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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 31 août 2015

Prédication du dimanche 30 août 2015



Marc 12.28-34
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta personne



Lecture Texte A. Nouïs (L'aujourd'hui de l'Evangile, p. 363)  : 
« Comment dire Dieu en trois mots ? Dieu est amour. 
Comment dire l’homme devant Dieu en cinq mots : Tu es aimé de Dieu.
Comment dire la loi de Jésus-Christ en sept mots : aime Dieu, aime ton prochain comme toi-même. 
Comment dire l’Eglise en une phrase  : c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous reconnaitront que vous êtes mes disciples. 

Aimer. La plupart des gens savent plus ou moins que l’amour est au coeur de la foi chrétienne. 
Le vivons-nous ? 
Est-ce que nous avons prévu, en cette période de rentrée où l’on fait souvent des choix de priorités pour l’année, où il est fréquent de prendre des résolutions et de se fixer des objectifs- est-ce que nous avons prévu de mettre l’amour - l’amour de Dieu et l’amour du prochain, au coeur de notre vie, comme priorité centrale, comme axe fort ? 

Car c’est bien là ce à quoi Jésus nous appelle. Aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même : voilà les deux commandements le plus importants, dit-il. 
 
C’est ce que rapporte Marc, en 12.28-34

Lecture du texte

Cet épisode se situe à la fin du ministère de Jésus, à Jérusalem, peu avant son arrestation. 

A l’époque de Jésus, chez certains maîtres religieux, auxquels Jésus se heurte beaucoup dans ces derniers chapitres de Marc, c’était un exercice connu de lister et hiérarchiser les commandements de la loi de Moïse, pour en dégager les principaux. 
Selon la tradition des rabbins, la Loi de Moïse comprenait 613 commandements.

Il est donc tout naturel que ce scribe, qui croit discerner en Jésus un maître de la Loi comme lui (« voyant que Jésus leur avait bien répondu ») vienne lui demander son avis sur ce point un peu technique de théologie. 

Mais la discussion ne prend pas le tour auquel l’homme s’attendait : il est venu évaluer une connaissance (« très bien, Maître, tu as bien répondu »), et le voilà évalué, lui ! : « tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ». Pas loin, mais encore à côté… Parole difficile à recevoir sans doute, au point que « personne n’osait plus interroger » Jésus ! 

On imagine aisément ce scribe décontenancé : pourquoi ? Pourquoi ne suis-je pas loin? Que me manque-t’il ? Que dois-je faire pour accéder au Royaume de Dieu ?
La question nous intéresse moi-aussi, au plus haut point, car nous ne voudrions surtout pas rester près, mais hors - du Royaume de Dieu ! 

Il se trouve que  Jésus vient précisément de répondre à cette question: tu aimeras Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme. Voilà le chemin du Royaume. 
En réalité, par ces paroles de Deutéronome 5.6, Jésus ne donne au scribe aucune information nouvelle : tout homme pieux était sensé les dire plusieurs fois par jours. Tout le monde savait cela. 
Jésus ne donne donc pas une connaissance nouvelle : il pointe une direction. Que te manque-t’il ? De t’engager totalement dans cette direction, pour commencer à vivre ce que tu sais, et à le vivre authentiquement. Il te manque de vivre une relation d’amour avec ce Dieu qui te commande l’amour. 

De cela, le scribe a l’intuition car il répond « avec sagesse » qu’aimer Dieu est plus important que toutes les pratiques religieuses. Mais son coeur n’a pas encore été ouvert à cet amour. 
Ainsi, connaître des choses sur Dieu et accomplir des actions pour Lui ne suffit pas : il faut une rencontre authentique avec le Dieu vivant, le Dieu « des vivants », comme Jésus vient de le dire quelques versets plus haut.

« Ecoute… tu aimeras le Seigneur, ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ». 
Rencontre authentique, en profondeur : « de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force » dit Jésus, en rajoutant par rapport au texte du Deutéronome qui dit juste : « de tout ton coeur, de tout ton être, de toute ta force » : « âme, pensée.. ». Dans le « coeur » - càd pour les Juifs dans l’être intérieur entier, pas seulement au niveau des sentiments.
C’est une façon de dire : aime Dieu avec toute ta personne, avec tout ce que tu es. C’est avec tout ce qui vit en toi que tu dois chercher une relation avec le Dieu des vivants. 

Et tant que ton coeur n’est pas tourné vers cette recherche, tu restes hors du royaume. 
Car le royaume de Dieu n’est pas un domaine où il faudrait mériter d’entrer par des efforts ou des progrès religieux, le royaume de Dieu est à accueillir, à laisser entrer
Le royaume de Dieu, c’est là où Dieu règne - et il veut régner dans notre coeur. Un seul maître peut occuper le trône de notre vie : ce sera notre ego, ou Dieu. Mais il faudra choisir, et si Dieu vient régner, il devra déloger peu à peu le roi usurpateur qui avait pris sa place. 

Vous savez, on a remarqué que le texte de Dt 6. présentait de nombreuses similitudes avec les traités du Proche Orient ancien établis entre les rois et leurs vassaux, pour définir les règles de la relation. Ce n’est pas pour rien. Ici Dieu est le roi, et son peuple est appelé à obéir à sa loi - loi d’amour. Mais un amour qui n’est pas un amour confort, un amour bien être autocentré, mais qui est l’arme subversive choisie par Dieu pour rétablir son règne. 

Ainsi, l’amour de Dieu et du prochain n’est pas là juste pour mettre une bonne ambiance - pour améliorer l’ordinaire mais pour le transformer, en nous transformant. Dans ce monde où chacun est tellement préoccupé de lui-même, l’Ego règne en maître, l’Ego est le roi et Dieu le vassal - un vassal à qui l’on demande d’apporter la paix intérieure, le sens mais sans qu’il nous déloge du trône qui pourtant lui revient. 
Mais Dieu qui nous a créés, chacun, dans un acte d’amour, a envoyé son fils Unique pour nous permettre d’entrer dans la communion d’amour qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit- établir son règne en nous, et par là, dans le monde. 

Bien sûr, comme l’amour exige la liberté totale, ce règne ne peut être imposé de l’extérieur. Il faut notre consentement, notre adhésion. 
Cela veut dire aussi qu’il faut être à genoux et repentant pour accueillir le royaume de Dieu. Et dans ses échanges avec eux, Jésus reproche justement aux scribes et aux pharisiens de rester dans une position de maitrise face à l’Eternel - jugeant de sa Loi au lieu de s’y soumettre, et restant en surface des choses. « ils purifient le dehors de la coupe et du plat, alors qu’au dedans ils sont pleins de rapacité et d’excès. » … purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur aussi devienne pur » (Mt 23.25).
En l’interpellant comme il le faut, Jésus invite donc ce scribe, et nous avec lui, à changer d’attitude intérieure, à reconnaitre son besoin de l’amour de Dieu et à lui ouvrir la porte.

« Toute ta personne sera mobilisée pour l’amour de ton Dieu  ; tu dois tendre vers Dieu avec le meilleur de toi-même  ».

Comment dire l’homme devant Dieu en sept mots : Tu es aimé de Dieu.
« Tu aimeras le Seigneur… et tu aimeras ton prochain… ». 
Quand on met ainsi les choses en perspective, on comprend donc que l’amour dont il est question ici n’est pas n’importe quel amour. Ce qui permet de répondre à certaines objections courantes face à ces deux commandements : 

D’abord,  l’amour peut-il vraiment se commander ? L’amour n’est-il pas, par définition, imprévisible, « enfant de bohème » sans loi ?

Il faut voir que si en français nous n’avons qu’un seul mot pour ces choses, en grec, il en existe plusieurs, et qu’ici c’est le fameux agape qui est employé
Il ne s’agit donc pas de l’amour eros, celui qui nous mène « par le bout de nos pulsions » ni de l’amour « filia », celui des affinités, des atomes crochus, de la sympathie ou de l’antipathie. Ceux-là, nous les produisons nous-mêmes et n’avons pas de maîtrise sur eux. 

Mais l’amour agape, a dit quelqu’un, c’est « l’amour éthique », celui qui ne se trouve qu’en Dieu, que Dieu seul donne, et qui demande pour être vécu un engagement de tout l’être. 
C’est l’amour décrit par Paul en 1 Co 13, qui est « patient et bon », qui « n'est pas envieux, ne se vante pas et n'est pas prétentieux ; 5qui « ne fait rien de honteux, n'est pas égoïste, ne s'irrite pas et n'éprouve pas de rancune » ; 6qui « ne se réjouit pas du mal », mais « se réjouit de la vérité ». Qui « supporte tout et garde en toute circonstance la foi, l'espérance et la patience ».
C’est cet amour là que Jésus-Christ a amené dans le monde, afin de le transformer.
Et si l’on a vu avec quelqu’un comme Martin Luther King le pouvoir de subversion que pouvait avoir un tel amour, c’est bien en Jésus-Christ seulement qu’il se trouve pleinement, pour notre salut. 

Ainsi, celui qui croit en Jésus-Christ et qui a reçu son Esprit… doit engager toute sa personne sur la voie de l’amour. C’est son appel, pour chacun des instants de sa vie.  

« Bien-aimés, aimons nous les uns les autres; car l'amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jn 4.7-8). 

Ce qui nous amène à répondre à cette autre objection : est-ce qu’il s’agit de se forcer à « ressentir » de l’amour pour des gens que nous avons du mal à supporter - pour nos ennemis même ?!

Non. Jésus ne nous demande pas juste d’être gentils ; et il ne s’agit pas de sentiments mais d’action. Ainsi, dans le Lévitique (19) que cite Jésus, le commandement d’aimer son prochain est entouré de commandements très concrets : laisser une partie du champ non récoltée pour les étrangers, donner ceci ou cela au pauvre, ne pas profiter de la faiblesse d’une personne handicapée, etc. 
Ainsi  l’amour vrai agit dans la vraie vie. Il ne tourne pas la tête quand on l’appelle à l’aide et ne laisse pas mourir des migrants dans des camions s’il peut les aider. 
Jean 14.21 : « Celui qui retient mes commandements et leur obéit, voilà celui qui m'aime. Mon Père aimera celui qui m'aime ; je l'aimerai aussi et je me montrerai à lui. » 

Comment dire la loi de Jésus-Christ en un mot : aime Dieu, aime ton prochain comme toi-même. 
Cet amour-là est éternel, car Dieu lui-même en est la source. 
Et ce n’est donc qu’en puisant en permanence à cette source que nous pourrons obéir au deuxième commandement, « aimer le prochain ». 
Quelqu’un disait ainsi : « mon but est d’être présent à Dieu et d’incliner mon âme vers lui à chaque instant, que ces temps soient mis spécifiquement à part ou qu’ils soient « occupés » par le travail, la famille, les loisirs… ».
Voilà l’axe principal que Jésus nous appelle à suivre, pour chacun des jours qu’il nous donnera à vivre - tout à l’heure, à la sortie, aujourd’hui, en famille, demain, au travail ou au lycée…: rechercher sa présence, pour qu’il infuse son amour en nous, et nous rende capable de l’infuser autour de nous.

Cf image du sachet de thé. QQ qui diffuse doucement et remplit peu à peu, changeant la couleur, le goût de la vie. 

En entendant cela, certains se disent peut-être : beau projet, vraiment…mais totalement irréaliste ! En tout cas, c’est au dessus de mes capacités ! 

Voilà pourquoi, pour finir, il nous fait donc préciser ensemble, si vous le voulez bien, ce que signifie concrètement « être présent à Dieu », et ce qui peut nous aider à grandir dans cette relation vivante avec lui. 

Cela passe, sans surprise : 
  • par la Parole de Dieu infusée dans notre vie
  • par la prière - même les yeux ouverts
  • par une vie d’Eglise profonde et sincère. 

La Parole de Dieu d’abord. Qu’elle soit infusée dans notre vie ! 

Le texte du Deutéronome 6.5 dit ainsi : « 5Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. 6Les commandements que je te communique aujourd'hui demeureront gravés dans ton cœur. 7Tu les enseigneras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi ou quand tu marcheras le long d'une route, quand tu te coucheras ou quand tu te lèveras. 8Pour ne pas les oublier, tu les attacheras sur ton bras et sur ton front, 9tu les écriras sur les montants de porte de ta maison et sur les portes de tes villes. ». 

Notez qu’on ne parle pas ici de la durée légale du temps de lecture quotidien à accomplir - travers de notre culture protestante, même si un culte - quotidien dans l’idéal - avec un temps de méditation personnelle de la Bible est vital et indispensable pour la foi
« Sur le coeur, sur les linteaux… » : il s’agit plus largement de laisser la Parole de Dieu remplir notre vie - l’avoir en tête, la connaître, se la rappeler et la rappeler. 
Oui, il est nécessaire que la Parole de Dieu infuse dans notre vie, pour dénouer peu à peu ce qui nous ferme à l’amour de Dieu, ce qui nous retient sur le trône… Que cette Parole nourrisse notre réflexion, notre prière, notre imaginaire, notre conception du monde… jusqu’à ce que nous pensions comme Dieu pense, et que nous voulions ce que Dieu veut. 
Cela ne se fait pas en un jour bien sûr, et demande bien un engagement sérieux.   

Ensuite : prier - prendre de profonds « temps de prière » mais aussi : prier les yeux ouverts ! Comment cela ? Paul parle lui de « prier sans cesse » ! Ce qui ne veut pas dire parler à Dieu H24, ni « penser à Dieu par opposition à autre chose ou prendre du temps pour Dieu au lieu de le consacrer à autre chose… Cela signifie penser et vivre en présence de Dieu »

A chaque instant je sais que Dieu est là ; je ne suis pas seul ; il m’accompagne de son amour, et je cherche à faire sa volonté. « Etre présent à Dieu et incliner mon âme vers lui à chaque instant ». Qu’il remplisse la coupe de mon être intérieur, et me conduise selon sa volonté. 

Enfin, vivre sincèrement la vie d’Eglise. Si aride qu’elle soit parfois, celle-ci est un cadeau que Dieu nous fait pour nous apprendre à aimer en pratique et partager cet amour que nous recevons de Dieu. Un lieu pour expérimenter, échouer, se repentir et reprendre. Le programme du stage, nous l’avons lu : 1 Co 13. 
Comme il m’accueille sans conditions, en Jésus, j’accueille alors les autres. Comme il me faut grâce et me pardonne, je pardonne. Comme il est patient avec moi, je suis patient.

En somme, je donne à mon tour ce que je reçois de lui, ce que je vais chercher résolument au quotidien, dans la prière et la méditation de la Bible. Comme je ne peux pas donner ce que je n’ai pas, je reviens sans cesse à Dieu pour recevoir de lui l’amour, la sagesse, la patience… par son Esprit. 

Et ainsi, l’amour de Dieu peut grandir en moi, et le Royaume s’y étendre, pour toucher d’autres ensuite, pour la gloire de Dieu. 

Conclusion : 

Alors, si le scribe n’est « pas loin du Royaume de Dieu », où sommes-nous? Où est-ce que nous résistons à l’amour de Dieu ? Qu’est-ce qui nous empêche d’ouvrir à cet amour et nous fait peut-être rester loin ? 


Dans la prière, demandons cela à Dieu, qu’il nous éclaire - peut-être maintenant, peut-être dans les prochains jours. Prier, lire la Bible et noter les paroles qui nous touchent  et de temps en temps les relire et chercher à entendre ce que Dieu veut nous dire, si un point ou l'autre reviennent. 

Prédication du dimanche 2 août :


Exode 16.2-15 : « Qu’est-ce que c’est ? »
Le pain de la grâce et de la dépendance


Imaginez un paysage désertique au petit matin, un paysage de sable et de pierre. Nous sommes dans la péninsule arabique (à la frontière entre l’Egypte et l’Israël actuels), un peu plus de 1200 ans avant J.-C, peu après la sortie des Hébreux hors d’Egypte. 
Ils se trouvent dans le désert de Sin. Immensité de montagnes rocheuses, bordées de canyons vertigineux, et entourées de plateaux sablonneux, arides. Parfois, ici ou là, une oasis, une source. Mais si rarement. 

Ce matin-là, le peuple d'Israël s'est levé au milieu d'un paysage étonnant : quand le jour s’est levé il y avait tout autour du camp qu'ils avaient dressé une couche de rosée. Et une fois que cette rosée s’est dissipée il y avait à la surface du désert quelque chose de petit et de blanc comme des grains de coriandre, quelque chose de fin comme la gelée blanche sur la terre. 
Les uns après les autres, ils ont tendu la main, étonnés, pour examiner cet étrange dépôt apparu pendant la nuit. 
Ils se sont regardés et se sont dit l'un a l'autre : « qu'est-ce que c’est ? » - en hébreu : Man Hou ? - et on dit que c’est de là qu’est venu le nom de cette étrange nourriture : la manne. 
« Qu'est-ce que c’est ? ». Au fond d'eux-mêmes en réalité ils connaissaient la réponse : et alors Moïse l'exprima haut et fort : « c'est le pain que l'Eternel vous donne pour nourriture ».

C’était la manne, envoyée par Dieu en réponse à leurs cris.
La manne. Le pain de la grâce de Dieu - grâce étonnante, manifestée sur le chemin de ces gens vers la liberté. Pain de vie, pain de la dépendance envers Dieu, aussi. 
Miraculeuse réponse de Dieu aux cris de son peuple. 

Ce peuple est-il heureux, soulagé ? Les choses étaient loin d’être si simples, et les hébreux n’étaient pas encore arrivés… 

Ici, un retour en arrière s’impose. Cet épisode, rapporté dans le livre de l'Exode au chapitre 16, se produit donc peu de temps après que le peuple hébreu ait été libéré d'Égypte. A l’appel de Dieu, sous la conduite de Moïse, ils ont traversé la mer ouverte pour eux par l’Eternel. Ils marchent maintenant le long de la côte de la mer Rouge en direction du Mont Sinaï. Et puis ils ont bifurqué pour couper à travers la grande plaine de sable du désert de Sin. 
Mais très vite, avec la fatigue et la faim, l’euphorie des premiers jours, après la libération de l’esclavage, a commencé à faire place aux murmures. « 2 Toute l'assemblée des Israélites murmura contre Moïse et Aaron dans le désert. 3 Les Israélites leur dirent: «Pourquoi ne sommes-nous pas morts de la main de l'Eternel en Egypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ? Au contraire, vous nous avez conduits dans ce désert pour faire mourir de faim toute cette assemblée.»

La contestation du peuple, insatisfait de ce qu’il vit et regrettant le confort de l’Egypte, c’est un thème qui revient souvent dans la Bible. Régulièrement dans sa marche vers la terre promise, malgré les interventions miraculeuses de Dieu en sa faveur, le peuple Hébreu va râler et regretter l’Egypte, sa viande, ses poissons, ses concombres, melons, poireaux, oignons, ails… ! (Nombres 11.5). [Pour la plupart de nos enfants, ce serait plutôt un motif pour fuir très loin dans le désert !]
Et avec cet état d’esprit, le peuple va pousser Moïse à bout, jusqu’à lui faire crier à Dieu  : « pourquoi me fais-tu du mal, à moi, ton serviteur ? Pourquoi n’ai-je pas trouvé grâce à tes yeux que tu aies mis sur moi la charge de tout ce peuple ? » (Nombres 11.11)
Quelle réponse divine attendrait-on à de telles réclamations ? De la colère ? 
Je trouve la réponse de l’Eternel à ces contestations… étonnante, et révélatrice de sa pédagogie envers nous. Avant tout, c’est une réponse de grâce, mais la grâce de Dieu est quelque chose qui pousse vers l’avant, qui ne laisse pas dans le statu quo et la rumination négative. 

Voici la réponse de Dieu : 
4 L'Eternel dit à Moïse: «Je vais faire pleuvoir du pain pour vous depuis le ciel. Le peuple sortira et en ramassera chaque jour la quantité nécessaire. Ainsi, je le mettrai à l'épreuve et je verrai s'il suivra, ou non, ma loi. 5 Le sixième jour, ils prépareront ce qu'ils auront apporté, c’est-à-dire le double de la portion ramassée chaque jour. »

6 Moïse et Aaron dirent à tous les Israélites: «Ce soir, vous reconnaîtrez que c'est l'Eternel qui vous a fait sortir d'Egypte. 7 Le matin, vous verrez la gloire de l'Eternel, parce qu'il a entendu vos murmures contre lui. Que sommes-nous, en effet, pour que vous murmuriez contre nous ? » 8 Moïse dit: «L'Eternel vous donnera ce soir de la viande à manger, et le matin du pain à satiété, parce qu’il a entendu les murmures que vous avez proférés contre lui. Que sommes- nous en effet? Ce n'est pas contre nous que vous murmurez, c'est contre l’Eternel. »

Le texte insiste sur ces « murmures » du peuple. Clairement, ils sont un péché contre Dieu, Dieu qui entend ces murmures, qui est attentif à ce que ressent son peuple et à ce qu’il exprime, ne va pas les excuser si facilement - même s’il connait leurs circonstances difficiles, il les tient quand même pour responsables de leur rébellion - car ils le sont ! 
Il est facile bien sûr de juger ces gens, et d’être choqué par leur ingratitude envers l’Eternel. On sait pourtant que la faim et la soif font perdre la notion des choses. Comme la souffrance, la fatigue, l’usure des longues épreuves. Interrogeons-nous alors : qui parmi nous n’a jamais été un membre même temporaire de cette tribu des râleurs, maugréant contre Dieu, amer, incapable de voir les bénédictions placées sous ses yeux et perdant toute confiance dans le Dieu qui le libère ? 
Nous sommes comme eux, lorsque nous reprochons à Dieu les difficultés que nous rencontrons. Que nous résistons à sa volonté pour nous. 
Alors oui, il y a une colère justifiée dans la réponse de Dieu : vous avez voulu du pain ? Vous en serez recouverts ! 
Dans le livre des nombres, Dieu dira aussi : je vous donnerai de la viande, « et vous en mangerez… un mois entier, jusqu’à ce qu’elle vous sorte par les narines et que vous l’ayez en dégoût, puisque vous avez rejeté le Seigneur qui est parmi vous et que vous avez pleuré devant lui en disant : « nous étions si bien en Egypte ! » (voir Nb 11.18)
Voilà donc Dieu qui laisse son peuple assumer certaines des conséquences de son péché. Car le péché a toujours des conséquences négatives. 
La révolte ici entraîne aussi le doute. Ainsi, le peuple accuse Moïse de les avoir entraînés dans le désert sans la volonté de l’Eternel. Et puis il remet aussi en cause son statut de peuple choisi et aimé par Dieu : « Pourquoi ne sommes-nous pas morts de la main de l'Eternel en Egypte ? » (v. 3) - sous-entendu : qu’avons nous de plus que les Egyptiens que Dieu a fait mourir ? Il ne nous traite pas mieux qu’eux ! Est-ce qu’il nous aime vraiment ? 
Questions bien connues de nous, peut-être ?  

C’est certain, Dieu connait nos rebellions, nos amertumes et nos doutes. Mais s’il ne nous excuse pas si facilement, il nous fait grâce : son amour vient à notre rencontre pour nous faire avancer, nous sortir de nos enfermements et nous « guérir » de notre péché. 
La grâce de Dieu est quelque chose qui pousse vers l’avant, qui ne laisse pas dans le statu quo.

Dieu fait grâce. 
Ainsi, alors même qu’il exprime sa colère, Dieu ne se cache pas au peuple, au contraire : il va se rendre proche. Sa présence était déjà manifestée le jour par une « nuée », une sorte de nuage, et la nuit par une colonne de feu. Mais il va se rendre plus présent encore

« 9 Moïse dit à Aaron: «Dis à toute l'assemblée des Israélites: ‘Approchez-vous devant l'Eternel, car il a entendu vos murmures.’» 10 Tandis qu'Aaron parlait à toute l'assemblée des Israélites, ils se tournèrent du côté du désert, et voici que la gloire de l'Eternel parut dans la nuée. 11 L'Eternel s'adressa à Moïse: 12 «J'ai entendu les murmures des Israélites. Dis-leur: ‘Au coucher du soleil vous mangerez de la viande, et le matin vous vous rassasierez de pain. Ainsi vous reconnaîtrez que je suis l'Eternel, votre Dieu.’»
13 Le soir survinrent des cailles qui couvrirent le camp, et le matin il y eut une couche de rosée autour du camp ». 

Dieu avait envoyé la manne. 

  Ainsi, Dieu se révèle comme celui qui écoute. Il est à la fois le Dieu parfaitement juste, qui ne laisse pas le mal et la révolte impunis, et le Dieu parfaitement amour, fidèle, qui ne laisse pas son peuple se perdre dans ses travers.  Il fait grâce - c’est-à-dire : il pointe et nomme le péché commis contre lui, mais pour que la repentance et le pardon soient ensuite possibles, et que nous puissions venir plus près de lui, le Dieu saint. 

Dieu écoute ses enfants, et il leur envoie la manne, le pain de la grâce, afin qu’ils puissent continuer à avancer sur le chemin de la liberté. Liberté envers l’esclavage des autres peuples, ici, qui préfigure, qui annonce la liberté vis à vis du péché que Jésus apportera quelques siècles plus tard. 

Oui, la manne envoyée ici est une image de la grâce de Dieu en général - une image riche de sens. 

D’abord, un mot sur ce qu’était la manne, concrètement. 
Il faut savoir qu’une manne naturelle existe dans ces régions : sécrétion naturelle de certaines plantes (comme le tamaris par suite de la piqûre d’une cochenille).
Mais la manne que les Israélites vont manger pendant 40 ans dans le désert semble d’une autre sorte, déjà par le fait qu’elle apparaît partout où ils vont - et tombe en double dose le 6e jour, et ne tombe pas le 7e jour, jour du sabbat ! Pas très naturel, tout ça ! 
Pour les cailles c’est un peu différent : les vols de cailles sont un phénomène bien connu dans cette partie du monde, ces cailles qui tombent fatiguées, sur le sol, et qu’on mange couramment là bas. Le miracle ici est dans la concordance entre le passage des vols et l’itinéraire du peuple. 
Dans les deux cas, Dieu pourvoit, Dieu dirige les choses pour le bien de son peuple. 

La manne est ainsi un signe matériel de la grâce
- don gratuit et suffisant : chacun en avait assez pour sa journée.
- réponse à un besoin légitime
- don qui apprend la dépendance : pas de stocks - ne compter que sur la fidélité de Dieu.
- don qui fait grandir : apprends à marcher au rythme de Dieu, sur les chemins de Dieu. 
- don qui surprend, déplace : personne ne s’attendait à cette réponse. « Qu’est-ce que c’est ».

Oui, la manne est le pain de la grâce, le pain de la dépendance envers l’amour de Dieu, et le pain qui restaure et permet de continuer la route.

« Qu’est-ce que c’est ? ». Certainement, ces mots seront aussi les nôtres devant ce que Dieu nous enverra pour combler notre faim et nous permettre d’avancer vers lui. 
Ce sera souvent autre chose que ce que nous avions prévu
Ce sera toujours quelque chose qui puisse nous rapprocher de Dieu. 
On l’a vu, le peuple avait une réponse simple et évidente à la faim : le retour en arrière.  De même, qui parmi nous n’est jamais tenté de laisser tomber son chemin avec Dieu ? « C’était plus facile quand je n’étais pas chrétien ». « Maintenant, j’ai plus de difficultés qu’avant ». 
Mais Dieu a-t’il promis un chemin sans déserts, sans insatisfactions ni épreuves ?  Ce monde est dur, notamment envers ceux qui veulent suivre les sentiers de la justice et de l’amour. Les difficultés font donc partie du lot pour qui veut suivre Jésus-Christ. Mais Dieu a promis que la joie et la paix les surpasseraient ; « vous aurez des épreuves dans le monde, a dit Jésus, mais courage : moi, j’ai vaincu le monde ». 
Et de fait, chaque jour, sur notre chemin, Dieu envoie sa manne - étonnante. « Qu’est-ce que c’est ? ». Pain de la grâce. Pain de la dépendance à Dieu, dont nous avons besoin chaque jour pour vivre et aimer, sans pouvoir faire de stocks pour l’avenir ! 

Amen 

Prière  

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Apprends nous à te faire confiance, à recevoir ton amour dans chacun de nos instants, quelle que soit sa tonalité.
Que nous dépendions de toi.
Donne nous, seigneur, le pain du ciel
Accorde nous le pain de vie en Jésus-Christ. 
A toi l’honneur, la gloire et la louange

Amen »