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Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

dimanche 24 avril 2016

Prédication du 24 avril 2016 - Actes 14.20-28 : Encouragés pour pouvoir encourager




Les événements réels que je vais vous raconter se déroulent entre la Turquie et la Syrie.
En Turquie d'abord. La place centrale d'une petite ville, que la chaleur de l’après midi avait vidé, commence à se remplir doucement. L’un après l’autre, les habitants reprennent leurs allées et venues tranquilles, tout est calme…. lorsque soudain, une foule hurlante et haineuse envahit les lieux. Au milieu des cris, un homme est traîné violemment, puis jeté à terre.  Les furieux rassemblent des pierres et l’avalanche s’abat. Cet homme a blasphémé contre le Dieu unique, il doit donc mourir. C’est un chrétien, un provocateur. Violence religieuse, violence fanatique - rapidement, l’homme baignant dans son sang ne bouge plus. Le voilà mort, c’est certain. Les uns après les autres, les gens s’en vont, laissant le corps pantelant face contre terre. 
La place est à nouveau vide. 
Prudemment, quelques chrétiens récemment convertis s’approchent bientôt. On se penche sur l’homme. Le coeur bat toujours. Il est vivant. Il est vivant et il va s’en sortir, pour témoigner avec plus de foi encore. Et dans son témoignage il aura ces paroles fortes et ancrées dans l’expérience : « Il nous faut passer par beaucoup de détresses pour entrer dans le royaume de Dieu ».
Ces événements pourraient se dérouler aujourd’hui même, en ces temps où nos frères et soeurs sont persécutés, mis à mort pour leur foi, et tombent sous la violence fanatique un peu partout dans le monde. 
Mais l’homme dont il est question ici, c’est l’apôtre Paul. Et si cela s’est bien passé en Turquie, c’est il y a deux mille ans, dans la ville de Lystre. Cette région de la Turquie s’appelait alors la Lycaonie.
Cet événement nous est raconté en Actes 14. 
Paul vient d’être lapidé par des juifs en colère. A Lystres, il a guéri un paralytique, par la puissance de Jésus… pour cela, les habitants de cette colonie romaine, de culture païenne, les prennent lui et Barnabé, son compagnon, pour Zeus et Hermès en personne ! Ils veulent leur rendre un culte. Les apôtres refusent, bien sûr, et commencent à leur parler du Dieu vivant, qui est l’auteur de ce miracle et aussi de tout ce qui fait leur vie… Mais un groupe de Juifs  qui a déjà entendu Paul ailleurs, arrive alors des villes voisines et lapide l’apôtre jusqu’à la mort - enfin, c’est ce qu’ils croient. 
Voici la suite du récit tel que Luc le raconte en Actes 14
« 20Mais quand les disciples entourèrent l’apôtre, il se releva et rentra dans la ville. Le lendemain, il partit pour Derbé avec Barnabé (!).
21Après avoir annoncé la bonne nouvelle dans cette ville et fait bon nombre de disciples, ils retournèrent à Lystres, à Iconium et à Antioche ; 22ils affermissaient les disciples et les encourageaient à demeurer dans la foi, en disant : Il nous faut passer par beaucoup de détresses pour entrer dans le royaume de Dieu. 23Ils leur désignèrent des anciens dans chaque Eglise et, après avoir prié et jeûné, ils les confièrent au Seigneur en qui ils avaient mis leur foi.
24Ils passèrent ensuite par la Pisidie et arrivèrent en Pamphylie. 25Après avoir dit la Parole à Pergé, ils descendirent à Attalie. 26De là ils embarquèrent pour Antioche, où ils avaient été recommandés à la grâce de Dieu pour l'œuvre qu'ils avaient accomplie. 27A leur arrivée, ils rassemblèrent l'Eglise et rapportèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux non-Juifs la porte de la foi. 28Et ils séjournèrent longtemps avec les disciples ». 

(Antioche se trouve dans la Syrie actuelle). 

« Il nous faut passer par beaucoup de détresses pour entrer dans le royaume de Dieu ».
A la lecture du livre des Actes, on comprend ce que Paul devait avoir en tête en prononçant ces paroles  : il a subi tant de violence, traversé tant d’épreuves déjà, pour annoncer l’Evangile, et ce n’est pas fini. L’apôtre frôlera la mort encore plusieurs fois, fera plusieurs séjours en prison, jusqu’à y finir ses jours. 
Et pourtant il continuera à annoncer Jésus-Christ, mort et ressuscité. Il continuera à encourager les autres chrétiens, comme il le fait ici, « le lendemain » de sa lapidation… dans la culture grecque, c’est une façon de dire, plus exactement, dans les jours qui suivent cette épreuve. 

On ne peut qu’être admiratif de la ténacité de Paul et Barnabé. 


Il en faut déjà pour refaire le voyage en sens inverse jusqu’à Antioche. C’est dur aussi de rebrousser chemin ! On connait déjà les  profondeurs des gorges dans lesquelles on dévalera, la raideur des pentes à gravir… On entendra à nouveau ces mille bruits annonçant les périls auxquels on a échappé à l’aller et qui nous menacent à nouveau

Tous deux continuent à courir le même risque qui les a conduits à frôler la mort - pour soutenir leurs frères et soeurs et annoncer l’Evangile.  

Ils ont frôlé la mort, mais ce sont eux qui encouragent les autres chrétiens

Comment est-ce possible ?
Dire simplement que ce sont « des hommes de foi exceptionnels », même si c’est vrai, ne serait pas suffisant, et un peu facile car cela nous dispenserait de nous remettre en question. 
Devant nos frères d’Irak et de Syrie, ou du Maghreb, ici présents - peut-être d’autres pays ? - la question nous est posée : nous qui sommes chrétiens nous aussi, sommes-nous prêts à affronter ainsi des « détresses » pour l’Evangile ? Et où trouver la force de le faire ? 

L’apôtre Paul donne lui-même l’explication dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, chapitre 1 : le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, dit-il « nous encourage dans toutes nos détresses, afin que, par l'encouragement que nous recevons nous-mêmes de Dieu, nous puissions encourager ceux qui sont dans toutes sortes de détresses ! 5De même, en effet, que les souffrances du Christ abondent pour nous, de même aussi notre encouragement abonde par le Christ. 6Si nous sommes dans la détresse, c'est pour votre encouragement et pour votre salut ; si nous sommes encouragés, c'est pour votre encouragement, pour que vous ayez la force d'endurer les mêmes souffrances que nous » .

Que dit Paul ici ? Au sein même des détresses qu’il traverse pour Dieu, il a expérimenté la réalité du Royaume de Dieu : voilà pourquoi il peut tenir ferme et encourager les autres

Voilà qui éclaire cette autre déclaration : « « Il nous faut passer par beaucoup de détresses pour entrer dans le royaume de Dieu ».
Paul aurait pu dire d’une autre manière : ne vous arrêtez pas aux difficultés - littéralement, à la « pression », l’oppression-  que vous rencontrez à cause de votre foi, mais au contraire gardez les yeux fixés sur le Royaume de Dieu. Il est à venir pleinement, quand Jésus reviendra, et en même temps il est déjà présent, par le Saint Esprit
Et c’est quand on traverse des détresses à cause de l’Evangile qu’on peut, plus que jamais peut-être, faire l’expérience de la présence de Dieu et de la réalité de son Royaume.

Ainsi Étienne, lapidé sous les yeux mêmes de Paul qui n’était pas encore chrétien, a reçu dans son supplice une vision de Jésus dans les lieux spirituels : « Etienne, rempli d'Esprit saint, fixa le ciel et vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu » (Actes 7.55). 

Extraordinaire !  

Ainsi Paul et Barnabé, encouragés et soutenus par Dieu lui-même, peuvent-ils encourager les autres en leur racontant ce qu’ils vivent (v. 27) - c’est-à-dire, d’une certaine façon, ce qu’ils expérimentent de la présence du Royaume de Dieu, dès cette vie. 

En somme, Paul est encouragé d’abord parce qu’il voit Dieu à l’œuvre.

A l’oeuvre dans ce monde d’abord. 
D’un bout à l’autre de son ministère, Paul a cherché la direction de Dieu, et il a vu comment Dieu dirigeait les événements. 
A l’oeuvre dans les coeurs aussi. Arrivant à Antioche, Barnabé et lui racontent non pas leurs propres exploits mais « tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux non-Juifs la porte de la foi ». 
Ces conversions de non-juifs sont presque l’événement le plus étonnant - les chapitres suivants du livre vont montrer les débats que cela va entraîner entre les apôtres. 
Paul voit Dieu agir dans les coeurs, il voit des gens totalement étrangers à la culture - des gens baignant dans des mythologies diverses (cf Hermés, Zues) - croire en Jésus. Il voit des vies transformées un peu partout - ici, à Derbé, Lystres, Iconium… 
Cela lui permet de constater la véracité de la parole de Dieu. Ce qu’il vit est l’accomplissement de ce que Jésus a annoncé. Il partage cela avec les autres chrétiens en arrivant  à Antioche (v.27).  

C’est pareil pour nous : si nous témoignons de l’Evangile, nous serons certainement aussi témoins de ce que Dieu accomplira dans la vie d’autres personnes - bel encouragement pour notre propre foi ! Nous verrons que personne n’est jamais trop loin de Jésus pour être rejoint par lui, et que parfois même ce sont les personnes culturellement les plus éloignées qui ouvrent le plus grand leur coeur. 

Paul voit aussi Dieu à l’oeuvre dans l’Eglise partout où elle est : car le Royaume à venir est déjà présent par elle, dans ce monde.
Ainsi Paul expérimente l’amour fraternel entre des gens qui n’ont rien en commun au départ, il est soutenu, soigné, nourri partout où il va par des gens qu’il ne connaissait pas avant et qui ne partagent pas sa culture. Avez-vous déjà expérimenté cette fraternité en Christ qui dépasse les frontières ? On peut la vivre déjà dans l’Eglise locale ! 

Cet amour « fraternel » se manifeste donc par un soutien très concret et aussi par la prière : pendant qu’il voyage, d’autres prient pour lui , comme à Antioche - « où ils avaient été recommandés à la grâce de Dieu », dit Luc (v.26). 
Tout cela permet à Paul de tenir bon par la foi, et à son tour, il encourage les autres chrétiens, comme il le fait dans sa « tournée » des nouvelles Eglises. 
Voir ainsi Dieu agir dans la vie des autres conforte sa propre foi, et conforte aussi la conviction qui fonde sa vision missionnaire : l’Eglise est l’oeuvre de Dieu, et c’est lui qui s’en occupe. Voilà pourquoi lui aussi peut« recommander les autres à la grâce de Dieu ». et ensuite s’en aller, sans se sentir obligé de rester pour porter tout le monde à bout de bras.  
Paul à la conviction que rien ne peut arrêter l’Eglise, parce qu’elle est de Dieu
D’où lui vient cette conviction ? De sa propre rencontre avec le Christ, certainement. 
On trouve aussi cette idée en Actes 5.38 dans la bouche de Gamaliel, un pharisien respecté lui a été justement le maitre de Paul : « S'il s'agit d'une décision ou d'une œuvre humaine, elle disparaîtra ; 39mais si cela vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire disparaître ». 

Oui, Dieu est à l’oeuvre dans son Eglise, il agit pour ses enfants : Paul a appris cela très tôt, et il s’est appuyé sur cette conviction pour tenir bon dans les détresses. 


Nous, chrétiens du XXIe siècle, nous pouvons retenir quatre encouragements principaux de ce cours passage : 

Premier encouragement : Dieu est bien l’acteur principal de l’histoire de l’Eglise- cf titre du livre « les actes du St Esprit ». Et nous en faisons partie. C’est lui qui doit diriger notre vie communautaire et nourrir notre vie de foi. 

Ainsi, au milieu des détresses, Dieu fait déjà entrevoir quelque chose de son Royaume - sa présence en nous par le Saint Esprit, et par elle sa force, sa paix, son amour qui transforme des vies, libère des captifs, guérit des coeurs brisés… une vie transformée par l’Evangile a plus d’impact que bien des discours ! 

Deuxième encouragement : … à nous encourager les uns les autres en partageant ce que Dieu fait dans notre vie. Nous encourager aussi en priant les uns pour les autres - notamment responsables de l’Eglise, qui ont besoin de prière car ils sont faibles eux aussi devant la tentation. Ainsi les apôtres confient au Seigneur les responsables qu’ils ont désigné dans chaque Eglise (v.23). 

Que tous nous restions attachés à Jésus Christ seul et pas à des hommes. 

Troisième encouragement : à prendre des risques par fidélité à l’Evangile ! 

Le livre des Actes nous est donné comme un encouragement à poursuivre l’histoire, en nous engageant nous aussi, résolument, pour Jésus, « en demeurant dans la foi », envers et contre tout, comme Paul y encourageait les disciples en Turquie. 
C’est comme un « cercle vertueux » : en prenant des risques par fidélité à l’Evangile, nous pourrons expérimenter combien Dieu veille sur ses enfants, combien il console et fortifie. Faire ce pas fortifiera notre foi car nous verrons Dieu agir pour nous et par nous 
(C’est à se demander parfois si l’un de nos adversaires les plus insidieux ne serait pas l’absence de « détresses » dans la vie de foi…).  

Quatrième encouragement : à vivre notre foi en lien avec le Corps tout entier - au delà de notre Eglise locale, cultiver un regard large sur l’action de Dieu au travers de son Eglise dans le monde. Cela aussi renforce notre foi, comme Pierre qui encourage ses lecteurs à résister au diable « avec une foi ferme, sachant que les mêmes souffrances sont imposées à (leurs) frères dans le monde » (1 Pierre 5.9).

Cf Mission Tunisie, Portes Ouvertes…. Nouvelles de notre Union d'Eglises. 

Prier les uns pour les autres.  S’encourager mutuellement à « demeurer dans la foi » > nous encouragera aussi nous - mêmes. 

Nous verrons ainsi combien l’Eglise est bien l’oeuvre de Dieu. Il en est le seul auteur, et quoiqu’il arrive à notre Eglise locale, quoi qu’il se passe dans tous les lieux où des chrétiens se rassemblent - nous sommes assurés que Dieu achèvera l’oeuvre qu’il a commencé dans nos vies à chacun, et dans notre vie communautaire - pour nous faire entrer tous ensemble avec les chrétiens de Lystres, d’Antioche, d’Alep, d’Europe, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique… de tous les lieux et de tous les temps, dans son Royaume, pour l’éternité. 

Amen. 

samedi 23 avril 2016

Prédication du dimanche 20 mars 2016 - Luc 19.28-44 - Dimanche des rameaux : annoncer le Roi Serviteur !



Hosanna ! Ce cri de joie et de reconnaissance se trouve dans récit des rameaux : lisons-le ensemble

Lecture du texte

   

La question de la « reconnaissance » est au centre de ce récit, dans les différents sens du mot : reconnaissance - louange des disciples « tout joyeux », lit « joyeux de la grâce » qui leur est faite en Jésus - Les disciples donc qui reconnaissent en Jésus le roi envoyé par Dieu. 
Et larmes de Jésus devant Jérusalem qui n’a pas voulu reconnaitre que Dieu venait la visiter.  

Deux attitudes opposées : reconnaitre Jésus comme le Messie, croire — ou refuser de le reconnaitre, le rejeter - et se perdre : « si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! … des jours viendront sur toi…». 
Joie et et larmes : ainsi, alors qu’il s’approche de la ville, et que la cité apparaît devant lui, Jésus voit dans un même embrassement du regard, un même mouvement, la foule des disciples qui joyeux l’acclament comme roi - et Jérusalem, dominée par son Temple, qui elle  n’a pas voulu « reconnaitre » « le temps de l’intervention divine », littéralement « le moment précis où elle était visitée par Dieu » - Jérusalem sur laquelle il va pleurer. 

Ces deux attitudes nous interrogent d’emblée sur notre propre positionnement : où nous placerions-nous dans la scène - parmi ceux qui croient ou ceux qui doutent ? Ceux qui se réjouissent ou ceux qui font pleurer Jésus ? A chacun de répondre, devant Dieu. 

Pour nous conduire dans notre cheminement personnel, dans ce choix, je vous invite à considérer d’abord l’objet de la foi ou du rejet ; ce Jésus qui arrive ici, monté sur un ânon. 
Voilà ce que Dieu donne à voir de lui-même, par son Fils : un roi humble, un roi faible, un roi serviteur ! 
Comment comprendre cela ? Qu’est-ce que Dieu révèle ici de lui-même et de l’appel qu’il nous adresse ?

« Béni soit celui qui vient, le roi, au nom du Seigneur ». Hosanna ! 
Cette belle déclaration de foi, le Saint-Esprit sans nul doute la met dans la bouche des disciples, leur révélant aussi que la prophétie du prophète Zacharie, prononcée six siècles avant, est en train de s’accomplir sous leurs yeux : «  9Sois transportée d'allégresse, Sion la belle ! Lance des acclamations, Jérusalem la belle ! Il est là, ton roi, il vient à toi ; il est juste et victorieux, il est pauvre et monté sur un âne,sur un ânon, le petit d'une ânesse.
10Je retrancherai d'Ephraïm les chars et de Jérusalem les chevaux ; les arcs de guerre seront retranchés. Il parlera pour la paix des nations, et sa domination s’étendra d'une mer à l’autre, depuis le Fleuve jusqu'aux extrémités de la terre ». (Za 9.9-10) 

Annonce de la venue d’un roi, un roi de paix, puissant et humble en même temps : confession de foi enthousiasmante, car elle proclame la venue d’un souverain juste et victorieux, d’un libérateur dont la domination s’étendra sur le monde entier.. 

Mais il faut bien que les disciples aient le regard de la foi pour chanter cela car en réalité… rien de tout cela n’est visible ce jour-là ! Qu’y a-t’il à voir, en effet ? Un homme, sur un petit ânon - scène modeste, surprenante ! 
C’est ainsi que le Créateur du monde se présente à son peuple - comme un homme « sans éclat ni beauté », un homme humble, simple. Celui qui, dans le ciel, accueillait la louange des anges, se présente assis sur une simple bête. Lui qui est riche infiniment, se fait pauvre volontairement.

Pour les disciples qui l’ont suivi jusque là, les confirmations de sa royauté sont indéniables : 
Il y a ses paroles, d’abord : ainsi, dans les chapitres précédents,  Luc montre Jésus qui raconte l’histoire d’un homme de haute naissance revenant chez lui après avoir été investi de la royauté, et qui élimine ses ennemis « qui n’ont pas voulu qu’ils règne sur eux ».. Sans nul doute, pour les disciples, ce roi, ce doit être lui qui va entrer à Jérusalem et éliminer ses adversaires ! 
Ensuite, Jésus a dit aussi que le Royaume de Dieu était déjà au milieu d’eux, et cela, ses miracles - littéralement « actes de puissance » - ses miracles l’attestent (guérison de l’aveugle, résurrection de Lazare). Ce sont d’ailleurs eux qui provoquent la joie et la louange des disciples, encouragés sans doute par l’atmosphère électrique de Jérusalem avant Pâques, avec tous ces pèlerins du monde entier qu’on accueille eux aussi aux portes de la ville par de joyeux « Hosanna »… 
Certainement, Jésus est bien pour eux le roi puissant, qui par cette puissance va conquérir Jérusalem et prendre le pouvoir avec force et fracas, écrasant l’adversaire (notamment les Romains). Et Luc précise quelques versets plus tôt qu’ils « imaginaient que le Royaume de Dieu allait se manifester à l’instant même ». 

Pour couronner le tout, Jésus monte sur un ânon, manifestant à tous qu’il est bien celui qui accomplit la prophétie de Zacharie… Ainsi, toutes ces révélations que Dieu leur accorde éclairent le regard des disciples, et leur donnent à voir ce que les autres ne voient pas : Jésus est bien l’envoyé de Dieu.
Cette déclaration trouble les pharisiens, qui craignent un blasphème, et quelque part, on le comprend un peu : il n’y a là qu’un simple homme, monté sur un ânon ! Comment savoir que c’est bien lui ? 
Ce n’est pas un savoir de science, rationnel, mais un savoir du coeur. Avoir vu les miracles ne suffit même pas : il faut le regard de la foi. « Le règne de Dieu ne vient pas de telle sorte qu'on puisse l’observer », a expliqué Jésus aux pharisiens (Luc 17).
« Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru », dira Jésus à Thomas, après sa résurrection.
Le jour des rameaux, les disciples voient venir le roi, parce qu’ils croient. Et c’est Dieu qui met alors dans leur bouche ces paroles de révélation « Béni soit … ». 

Et il en est de même aujourd’hui. Le Fils de Dieu vient de la même manière nous « visiter », mais dans la discrétion, sans éclat, pas « de de telle sorte qu'on puisse l’observer », si ce n’est au travers des changements qu’il opère dans nos coeurs, dans notre regard. 
En effet, à vues humaines, qu’y a t’il à voir dans notre Eglise, dans nos cultes, dans nos vies ? Rien de très glorieux ! Il est souvent plus facile de s'identifier à l'âne qu'au roi !!

Nous avons besoin nous aussi que la Parole de Dieu, éclairée par l’Esprit Saint et méditée dans la prière, nous révèle chaque jour le Seigneur, pour que nous puissions l’accueillir. 

De la même façon, ce jour-là à Jérusalem, en dehors des acclamations des disciples, il n’y a pas donc grand chose à voir… ou bien si, quelque chose de plus surprenant encore que l’ânon : Jésus qui pleure ! 
« Quand, approchant il vit la ville, il pleura sur elle en disant : si toi aussi, tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix ! ». 

Ses pleurs sont un indice que le Dieu auquel les disciples s’attendent - guerrier, éclatant, châtiant ceux qui le rejettent - n’est pas celui qui se révèle en Jésus-Christ, et que l’établissement de son Royaume va prendre une forme bien différente. 

Jésus Fils de Dieu est un roi qui pleure sur ceux qui le rejettent. Certainement, Jésus est bien le souverain légitime de cette ville, que Dieu son Père a choisie pour y demeurer depuis des siècles, comme le chante David, au psaume 132 (13-16) : « le Seigneur a choisi Sion, il a désiré en faire son habitation : c’est mon lieu de repos à jamais. J’y habiterai, car je l’ai désirée ; je bénirai ses ressources, je rassasierai de pain ses pauvres, je revêtirai ses prêtres de salut, et ses fidèles pousseront des cris de joie ». 
Dieu aime ce peuple d’un amour immérité, et les larmes de Jésus sont aussi les pleurs d’un amour blessé, rejeté par ceux-là même qui en sont les bénéficiaires. Ils se sont pris à croire que la bénédiction de Dieu sur eux était un dû, ils ont oublié qu’elle avait pour but de faire d’eux une bénédiction pour les autres nations. Et leur coeur s’est endurci au point qu’ils ne reconnaissent même plus le Dieu qu’ils professent quand celui-ci vient parmi eux ! 

En Luc 13, Jésus avait déjà eu ces paroles attristées : « 34Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble sa couvée sous ses ailes ! Mais vous ne l'avez pas voulu. 35Eh bien, votre maison vous est abandonnée. Je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vienne le moment où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » 

Ce jour est donc arrivé. Jésus le roi humble vient visiter son peuple sans cortège, parce qu’il ne vient pas pour être servi mais pour servir. Et le coeur de ce moment est là : Jésus ne contredit pas les disciples qui proclament sa royauté, parce qu’ils disent vrai - et en même temps ils ne comprennent pas encore tout à fait ce qu’ils disent. 
Car c’est par le don de lui même qu’il va établir son royaume, en le fondant sur l’amour et le don de soi. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». 

C’est en portant sur la croix tout le refus de Dieu, toutes les fautes de ses adversaires (les hommes pécheurs ) que Jésus va établir son règne. 

Un Père de l’Eglise a écrit ceci: « voici notre roi, doux et pacifique, monté sur le petit d’une ânesse. Il vient en hâte pour subir sa passion et retrancher les vices…
C’est pour libérer les hommes que tu es venu…
ô toi que j’ai créé de ma main, répondit le créateur à ceux qui criaient vers lui, c’est à moi seul qu’il revient de t’affranchir de ta dette écrasante. 
Je suis vendu pour toi, et je te libère. 
Je suis crucifié à cause de toi, et tu échappes à la mort ». 

Derrière les cris de joie des disciples, il y a aussi la tristesse de Jésus devant Jérusalem, et la douleur silencieuse de Dieu le père qui voit son Fils marcher vers le rejet et la mort. Déjà la croix se profile à l’horizon, une semaine plus tard Jésus y mourra. 

Cela, les disciples ne l’ont pas encore compris. Et Jésus le doux, le humble, ne leur en fait pas le reproche. Il accueille leurs louanges - plein d’amour pour eux, qui pourtant vont l’abandonner au moment où il aura le plus besoin d’eux. Le criminel crucifié avec Jésus croira avant eux en sa divinité. 
Jésus qui pleure sur Jérusalem est aussi plein d’amour pour tous ces gens qui ne veulent pas de lui, et le mépriseront jusque sur la croix. 
Les pleurs de Jésus sont aussi les pleurs du Père dont l’amour laisse les hommes libres de l’accepter ou non, et qui les voit avec tristesse aller vers leur destruction ; alors que tous les Juifs se pressent fièrement autour du Temple de Jérusalem, convaincus que leur ville est intouchable, Jésus voit déjà les ruines fumantes que les Romains vont laisser derrière eux, moins de 40 ans plus tard. L’empereur Titus fera encercler la ville, et il ne laissera pas « pierre sur pierre » du Temple. 
Jésus va quand même donner sa vie pour tous ces enfants égarés, dont nous faisons partie ; c’est ainsi qu’il va apporter la paix entre Dieu et les hommes. 

Alors que nous nous préparons dans le même temps à célébrer Pâques.. et à tenir notre AG, ce récit nous rejoint de plusieurs manières : 

D’abord, l’amour que le Père exprime ici pour tous ceux qui sont encore loin de lui interroge chacun d’entre nous : est-ce notre cas ?  En Jésus, il veut nous visiter, avec respect, douceur - il nous laisse libres mais son amour est si profond  : qu’est-ce qui nous retient de lui ouvrir la porte ?

Ensuite, si nous croyons en lui, nous sommes interpelés par la parole de Jésus : « s’ils se taisent, les pierres crieront »
Le rôle des disciples ce jour là était d’annoncer ce que Dieu était en train de faire, pour le salut de tous ; de dire qui était Jésus, ce qu’il avait accompli dans leur vie, sous leur regard de foi. Et d’appeler le reste du peuple à se joindre à eux pour l’accueillir. 

Si les disciples s’étaient tus, comment les gens présents auraient-ils su que contre toutes les apparences, c’était bien lui, le roi envoyé par Dieu, qui venait là sur son âne ? 
Aurait-il fallu que « les pierres crient », au moment où les prophéties de Jésus prononcées en public et annonçant la destruction de la ville, se seraient réalisées ? Alors il aurait été trop tard. 

Ce rôle, Dieu nous le confie encore aujourd’hui, en tant qu’Eglise. Et ici ce texte peut nous inspirer pour nos réflexions cet am et dans les mois qui viennent. 

Nous aussi, nous sommes appelés à garder Jésus-Christ, le roi sauveur, au centre de notre vie personnelle, et de notre vie d’Eglise.  

C’est lui qui est au centre de l’attention. Nous, nous sommes sur le bord avec les autres disciples d’hier et d’aujourd’hui, et par nos cultes, par la confession humble de ce que nous avons compris de lui, nous appelons le monde à reconnaître en lui Dieu qui vient nous visiter et nous sauver. 

Mais le roi serviteur ne nous laisse pas seulement sur le bord du chemin, il nous appelle à marcher derrière lui, et si nous le suivons…  il nous conduira vers les autres, quels qu’ils soient, pour les servir à notre tour, comme lui - en son nom. 
Lui qui est venu vers nous pour nous servir, qui s’est abaissé pour nous laver les pieds, nous dit ensuite : « je vous ai donné l’exemple, afin que vous aussi, vous fassiez comme moi j’ai fait ». (Jean 13)
C’est ainsi qu’il nous envoie manifester avec humilité sa présence royale dans ce monde : par nos paroles mais aussi par nos vies transformées, nos actes d’amour inspirés par le sien, nos coeurs tournés vers les autres - pour la seule gloire de Dieu notre Père. 

Alors mettons-nous à l’oeuvre avec nos faibles ressources, modestement - assis chacun sur son âne
Etre une église humble n’empêche pas de faire de grands projets ! Gardons simplement les yeux fixés sur Jésus, et il nous conduira.

A lui soit la gloire, aux siècles des siècles. 

Amen. 





Prédication du dimanche 10 avril 2016- Philippiens 2.1-18


Je voudrais ce matin méditer avec vous un texte que Frederic Separi nous a lu la semaine dernière : Philippiens 2 (déjà prévu de le méditer aujourd’hui...). Frederic a dit que pour lui, c’était un des plus beaux textes de la Bible. Je partage cet avis bien sûr.

Paul qui est en prison adresse ces paroles à l’Eglise de Philippe, en Macédoine. Cette Eglise le soutient, et il veut à son tour encourager ces chrétiens à rester unie, à grandir dans l’amour.
Pour cela, il leur indique le chemin, le modèle à suivre : Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui s’est abaissé pour que nous soyons relevés.

Lecture



Ce texte est un cantique - on ne sait pas si Paul l’a écrit ou s’il cite un hymne de l’Eglise primitive. Toujours est-il que son but premier est de conduire à l’adoration, et à la contemplation de l’oeuvre de Jésus et du mystère de son incarnation.
Le coeur du passage pourrait être résumé par ces mots de la première lettre de Jean : « A ceci nous connaissons l'amour : c'est que Jésus s'est défait de sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons nous défaire de notre vie pour les frères » (1 Jean 3.16).
On retrouve ce double mouvement dans la lettre aux Philippiens : « Il s’est abaissé lui- même »... « c’est pourquoi Dieu l’a élevé ».
Le Fils de Dieu, a suivi un chemin d’abaissement, de « dépouillement » de soi totalement incroyable qui l’a conduit au plus bas, à la croix. Mais Dieu lui a rendu la vie et l’a élevé à sa droite. On a là une sorte de résumé de l’Evangile.
Double mouvement : Le Fils s’abaisse, le Père l’élève. Jésus se donne aux hommes par amour pour le Père, le Père élève le Fils par amour pour lui.
Par cet exemple, donc, Paul indique la voie à suivre. Il ne s’agit pas de rester au bord de la piste à applaudir l’exploit de Christ - à nous maintenant de marcher, à sa suite, sur la voie de l’amour !
« Ayez entre vous les dispositions qui sont en Jésus-Christ » - « la pensée qui était en Christ-Jésus » : quelle était-elle ?
Trois mots presque synonymes pour la décrire : humilité, abaissement, obéissance. Voilà vers quoi nous devons tendre.
Et en même temps, dans nos efforts, nous devons chercher à plaire au Père avant tout, et

ne compter que sur lui, car c’est lui qui élève, qui rend capable, par son Esprit.
Dit autrement, nous nous abaissons par amour pour les autres, et Dieu s’occupe de nous

élever.
nous nous occupons des autres, et Dieu s’occupe de nous. Nous donnons, et Dieu nous remplit.

Tel est l’exemple donné par le Christ.

A. Comme Jésus s’est abaissé, je dois m’abaisser par amour pour les autres.

La première « disposition » de Christ qui soit mise en avant, c’est donc l’humilité :
« L’hymne commence donc par l’affirmation suivante : « Lui qui était vraiment divin, il ne s’est pas
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prévalu d’un rang d’égalité avec Dieu ». Autre traduction : Il n’a pas « considéré son rang d’égalité
1 avec Dieu comme un avantage à exploiter » .
Humilité de Dieu le Fils qui est un exemple pour nous : « avec humilité, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes ».
L’humilité de Jésus apparaît déjà dans son rapport avec le Père. Nous nous trouvons là devant le mystère de la Trinité, de ce Dieu qui est un seul Dieu en trois personnes distinctes, trois personnes éternellement unies dans une communion d’amour.
Dans cette relation de communion, le Fils met volontairement ses droits de côté et accepte de faire la volonté du Père, qui l’envoie vers les hommes. Sachant que cela signifiait de souffrance pour lui, il aurait pu résister, mais il ne l’a pas fait.
Par amour pour le Père, Jésus a aussi accepté de renoncer à ce qu’il avait pour venir nous rejoindre. Il a accepté de laisser de côté sa puissance pour se rendre proche de ses faibles créatures.
Nous voilà encore devant le mystère trinitaire. Dans la communion avec le Père et l’Esprit, Jésus était parfaitement comblé, adoré et servi par toutes les armées célestes.
Il a pourtant choisi de renoncer à tout cela.
Paul dit ailleurs : « lui qui était riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous, par sa pauvreté, vous deveniez riches » (2 Co 8.9).
De quels attributs divins Jésus s’est-il dépouillé, appauvri, précisément ? En théologie, les débats sur cette question sont anciens. On parle de la kenose de Christ. A mon avis, cela nous dépasse.
Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’est pas dépouillé de sa divinité, mais plutôt d’une partie de son pouvoir divin, pour devenir vraiment un homme - avec tout ce que ça implique de fragilité, d’incertitudes et de souffrances.
Comme ça, il s’est rendu accessible, pour permettre à tous de le rencontrer et de retrouver le chemin du Père. Pour ça, il voulait respecter le rythme des hommes, leur temps, leur sensibilité.
Plus encore : Jésus ne s’est pas seulement venu marcher dans la poussière avec nous, il a aussi voulu descendre au plus bas, jusqu’à se faire « vraiment esclave » - peut-être pour rejoindre les esclaves du péché que nous sommes, sans Dieu.
Ainsi, lors de son ministère, il n’a cessé de s’abaisser pour aller chercher, au ras du sol, tous ceux que personne ne voulait ramasser - paralytiques, aveugles, lépreux, escrocs, prostituées...
Ce qui est certain aussi, c’est qu’il a laissé la gloire et la paix parfaite qu’il goûtait dans le sein du Père pour les angoisses de Gethsémané et les souffrances de la croix - pour qu’à notre tour, nous puissions accéder nous aussi à la présence glorieuse de Dieu.
Et là encore, il a eu l’humilité d’offrir son amour en courant le risque qu’il ne soit pas accepté. Pas d’amour sans liberté, mais pas de liberté sans risque. Jésus a couru ce risque au prix de sa propre vie.
Et nous qui ne sommes pas Dieu, comment devons nous nous abaisser ?
D’abord, en reconnaissant que nous dépendons à chaque instant de la grâce de Dieu, et que sans son aide on ne pourrait rien faire de bon > effort d’humilité à refaire en permanence.
Nous avons aussi à nous soumettre les uns aux autres - ce qui implique parfois de se « dépouiller » pour nos frères et soeurs.
Certains se diront peut-être : pourquoi donc se dépouiller ? Est-ce qu’on n’est pas plus utile, plus efficace quand on est puissant, bien armé de ses dons et compétences, pour travailler pour Dieu ?
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Bien sûr, des capacités, une expérience mise au service du Seigneur d’un coeur sincère, c’est précieux. Et Jésus, même dans son humilité, a quand même manifesté la puissance divine par ses miracles.
Mais il a toujours fait passer l’efficacité et la puissance après l’amour et le respect des autres. Il n’a jamais utilisé ses dons pour brusquer ou écraser quelqu’un.
Il s’est dépouillé par exemple de son droit au jugement. Il a supporté bien des injustices - recevoir des pierres pour blasphème ! Etre accusé à tort ! Etre refoulé par les prêtres de son Temple !
Mais il a « avalé » tout cela - dans sa grâce.

Il s’est aussi dépouillé de son « efficacité ». On voit parfois Jésus s’impatienter devant la lenteur à comprendre des disciples, mais jamais il ne cesse de les respecter. Il a choisi de marcher à leur rythme pendant trois ans, supportant leurs maladresses, alors qu’il aurait pu courir et aller directement au but.

De la même façon, nous devons être prêts à laisser de côté nos calendriers, nos désirs personnels pour avancer au même rythme que nos frères et soeurs.
Laisser de côté peut-être notre droit légitime à occuper une fonction dans l’Eglise pour laisser la place à quelqu’un d’autre, qui pourra y grandir et faire ses armes. (ex. Musique).
Nous dépouiller parfois de notre « bon droit » pour supporter des situations ou des paroles injustes « sans maugréer », si c’est par fidélité à Dieu, ou pour le bien des autres.
En langage courant, on parle « d’avaler des couleuvres ». Ici, je dirai
plutôt : « écraser le serpent », Satan qui nous tente au niveau de l’orgueil, du pouvoir. !

Attention, se dépouiller, s’abaisser ne signifie par se déprécier soi-même : Jésus n’a jamais nié qu’il était Dieu. Cela consiste à reconnaître aussi la valeur des autres et de leurs opinions et idées. Les honorer, leur faire une place.

B Comment Jésus a-t’il aller si loin dans le don de lui-même ?

Cette voie de l’amour qui cherche d’abord l’intérêt de l’autre, son bien, son salut - elle est tellement difficile à suivre ! Voilà sans doute pourquoi nous cherchons souvent à nous en détourner. Henri Nouwen, dont je vais parler dans un instant, disait : « Il semble plus facile d'être Dieu que d'aimer Dieu, de contrôler les gens que d'aimer les gens, de posséder la vie que d'aimer la vie ». Jésus nous demande : « M'aimes-tu ? ». Nous demandons : « Pouvons-nous nous asseoir à ta droite et à ta gauche dans ton Royaume ? » (Mt 20, 21) ».
Difficile abaissement.
Obéir à ce point là à Dieu, c’est si dur que, comme nous le dit la lettre aux Hébreux, même Jésus, « tout fils qu’il était » a dû « apprendre l’obéissance par ce qu’il a souffert » ! Il a dû lutter contre la tentation, contre l’angoisse et la solitude.
Aimer ainsi c’est dur... c’est totalement déraisonnable et extrêmement risqué !
« Estimez les autres supérieurs à vous-mêmes ». Si je fais ça, je risque gros ! Ne nous dit- on pas en permanence qu’il ne faut pas montrer ses faiblesses dans la vie, sinon on se fait marcher dessus ? Dans le service des pécheurs, il faut s’attendre à rencontrer l’excès, l’ingratitude, et à donner sans recevoir de retour (heureusement, il y a plus d’encouragements quand même).
Mais c’est parce Jésus est resté attaché au Père, en lui laissant le soin de l’élever, qu’il a pu s’abaisser. Il n’avait pas à se soucier de lui-même puisqu’il savait que le Père s’en chargeait, et qu’il le relèverait.
De la même façon, je peux servir d’un coeur léger si je crois profondément que le Père, lui, s’occupera de moi, et même de « m’honorer » s’il le souhaite. Je peux lâcher mes sécurités quand je sais que le Père m’assure.

Est-ce que cela ne nous questionne pas directement ? Tant de nos relations avec les autres sont entachées par la peur - peur de perdre la face, peur de nous faire avoir, peur de ne pas être reconnu, écouté, peur de ne plus avoir de temps pour nous...
Parce que nous voulons donner sans rien perdre, notre amour peine à s’épanouir. Nous ouvrons la porte à nos frères et soeurs, mais osons-nous vraiment enlever la chaînette de sécurité ?
Il y a autre chose : Si Jésus a pu courir le « risque d’aimer », et supporter le rejet et l’injustice, c’est que son attention n’était pas tournée vers lui-même mais vers le Père, dont il cherchait la gloire, et qui le comblait d’amour.
Il cherchait en lui l’approbation, l’encouragement, la reconnaissance et la force dont il avait besoin. Il n’a jamais caché que sa puissance lui venait du Père : humilité, là encore.
Et si lui, le Fils, avait besoin de se ressourcer dans la présence du Père, de se mettre à l’écart pour prier, « à combien plus forte raison » (dixit Paul ) devons-nous passer du temps dans la prière, à chercher la présence de Dieu.
Là nous pourrons sentir son regard d’amour posé sur nous. Par Jésus, nous sommes acceptés, aimés.
Là se trouve l’approbation et la reconnaissance dont nous avons besoin pour aller vers les autres. Assurés de l’amour de Dieu, nous pouvons être disponibles pour nos frères et soeurs, car dans les relations nous n’avons rien à perdre : le Père garantit notre part, il renouvelle nos forces, il veille sur nous et à la fin, quand nous aurons obéi jusqu’au bout « sans maugréer ni discuter », il nous élèvera et nous fera entrer dans la communion intime de la Trinité, pour toujours.
Je voudrais terminer en évoquant l’histoire d’Henri Nouwen. C’est l’histoire d’un dépouillement progressif, d’un abaissement volontaire, opéré par quelqu’un qui cherchait à vivre vraiment l’amour de Christ.
Dans les années 70, HN était un prêtre extrêmement brillant, ce qui l’avait conduit à enseigner dans les universités les plus prestigieuses. Ses livres de spiritualité connaissaient un succès colossal, il était sans cesse sollicité pour des conférences, des séminaires... On l’admirait, on l’écoutait.
En soi, rien de répréhensible : est-ce qu’il ne mettait pas ses dons au service de l’Evangile, avec modestie ? Certainement. Et il aurait pu rester à ce poste sans forcément trahir sa vocation chrétienne.
Mais Dieu travaillait son coeur, et Nouwen avait soif à l’intérieur, profondément soif. Il parlait d’amour, de foi, mais en manquait pour lui-même. Cela le conduisit à plusieurs crises profondes, à des remises en question. Il se mit à fuir son milieu pour fréquenter les plus pauvres.
Au bout d’une longue période de crise spirituelle, Dieu plaça sur sa route la communauté de l’Arche. Ce sont des lieux de vie chrétiens, créées par Jean Vanier, et dans lesquels des personnes handicapées mentales vivent en communauté avec ceux qui s’occupent d’eux. (Il y en a une à Lyon).
Un peu « par hasard », Nouwen devint l’aumônier d’une de ces communautés. Il renonça à son poste d’enseignant conférencier et vint vivre, d’abord pour une année, avec un groupe de personnes handicapées, avec l’idée de les accompagner dans la foi. C'était une vie complètement différente de celle à laquelle il était habitué. Il vécut donc avec des handicapés comme tous les autres membres de la communauté. Ce fut un apprentissage très difficile.
Mais on le chargea de s'occuper du jeune Adam qui ne pouvait ni parler ni bouger par lui- même. Henri Nouwen passait des heures chaque jours à lui donner son bain, à l'habiller et à le nourrir. Cette expérience le transforma en profondeur. Adam n'était évidemment pas impressionné par les livres de Nouwen, ni par sa réputation mondiale, ni par son talent immense de conférencier. Or, c'est ainsi qu'au contact quotidien de cet homme incapable de s'exprimer et dépourvu de tout, que Nouwen comprit vraiment ce que c'est que d'être «aimé de Dieu», de s’abaisser par amour pour l’autre et de servir au nom du Christ.
Que cet exemple, modeste résonance de l’exemple sublime du Christ, nous inspire et nous encourage à avancer à la suite du maître. Soyons-en assurés, sur ce chemin, ce sont des trésors
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d’amour et de joie que Dieu tient en réserve pour ses enfants. Avançons, dans la paix, modestement.
« Dieu résiste aux orgueilleux mais il faut grâce aux humbles, écrit Pierre. Abaissez-vous donc sous la main puissante de Dieu, pour qu’il vous élève en temps voulu. Déchargez vous sur lui de toutes vos inquiétudes, car il prend soin de vous »(1 Pierre 5.5-7).
Amen