sortir de nos esclavages, de notre orgueil, de notre aveuglement, pour nous ramener à lui. 

Mais attention ! On a parfois l’habitude de prendre la Cène en restant centré sur soi-même, en pensant qu’il nous faut surtout, à ce moment-là, examiner notre conscience, et pour mériter d’une certaine façon de prendre le repas, vite demander pardon pour tous les péchés que nous avons en tête ! Alors - ouf ! - nous pouvons participer dignement. 

Peut-être certains ont-ils connu des cultes où la menace plane sous la forme de cet avertissement donné par Paul dans la première lettre aux Corinthiens : « celui qui mange et boit sans discerner le corps de Christ mange et boit un jugement contre lui-même »
Je me souviens dans ma jeunesse d’un homme qui appuyait cela d’un air terrible et avec un regard particulièrement noir ! 

Mais si Paul nous invite à « nous examiner nous-mêmes » devant Dieu, ce n’est pas pour rester écrasé par nos infidélités : c’est pour nous ouvrir à l’amour de Dieu et à l’amour des autres ! 
Car en réalité, ce que Paul reprochait aux Corinthiens, qui ne « discernaient pas le corps », c’était de prendre la Cène sans communion, chacun dans son coin. Il y avait même des conflits et du mauvais esprit entre eux, des tensions, des jalousies. C’était chacun pour soi, chacun sur soi. 
Au contraire, la Cène est un moment centré sur Jésus et tourné vers nos frères et soeurs. 
En participant à ce repas, nous confessons ensemble notre foi dans le Christ mort et ressuscité pour nous - une confession à la fois personnelle et communautaire. 

Communautaire, parce que Jésus lui-même nous tend le pain et le vin et nous dit : « « Prenez ceci et partagez-le entre vous ». Il nous invite à la reconnaissance et à la joie ensemble : « Eucharisteo » ! 

En partageant le pain et le vin, nous proclamons que c’est le Christ qui nous unit. Nous reconnaissons que notre unité a pour base, source et fondement la mort du Seigneur pour nous. 
Autour de la table, nous sommes tous des pauvres, mais accueillis ensemble dans le Royaume de Dieu, invités à sa table. 
Nous partageons cette même espérance que le Seigneur va revenir nous prendre avec lui. 
Alors, dans l’attente de son retour, réjouissons-nous ensemble, et passons-nous la coupe et le pain comme des frères et soeurs qui partagent un même cadeau, en portant les uns sur les autres le même regard d’amour et de grâce que le Seigneur porte sur nous en ce moment. 

Enfin, il y a aussi une confession personnelle de notre foi dans la Cène : en participant à ce repas, nous nous approprions tout à nouveau les bienfaits du sacrifice de Jésus en notre faveur : le pardon de nos fautes, la réconciliation avec Dieu. Nous confirmons que le Christ est pour nous le « pain de vie », celui qui nous nourrit parfaitement. 
Du coup, si l’on ne partage pas cette foi… il faut s’abstenir de participer. On n’est pas en communion avec Dieu, comment prendre la « communion » ? 


En revanche, c’est peut-être le moment de saisir la main que Dieu vous tend. Pourquoi ne pas accueillir Jésus, maintenant, si vous ne l’avez pas déjà fait ? Lui remettre votre vie. Pendant le moment qui va suivre, pourquoi ne pas prendre la décision de lui faire confiance ? Vous pouvez le prier simplement de vous éclairer, de vous guider vers lui. 

Nous allons maintenant partager (joyeusement !) la Cène. Mais qu’en quittant ces lieux, tout à l’heure, nous ne laissions pas ici, sur un banc, la joie et la reconnaissance ! 
Dans sa simplicité, la Cène nous invite à placer toute notre vie, chacun de nos jours, sous le signe d’eucharisteo : louange, confiance et reconnaissance envers celui qui prend soin de nous au quotidien, et nous accompagnera encore demain, lundi, et mardi, et mercredi… jusqu’à la fin des temps ! 
S. Guiton