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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

mercredi 24 décembre 2014

predication du dimanche 21 décembre 2014 - Luc 1. 46-55



Texte et questions pour la réflexion et la discussion 

39En ces jours-là, Marie partit en hâte vers la région montagneuse et se rendit dans une ville de Juda. 40Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. 41Dès qu'Elisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit dans son ventre. Elisabeth fut remplie d'Esprit saint 42et cria :Bénie sois-tu entre les femmes,et béni soit le fruit de ton ventre !43Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne me voir ? 44Car dès que ta salutation a retenti à mes oreilles, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon ventre. 45Heureuse celle qui a cru, car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s'accomplira !

L'hymne de Marie46Et Marie dit :Je magnifie le Seigneur,47je suis transportée d'allégresse en Dieu, mon Sauveur,48parce qu'il a porté les regards sur l'abaissement de son esclave.Désormais, en effet, chaque génération me dira heureuse,49parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses.Son nom est sacré,50et sa compassion s'étend de génération en générationsur ceux qui le craignent.51Il a déployé le pouvoir de son bras ;il a dispersé ceux qui avaient des pensées orgueilleuses,52il a fait descendre les puissants de leurs trônes,élevé les humbles,53rassasié de biens les affamés,renvoyé les riches les mains vides.54Il a secouru Israël, son serviteur,et il s'est souvenu de sa compassion55— comme il l'avait dit à nos pères —envers Abraham et sa descendance, pour toujours.56Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.

(un canevas d'étude existe pour ce texte dans le livre : Efferv'essence. Section 4. p.38. Les questions ci-dessous en sont inspirées).

- Essayez de vous mettre un instant à la place de Marie : jeune fille fiancée... des projets d'avenir. Réfléchissez à tout ce que cette grossesse va changer dans sa vie !Dans quelle attitude accueille-t'elle les promesses de Dieu v. 45 ?
Qu'est-ce qui fait naître la louange de Marie ?
v.50-55 : chaque phrase correspond à une action de Dieu : dégagez de ce passage 6 aspects du caractère de Dieu.
Bilan : qu'est-ce qui inspire la joie de Marie ici ?

Application :- Comment réagissons-nous devant l'imprévu ?- Nous est-il déjà arrivé d'être placés, sans l'avoir anticipé, devant une responsabilité à assumer par obéissance à Dieu (ex. accueillir quelqu'un qui a besoin d'aide...) ?
- Quelle est la place de la louange dans ma vie chrétienne ? Comment est-ce que je vis la louange ? M'arrive-t'il de louer Dieu dans un culte personnel ?- Pour quels sujets pourrais-je louer Dieu en ce moment ?





Prédication 


Le magnificat : entrer dans la joie de Dieu


Je voudrais ce matin donner la parole à une croyante que nous connaissons bien, sans vraiment la connaître peut-être. Un indice : elle domine la ville de Lyon. C’est quelqu’un dont l’image s’affiche un peu partout, jusque dans les endroits les plus reculés, les plus improbables, et on la met souvent sur un piédestal, on l’imagine couverte d’or, ce qui ne correspond pourtant pas à sa vraie personnalité...Vous l’avez sans doute deviné, il s’agit de Marie, mère de Jésus.
Habitants de Lyon, ville du Primat des Gaules et des célébrations du 8 décembre, vous pouvez vous détendre. Loin de moi l’idée d’engager ici une polémique sur ce personnage capital, et pourtant si discret.En cette veille de Noël, je vous invite simplement à lire et méditer ensemble le cantique magnifique que Marie fait monter vers Dieu, au début de sa grossesse. C'est un passage qu'on a appelé justement le « Magnificat » : en Latin, « je chante la grandeur de Dieu ». Marie y exprime sa joie, une joie dans laquelle nous sommes invités à entrer, nous aussi.
Je vous invite à la lecture, dans l'évangile de Luc, chap. 1, v. 26

Lecture
Est-il besoin de rappeler le contexte ? Un jour, un ange apparaît à Marie, une très jeune fille fiancée à un charpentier nommé Joseph. La nouvelle que l'ange lui annonce dépasse l'entendement : elle va être enceinte sans avoir eu de relations sexuelles, par l'action de Dieu lui-même, et portera le Fils de Dieu, le Messie tant attendu par Israël !Suite à cette nouvelle bouleversante, Marie part chez sa parente Élisabeth qui, inspirée par le Saint Esprit, lui confirme son élection : v. 43Et cette parole déclenche cet hymne de joie magnifique de la part de Marie. « Je magnifie le Seigneur » (v.46). Un hymne qui est devenu un modèle.

Magnificat :  « Je magnifie le Seigneur ». On a dit justement que l'évangile de Luc était l'évangile de la joie. Et cette joie éclate partout dans tout ce premier chapitre : dans la bouche de Zacharie juste avant, dans celle d'Elisabeth aussi. Et dans le chant de Marie, ici. Un commentateur s'écrie même : « splendide, le fleuve de joie qui traverse ce psaume ! ». « Je magnifie le Seigneur ». Mais d’où vient cette joie de Marie ?C'est Elisabeth, au v. 45, qui donne la réponse : « Heureuse celle qui a cru ». La joie de Marie vient tout entière de sa foi, de sa confiance en Dieu qui lui a envoyé cet enfant.

Se réjouir d'attendre un enfant, facile ? Par forcément dans ce cas précis. Après tout, cette grossesse inattendue aurait de quoi déstabiliser. Marie avait sans doute des projets de vie, une idée de ce qu’elle voulait faire... et la voilà enceinte, si jeune, et d’une façon unique dans l’histoire de l’humanité, et si mystérieuse. Cela pouvait avoir de quoi l’inquiéter. Et le regard des autres – sa famille ? Et sa place dans la société ? Et Joseph ? L'Evangile de Matthieu nous le montre prêt à rompre avec elle à cause de cette grossesse dont il ne sait pas où elle sort !Et pourtant, c’est quand même la joie que Marie exprime, sous l'action du St Esprit. « Je magnifie le Seigneur, je suis transportée d'allégresse en Dieu, mon Sauveur, » .
Le mot grec traduit par « allégresse » ici a le sens très fort d'exulter.Qui n’a pas envie d’être heureux comme cela, d’être rempli d’une telle joie ? Nous sommes si tristes, nous français, si souvent. Et elle, jeune israélite pauvre, fille mère menacée de perdre son fiancé, d'être mise au ban de la société, elle éclate d’allégresse ! Où est la clé ?
La voici, donnée par Elisabeth : « heureuse celle qui a cru ». Pour nous, Marie est un exemple de foi. Marie qui se souvient des promesses de Dieu, qui les voit s'accomplir, qui accepte d'être choisie par Dieu et de participer à son plan mystérieux, qui accepte de porter les œuvres de Dieu - Marie qui entre ainsi dans la joie de Dieu. Et sans rien nier de nos convictions de bons protestants, nous pouvons aussi reconnaître que cette jeune fille, par sa foi, nous montre aussi le chemin pour entrer à notre tour dans cette joie.
Parcourons-le ensemble.


Tout d'abord, ce chemin passe par une connaissance du passé : connaissance des actions passées de Dieu pour son peuple, racontées dans la Bible, et de ses promesses.
C'est ainsi, qu'en jeune juive fervente, Marie connaissait bien les prophéties faites autrefois à son peuple. Comme les juifs pieux de son temps, elle connaissait sans doute par coeur des passages entiers de l'Ancien Testament, ce qui entretenait en elle l'espérance de la venue du Messie. On remarque d'ailleurs que dans sa famille, tout le monde porte un nom en lien avec cette attente : Zacharie signifie « Dieu se souvient », Elisabeth : « Dieu a promis » et leur fils Jean : « Dieu est grâce » ! ! A toute la famille, ils résument l'essentiel : Dieu, dans sa grâce, va tenir ses promesses.

Cette connaissance des textes sacrés lui permet de se rendre compte que Dieu est en train d'accomplir ses promesses ! Quelle joie ! Dans sa prière tissée de citations de l'Ancien Testament Marie évoque justement les prophéties qui s'accomplissent devant ses yeux : «comme il l'avait dit à nos pères, il s'est souvenu de sa compassion envers Abraham et sa descendance ». Ces mêmes textes bibliques donnent aussi à Marie les mots de sa prière, elle y puise la matière et la forme qui lui permet d’exprimer ce qu’elle a sur le cœur. Mais avant tout, elle y puise les raisons de se réjouir, car Dieu a tenu parole !! Toute sa vie, Marie restera cette femme de mémoire et de réflexion. D'abord elle a gardera toute sa vie dans son corps la marque de cette première grossesse extraordinaire. Et on la trouvera aussi plusieurs fois en train de « repasser dans son cœur » ce que Dieu aura fait, pour le méditer.
Que son exemple nous inspire ! Cela nous invite nous aussi à nourrir notre pensée de la Bible, et en même temps à prendre le temps de nous arrêter régulièrement, pour voir à la lumière de sa Parole ce que Dieu est en train d'accomplir, et le louer pour cela, comme le fait Marie. Sinon, nous pourrons avoir tendance à rester dans nos ornières. Seule la lecture de la Bible peut nous donner la hauteur nécessaire pour garder l'espérance. Elle nous donne le point de vue de Dieu sur les choses, c'est vital. Et de solides raisons de nous réjouir !

Mais continuons de parcourir le chemin. Nous y découvrons que la joie de Marie a une autre cause, qu'elle révèle aussi dans ce cantique : « je suis transportée d'allégresse en Dieu, mon Sauveur, parce qu'il a porté les regards sur l'abaissement de son esclave ».
Marie est heureuse aussi d’avoir été choisie, repérée par Dieu, pour participer à son oeuvre de salut.Pourquoi elle ? Bien sûr, le mystère ici est entier. Cela relève de la souveraineté de Dieu. Bien sûr, Marie appartient au peuple de Dieu, et il était nécessaire que le Messie appartînt au Peuple élu, et à la lignée de David (ici, par son père Joseph).
Mais c'est quand même une décision de pure grâce de la part de Dieu.
Et quelle belle surprise pour Marie ! Non seulement Dieu la connaît personnellement, il la connaît en profondeur jusque dans les recoins les plus intimes, il la connaît « par son nom » (« n'aie pas peur, Marie ») mais en plus il l’aime et veut son bien.
On voit aussi que Marie fait preuve d’une grande humilité devant Dieu, et cela lui permet d'être disponible à ce qu'il lui demande, et de s'en réjouir, parce qu'elle ne s'attendait pas à recevoir de l'honneur de sa part ! « Il a porté les regards sur l'abaissement de son esclave/sa servante », dit-elle.
Ce regard de grâce suffit à la réjouir ! Noël approche : qu'il est difficile de faire plaisir à un enfant trop gâté, comblé de toutes sortes de plaisirs électroniques, alimentaires, etc. !! Mais Marie fait partie de ceux qui ont « faim et soif de justice », et attendent tout du Seigneur. Consciemment ou non, c’est d’elle-même aussi qu’elle parle quand elle évoque cette catégorie de personnes simples qui sera « élevée » (v.52) ; ceux qui n’ont pas de pensées orgueilleuses.Ainsi, la Bible dit souvent que l'amour et la bonté de Dieu se révèlent d'abord chez les humbles, chez les opprimés et tous ceux qui « habitent les profondeurs »1. C’est un enseignement pour nous : Dieu ne s’approche, ne peut s’approcher que de celui qui est pauvre intérieurement, c’est-à-dire conscient de son vide, de son indignité. Conscient qu’il n’a rien à faire valoir. Quelqu’un qui attend de Dieu d’être rempli. Les v. 52 à 53 parlent ainsi de puissants que Dieu descend de leurs trônes, de riches renvoyés les mains vides... ainsi Dieu renvoie à vide ceux qui sont pleins d’eux-mêmes. Dieu ne se mérite pas, ne se conquiert pas. On ne peut s’élever vers lui ; au contraire, c’est lui qui « porte les regards sur l'abaissement de son esclave »/ sa servante. C'est lui qui déverse dans les cœurs assoiffés une joie qui ne dépend pas des circonstances.

De même chaque jour, des hommes sont renversés pour être ensuite relevés de la main de Dieu, ils sont vidés pour être remplis de Dieu lui-même. Peut-être faites-vous partie de ces gens-là ; sans doute certains d'entre nous auraient beaucoup à raconter dans ce domaine. Certes, dans un premier temps, être renversé ne réjouit personne ! Ce n'est qu'ensuite que l'on comprend que cela peut aussi nous conduire à la joie.
Cette joie d'être ainsi trouvé par Dieu, arrêté comme Paul sur le chemin de Damas et relevé par l'amour de Jésus. Cette joie d'avoir été trouvée par Dieu que ressent Marie.
Heureuse de voir les promesses de Dieu s'accomplir, heureuse de se savoir incluse dans ce beau plan de salut de Dieu qui la dépasse, heureuse aussi d'être choisie par Dieu, remarquée par Lui, aimée par Lui... Marie entre donc dans la joie du Seigneur.

Et la dernière chose que je voudrais souligner, c'est combien elle y entre de tout son cœur, en s'abandonnant totalement entre les mains de Dieu. C'est un « oui » massif qu'elle répond au Seigneur. Elle accepte totalement ce qu'il va lui faire vivre - et ce ne sera pas simple.

« Heureuse celle qui a cru ». C'est sans doute cette confiance profonde en Dieu qui est la source la plus profonde de son allégresse. Cette foi par laquelle elle comprend, déjà, qu'elle va produire les œuvres de Dieu, pour le salut de toute l’humanité !
Elisabeth l’appelle «  la mère de mon Seigneur » ! Sans rentrer dans des débats théologiques, on peut prendre l’expression, ici, dans son sens le plus simple : elle porte le Messie, le Fils de Dieu, pour le salut de l’humanité.Par la foi, elle le comprend,... et elle l'accepte, ce qui n'est pas évident pour les raisons invoquées tout à l'heure : fille mère en Palestine... c'est pas la joie... d'habitude ! Elle pèse les conséquences sociales, les conséquences dans sa relation avec Joseph... et dit « oui » à Dieu : « Qu’il m’advienne selon ta parole ».Et loin de subir cette situation provoquée par Dieu, elle se l’approprie, et la joie de ce Dieu qui va sauver son peuple devient la sienne.
Oui, Marie est « celle qui a cru ». Le v. 39 nous dit qu’elle se lève « avec zèle »/ « avec hâte ». « Se lever » signifie ici se mettre en marche selon le plan de Dieu, s’y engager à fond. Marie montre une adhésion totale, et pourtant, là aussi, ce n’est pas sans réfléchir qu’elle a obéi. A l’ange elle a posé des questions pertinentes : « comment cela se produira t-il, puisque je n’ai pas connu d’homme » ? Ce ne sont pas les paroles d’une jeune bergère naïve et illuminée qui penserait que les enfants naissent dans les choux, mais celles d’une jeune fille intelligente qui connaît la vie et qui se pose des questions de bon sens. Dieu ne condamne pas cela. Lorsqu’il nous appelle, il nous veut vrais, entiers, présents avec toutes nos capacités, quitte à discuter et prendre le temps de la réflexion pour mieux partir.
C'est donc de tout son cœur et avec toute son intelligence que Marie dit « oui » à Dieu, et qu'elle laisse la joie de Dieu entrer. « Je magnifie le Seigneur,
je suis transportée d'allégresse en Dieu, mon Sauveur,
parce qu'il a porté les regards sur l'abaissement de son esclave.
Désormais, en effet, chaque génération me dira heureuse,
parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses ».
On pourrait dire ainsi, pour finir, que Marie n'est pas la « magnifique », mais la « magnifiante », celle qui dit la grandeur de Dieu.
C'est beau de la voir se réjouir en espérance, sentant le bébé bouger dans son ventre, promesse d'une vie qui déjà grandit en elle. Elle est un modèle pour nous, qui avons tant de mal à accueillir les projets de Dieu dans nos vies bien réglées, tant de mal à laisser le Père céleste déployer sa puissance de vie dans la nôtre, pour ouvrir nos horizons pourtant si réduits souvent. Tant de mal à croire aux promesses de Dieu, que nous oublions de graver dans nos mémoires.
Marie nous invite à accueillir joyeusement ce que Dieu nous donne à vivre, dans la confiance. A apprendre à voir dans nos vies les promesses de vie qui viennent de Dieu.

Qu'en cette période des fêtes, en repassant dans notre cœur ce que Dieu a fait dans l'histoire de son peuple, de son Eglise, et dans la nôtre, nous puissions exulter de joie ! Et puiser l'espérance à sa source, dans la personne de Jésus-Christ ressuscité, lui qui veut naître en nous par son Esprit et y faire grandir sa vie, pour nous porter jusqu'après la mort, et dans l'éternité.

Qu'en méditant tout cela, nous puissions dire avec Marie : «  le Puissant a fait pour moi de grandes choses ». Et qu'en cette veille de Noël, nous puissions dire « oui » à la joie de Dieu !
1 H.Gollwitzer, Luc, la joie de Dieu. 



lundi 8 décembre 2014

Prédication du Dimanche 31 août 2014 : Actes 15 : 36 à 16 : 11


Actes 15 : 36 à 16 : 11 
Fais-moi connaître le chemin où je dois marcher !


« Fais-moi connaître le chemin où je dois marcher ! » ; « apprends-moi à faire ta volonté ».
Sans nul doute, ces mots de David, dans le psaume 143, doivent résonnent chez nombre d'entre nous, ce matin, en ce début d'année scolaire, la tête chargée de projets divers, de soucis aussi peut-être - tant de choix devant nous, tant de chemins.
Et si nous avons placé notre foi en Dieu, il est normal que nous cherchions, comme David, à faire sa volonté dans tous les domaines, à marcher sur les chemins qu'il a lui-même tracés.
Ainsi, c'est bien ce désir là, je crois, qui a conduit vendredi dernier, un certain nombre d'entre nous se sont retrouvés ici pour soirée de prière- se placer devant Dieu et lui demander de nous conduire pendant cette nouvelle année scolaire.
Mais au quotidien, les choses ne sont pas simples. Ainsi, un des points qui interroge souvent est celui de l'articulation entre notre volonté et celle de Dieu. Quelle place donner à nos initiatives, nos envies, nos choix ? Comment aller de l'avant avec tout ce que nous sommes, et en même temps marcher sur le chemin « où nous devons marcher ? ».
Comment chacun d'entre nous vit-il cela ? Pour caricaturer ne pourrait-on pas dire que le plus souvent nous menons notre vie quotidienne comme nous le pouvons, en essayant de vivre notre foi le moins mal possible... Mais que quand le sentier devient étroit ou confus, nous pouvons être amenés à nous arrêter, (quitte à rester immobiles, sans initiative), en attendant que Dieu nous révèle une voie ?
Il y a un homme dont l'exemple, dans ce domaine, est édifiant pour nous : c'est l'apôtre Paul.
S’il est quelqu'un qui a cherché à faire et à discerner la volonté de Dieu, c’est bien lui ! Retrouvons-le précisément dans le livre des Actes, aux chapitre 15 et 16.
Nous sommes au début du 2e voyage missionnaire de Paul, juste après ce qu’on a coutume d’appeler le « concile de Jérusalem » : les apôtres, dont Paul, Pierre, Jacques et Barnabas, y ont débattu pour savoir si les non-juifs devaient être circoncis. A la fin des débats, Paul et Barnabas décident de se remettre en route.
Il est évident que leur désir est de servir Dieu. Mais comment vont-ils décider d’aller plutôt ici ou plutôt là ? On les imagine aisément priant dans l’attente d’une révélation particulière, avant de se mettre en route. En réalité, voici comment les choses se passent :
pendant la lecture, la carte restera projetée, pour vous aider à situer les choses.

Lecture :
Actes 15 : 36 à 16 : 11

La première chose qui m’a frappé à la lecture de ce texte, c’est que la prise de décision se fait… dans une dispute ! Entre Paul et Barnabas ! C’est curieux. On peut s'interroger alors sur les dispositions intérieures des apôtres. C’est le premier point.
La deuxième chose qu’on peut remarquer dans cette histoire, c’est la diversité des moyens qu’emprunte Dieu pour guider les apôtres.  Il y a plusieurs facteurs qui concourent à guider Paul dans ses choix. Ce sera le deuxième point de la réflexion.

A. Tout d’abord, voyons quelles sont les dispositions intérieures des apôtres ici – Paul, Barnabas et Silas.
Déjà, il est évident, malgré leur dispute, que leur cœur est bien disposé, et plein de foi. Le désir de servir Dieu et celui de suivre sa volonté sont des préoccupations de chaque instant pour eux. Les choix de Paul sont fondés sur son appel à annoncer l'Evangile. C’est important : la recherche de la volonté de Dieu ne peut se faire que dans une relation intime avec Jésus, dans une vie fondée sur la foi en lui. Voilà d'ailleurs ce qui rend Paul exigeant dans ses choix, en ce qui concerne Marc par exemple, comme il est exigeant dans sa relation à Dieu.
Pas de techniques ici, rien d'automatique, qui dépendrait seulement de rites, d'un nombre d'heures passées dans la prière par exemple, ou d'une façon de prier ou de chanter.
Du fait de ce désir d'obéir aux commandements de Dieu, tous ici agissent et réfléchissent dans le cadre de la Loi, des textes sacrés, de la Révélation - même s’il y a des désaccords. Paul notamment, qui a été l’élève de Gamaliel, un spécialiste des écritures réputé, connaît très bien la Bible hébraïque. Ces textes sont toujours là, en toile de fond, pendant leurs réflexions et dans leurs choix.
C’est un autre cadre déterminant pour prendre des décisions conformes à la volonté de Dieu : l'essentiel de cette volonté nous est déjà connu, c'est sa Loi, c'est l'Evangile, c'est l'enseignement de Jésus dans le sermon sur la montagne. Si nous orientons notre vie en fonction de Sa Parole, nous sommes assurés de marcher « selon sa volonté ». Du coup, mieux je connais la Parole de Dieu, plus je saurai faire des choix en accord avec la volonté de Dieu.
L'inverse n'est pas possible : Dieu ne révèle pas son chemin à ceux qui refusent d'entendre Sa Parole.

B. Certes. Mais que faire quand la confusion l'emporte, où nous nous heurtons à l'opacité des choses, à des « vides juridiques » de la Parole ? Dans le cas de Paul, comment discerne-t'il la volonté particulière de Dieu pour son ministère ? Où aller ? Le monde est immense ! Pourquoi ici plutôt que là ?
Ici nous entrons dans un processus complexe, et le texte présente plusieurs éléments qui se croisent, se complètent…

Déjà, il y a le bon sens, la réflexion, l’analyse intelligente de la situation. Le voyage est à l’initiative de Paul, qui lance l’idée : (v. 36 « partons refaire le tour de toutes les villes…. »). Quoi de plus logique ? Retourner voir les églises, faire le point avec elles… C’est une logique que tout conducteur de projet connaît bien : évaluation et accompagnement, discernement des besoins… Paul a-t-il « senti » que c’était la volonté de Dieu ? Le texte ne le dit pas. Mais les jeunes églises ont besoin de soutien, cette évidence suffit et il part, avec la bénédiction de Dieu ! Paul prévoit, pèse les conséquences à long terme de ses décisions, le pour et le contre… N’oublions pas qu’il a reçu une solide éducation.
De nombreuses décisions dans les chapitres 15, 16 sont prises ainsi, après une bonne discussion, où chacun expose son avis. « Paul estimait que… » , « Il ne semblait pas raisonnable à Paul… » V. 38 : Barnabas a un avis, Paul un autre, et ils décident de se séparer. Et l’œuvre de Dieu avance à travers cela.

L’avis des autres croyants est un facteur important, aussi. Quand Paul décide d’emmener Timothée, il se base sur l’avis des « frères » qui « disaient beaucoup de bien de lui ». Si l’Esprit n’inspire une conviction qu’à un seul frère… cela fait réfléchir.

C. Un autre élément apparaît au verset 6 chap. 16 : « 6Empêchés par l'Esprit saint de dire la Parole en Asie, ils passèrent par la Phrygie et le pays galate. 7Arrivés près de la Mysie, ils tentaient d'aller en Bithynie ; mais l'Esprit de Jésus ne le leur permit pas. 8Ils longèrent alors la Mysie et descendirent à Troas. »
A quoi Luc fait-il allusion ici ? Il est à noter que c’est le seul emploi de l’expression « l’Esprit de Jésus » dans le NT. Mais comment concrètement interpréter cela ? Peut-être y a-t-il eu, dans cette région, des difficultés imprévues qui les ont fait changer de direction. Il peut arriver que le St Esprit entrave nos projets ou modifier notre orientation en cours de route.
L’explorateur et missionnaire Livingstone voulait partir pour la Chine, mais il trouva sur la route la guerre entre la Chine et l’Angleterre. Il se tourna alors vers l’Afrique… N’était-il pas dans la volonté de Dieu en se dirigeant vers la Chine ? Sans doute. Et pourtant !
Les exemples de ce type ne manquent pas, et pourtant, il ne s’agit nullement d’en faire une règle ! Si nous nous arrêtons à la moindre difficulté… !! Mais celles-ci peuvent être aussi des occasions de réfléchir, d’approfondir nos motivations.

Il faut dire aussi un moment d'un élément plus spectaculaire, le songe de Paul. Paul fait un rêve qu’il interprète comme étant une révélation directe de la volonté de Dieu.
Faire de l’expérience de Paul une règle universelle serait une erreur. On peut noter que ce type d’intervention directe est assez rare dans le NT. Bien sûr, Dieu agit comme il le souhaite. Bien sûr il peut nous donner la conviction de faire ceci ou cela. Rappelons simplement que nous sommes appelés à marcher par la foi, avec intelligence et non par les sentiments seulement, et que cet aspect de la recherche de la volonté de Dieu ne doit pas être coupé des autres : le bon sens, la réflexion, l’avis des frères, etc. > danger de tout ou trop spiritualiser les choses. Il s'agit pas d'annuler notre volonté pour faire celle de Dieu, mais de mettre notre volonté, et notre intelligence, au service de Dieu.

Un jour, une jeune fille prit un de mes amis à part et lui dit : « Dieu m’a dit que nous devions nous marier. J’en ai reçu la conviction ». Mon ami, qui, de son côté, n’avait pas été contacté par le Seigneur à ce sujet, eut bien du mal à faire entendre raison à cette pauvre fille. Forcément, quand on est amoureux on est prêt à voir des signes partout ! On est dans la caricature mais que cela nous appelle à la vigilance. Quand nous « avons le sentiment » que telle voie est la bonne, demandons-nous pourquoi nous avons ce sentiment, obligeons nous à donner nos raisons et allons en parler à quelqu’un dont le jugement nous inspire confiance.
Idem si nous pensons recevoir des « révélations » spéciales.
« Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur… regarde si je suis sur une mauvaise voie et conduis moi sur la voie de l’éternité ». Nous ne nous méfierons jamais assez de nous-mêmes.

Pour résumer, ce qu'on peut retirer de l'exemple des apôtres ici, c'est que le discernement de la volonté de Dieu dépend d'abord de notre relation avec lui, de la qualité de notre communion, de notre soumission - cela dépend de la disposition de notre cœur : il s'agit d'abord de connaître les commandements de Dieu et d'essayer de les mettre en pratique au quotidien sincèrement  Faire la volonté de Dieu c'est d'abord faire ce qu'il nous demande explicitement : l'aimer, aimer notre prochain.
Vivons cela, déjà.
Il s'agit aussi de ne pas mépriser notre propre volonté, nos désirs, nos idées et de faire comme si la voie allait forcément apparaître depuis l'extérieur, sous forme de révélation dans les événements. Quelqu'un a dit ainsi qu'il fallait d'abord « évangéliser » notre volonté, c'est à dire tout faire pour imprégner notre réflexion de l'Evangile, jusqu'à vouloir ce que Dieu veut, et cela implique de se nourrir de la pensée de Dieu, par la lecture de la Bible, et de rester humble et motivé en même temps !
Finalement, quand nous nous demandons quelle est la direction que Dieu veut que nous prenions, la meilleure chose à faire, c’est sans doute d’avancer dans la prière, la soumission, et surtout la confiance. Quand j’étais adolescent, j’avais plus ou moins dans la tête que ce Dieu allait me demander serait forcément en contradiction avec ce que j’avais envie de faire. Quelle drôle d’idée ! Dieu nous aime, il veut notre bien. Il nous redit sans cesse son amour et nous encourage à avancer sans crainte. Il nous a aussi accordé des capacités, des dons, et sa première volonté est que nous les utilisions pour le servir  !
Mieux vaut une action en partie mal dirigée, mais entreprise vaillamment, que cette sorte de « crainte de sortir de la volonté de Dieu » qui nous laisse les bras ballants dans l’attente d’un ordre de Dieu.
Je finirai sur une citation tirée du livre d’Esaïe 30 : 21 : « Quand vous irez à droite, ou quand vous irez à gauche, vos oreilles entendront derrière vous la voix qui dira : « c’est ici le chemin, suivez-le ». Par quelle voie la voix nous parvient-elle ? Ce n’est pas dit. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle sera là, et c’est aussi qu’il faut d’abord se mettre en route pour l’entendre...
Amen

Prière.
Père Eternel,
Tu connais ma vie, les choix que je dois faire, mes rêves et mes envies.
Je te prie comme David : « Apprends-moi à faire ta volonté ». Que ta volonté soit faite dans ma vies.
« Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ».
Que je t'aime de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon esprit en dirigeant vers toi tous mes élans ; en cherchant toujours ta gloire et non la mienne ; que je t'aime de toutes mes forces en dépensant toutes mon énergie au service de ton amour. 
Que j'aime mes proches comme moi même.
Que ton Esprit éclaire pour moi Ta Parole. Je veux penser, agir, aimer, toujours plus comme Jésus-Christ, mon sauveur. Que ma volonté soit toujours plus conforme à la tienne, afin que ma vie te glorifie.

Au nom de Jésus, ton fils
Amen






dimanche 7 décembre 2014

« Que ton cœur ne se précipite pas pour exprimer une parole devant Dieu! En effet, Dieu est au ciel, et toi sur la terre » (Ecclesiaste 5.1).


Le silence de la confiance

« Heureux, écrivait Charles Péguy, deux amis qui s'aiment assez pour se taire ensemble ».
« Je vous ai appelés amis... », a dit aussi Jésus (Jean 15.15). Mais quel type d'amis sommes-nous pour lui ? De ceux qui, trop bavards, ne laissent pas l'autre respirer ? De ceux qui parlent sans écouter ?
Avouons-le : lorsque nous nous mettons à l'écart, pour prier, nous avons facilement tendance à tenir de longs discours, de faire d'abondantes prières - et c'est vrai que la Parole nous y autorise.
Psaume 62 : "En tout temps, peuples, confiez-vous en lui, Répandez vos coeurs en sa présence ! Dieu est notre refuge."
Il faut bien reconnaître aussi que c'est bien souvent la seule façon de prier que nous connaissions dans nos Eglises.
Mais savons-nous être aussi de ces amis qui savent se tenir devant Jésus-Christ, dans le silence, juste pour être dans sa présence ? Sans rien demander ? Sans rien attendre d'autre que lui et lui seul ?
Le silence fait souvent peur aujourd'hui. Pourtant il est d'une grande fécondité, pour peu qu'on ose dépasser l'angoisse qu'il peut susciter au premier abord.
Oui, devant Dieu il y a place aussi pour un silence qui n'est pas indifférence mais simple joie d'être ensemble ; un silence plein, le silence de la confiance. Quand celle-ci est établie entre deux êtres, « ils n'ont plus besoin de se parler tout le temps, car ils ne craignent plus que l'autre profite du silence pour être infidèle, pour s'échapper au loin. Oser le silence, c'est oser laisser l'autre libre, renoncer à le capturer, à le posséder par la parole »1.
Nos paroles peuvent parfois masquer un malaise, ou la crainte de mal faire... Mais on peut aussi prier sans parler. Dans un silence qui fait grandir, silence de la confiance, de l'humilité, silence de l'écoute, de l'attention à celui qui est là, « dans le secret », et qui s'y rend accessible. Osons nous présenter ainsi devant le Seigneur, nul doute que notre disponibilité le réjouira !



1J.M. Gueulette, Laisse Dieu être Dieu en toi, Ed. Du Cerf, 2002, p.30


1. Texte du dimanche 7 décembre : Éphésiens 1. 15-23

Vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, la bonne nouvelle de votre salut, en lui, vous êtes venus à la foi et vous avez été scellés de l'Esprit saint qui avait été promis... 15C'est pourquoi moi aussi, ayant entendu parler de votre foi dans le Seigneur Jésus et de votre amour pour tous les saints, 16je ne cesse de rendre grâce pour vous : je fais mention de vous dans mes prières, 17afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père glorieux, vous donne un esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse connaître ; 18qu'il illumine les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son appel, quelle est la glorieuse richesse de son héritage au milieu des saints, 19et quelle est la grandeur surabondante de sa puissance envers nous qui croyons, selon l'opération souveraine de sa force.

20Il l'a mise en œuvre dans le Christ, en le réveillant d'entre les morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, 21au-dessus de tout principat, de toute autorité, de toute puissance, de toute seigneurie, de tout nom qui puisse se prononcer, non seulement dans ce monde-ci, mais encore dans le monde à venir. 22Il a tout mis sous ses pieds et l'a donné comme tête, au-dessus de tout, à l'Eglise 23qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous.



1. Questions pour l'étude en groupe, la réflexion personnelle...

Les Ephésiens : quels sont les sujets de prière de Paul pour eux.
Le verset 17 signifie-t-il que les Éphésiens ne connaissent pas Dieu ? Expliquez.
À quelle espérance ont-ils été appelés ?
De quel héritage s’agit-il ?

Jésus-Christ
Qu’est-ce que Jésus a reçu de Dieu ?
Qui domine-t-il d’après ses propres paroles en Matthieu 28.18 ? d’après le Psaume 8.7 ?
Christ est-il souverain dans le monde actuel ?


Est-ce que je laisse Jésus dominer sur moi ? sur tous les aspects de ma vie ?
Qu’est-ce qui l’empêche de le faire ?



Jésus, roi des rois
Matthieu 28. 18 : « Jésus, s'étant approché, leur parla ainsi : Tout pouvoir m' a été donné dans le ciel et sur la terre ». 
Quelles remarques, quels sentiments, quelles interrogations.. vous viennent à la lecture de cette déclaration de Jésus ? 
Comment comprenez-vous la royauté de Jésus sur votre vie ?  


2. Prédication du dimanche 7/12/14

Éphésiens 1. 15-23

L'Evangile pour la vie de tous les jours



Pour commencer, prenons juste un instant pour répondre à cette question : qu'est-ce que l'Evangile pour nous ?
C'est à dire : que mettons-nous derrière ce mot « Bonne Nouvelle » dont on parle si souvent - la « Bonne Nouvelle », cette expression inscrite sur la façade de tant d'églises « évangéliques » justement ? Quelles représentations, quelles attentes, quelle espérance ?

J'ignore ce que vous avez répondu dans votre fort intérieur. Mais est-ce que cette réponse sonnait vraiment comme une « Bonne Nouvelle » pour vous - une nouvelle suffisamment puissante pour changer votre vie, et donner une raison valable de se lever, chaque jour ?
Une des questions à laquelle nous nous heurtons souvent, dans notre parcours de foi, est : en quoi l'Evangile est-il une « Bonne Nouvelle » pour nous, au quotidien ?

Souvent, il semble que le considérions simplement comme une simple porte d'entrée vers la vie éternelle : quelque chose dont on n'a besoin que pour être sauvé. Comme si l'Evangile ne s'adressait qu'aux non-croyants. Une fois que vous êtes chrétiens, vous n'en avez plus du tout besoin sauf pour le partager avec les non croyants qui se trouvent encore dehors, qui n'ont pas encore franchi la porte.
Mais cela signifie-t'il qu'une fois rentré, il n'y a plus de « Bonne Nouvelle » pour nous, pour la suite du chemin ? Que ça s'arrête là ? J'ai été interpellé cette semaine par le constat suivant, fait par un pasteur  : beaucoup de chrétiens, « sous la surface de leur vie, se débattent avec la culpabilité et un sentiment d'insécurité... pour se sentir acceptés par Dieu, et essayer de se rassurer, ils invoquent leur sincérité, une ancienne expérience de conversion, ou bien de récentes bonne actions - ou tout simplement le fait qu'ils désobéissent relativement rarement, et qu'ils ne sont donc pas si mauvais »1.
Cela correspond-il à une réalité de notre vie ? Est-ce là le seul effet produit par la Bonne Nouvelle de l'Evangile ? Il semble qu'il manque quelque chose - mais quoi ?

Pour répondre à cette question, je vous invite à méditer ensemble un passage de le lettre de Paul aux Éphésiens. Dans ce passage, l'apôtre Paul n'utilise pas le mot « évangile », mais ce qu'il expose ici en constitue le cœur vivant. La Bonne Nouvelle, dit Paul ici, est qu'en Jésus-Christ, établi Roi sur toutes choses, Dieu met en œuvre sa puissance pour nous sauver - une puissance qui nous rejoint, nous secours, nous porte au quotidien.

On le voit dès le verset 14 : les gens à qui Paul s'adresse ici sont des croyants sincères. L'apôtre a entendu parler de leur foi, de leur amour et il se réjouit de cela. Mais même s'ils sont déjà croyants, Paul prie que Dieu les éclaire et qu'il se « fasse connaître à eux ». Parce qu'il ne faut pas qu'ils restent simplement à la porte, mais puissent vraiment entrer dans le grand projet de Dieu pour eux. Pour cela il leur faut bien comprendre quelle est la portée de l'Evangile dans lequel ils ont cru.
Ainsi Paul prie « afin qu'(ils sachent) quelle est l'espérance qui s'attache à son appel ». Qu'ils sachent en quelque sorte tout ce que contient vraiment le don que Dieu leur a fait. Vous savez, parfois quand les enfants sont petits, ils préfèrent jouer avec l'emballage cadeau qu'avec le jouet que vous avez chèrement payé... Il me semble que souvent, nous fassions la même chose avec l'Evangile, en ne gardant que l'emballage, la couche superficielle, sans ouvrir complètement la boîte pour voir quelle espérance glorieuse Dieu nous offre.
Cette première partie du message de l'Evangile, nul doute que les Éphésiens l'avaient reçue ; ils avaient compris que leur péché les séparait de Dieu et qu'aucun de leurs efforts n'y changerait rien. Que coupés de Dieu, source de toute vie, ils ne pouvaient que se débattre avec toutes les forces de mort présentes dans ce monde.
Ils avaient alors cru la nouvelle surprenante selon laquelle Dieu a décidé, d'une façon totalement libre, de venir les sortir de là. Comment ? Dans son amour extravagant et extraordinaire, le Fils de Dieu est venu en chair. Jésus, pleinement homme et pleinement Dieu, a vécu la vie que nous aurions dû vivre, en parfaite communion avec Dieu. Il a subi la mort que nous méritions. Et Dieu l'a ressuscité, attestant ainsi tout ce qu'il avait dit à propos de sa vie et de sa mort.
Cette porte d'entrée de l'Evangile, les Éphésiens l'ont franchie, recevant le pardon de leurs fautes et la vie éternelle. Mais il leur faut aller plus loin pour vivre pleinement la Bonne Nouvelle.
Voilà pourquoi, dans cette prière, Paul leur rappelle qu'être enfant de Dieu, c'est aussi prendre conscience de toute la portée du don extraordinaire qui leur a été fait. Paul continue en ouvrant des perspectives vertigineuses : il y est question de « glorieuse richesse de son héritage », de « la grandeur surabondante de sa puissance envers nous qui croyons, selon l'opération souveraine de sa force ». On y voit Jésus placé à la droite de Dieu, dominant sur toutes choses - « Il a tout mis sous ses pieds », dit Paul.
Nous pouvons nous sentir dépassés par ces réalités, et bien loin de tout cela. Et pourtant, là est le cœur de l'Evangile, vers lequel il leur faut aller : Dieu travaille en chacun de nous avec la même puissance de vie qui réveillé le Christ de la mort et l'a établi comme chef suprême.
En Jésus, le Roi, Dieu a déployé « la grandeur surabondante de sa puissance envers nous qui croyons ». Après avoir passé la porte du salut, voilà où nous devons puiser la force de continuer le chemin, et puiser cette force pour tous les défis de notre vie.
J'ai lu récemment un livre intitulé « l'Evangile pour la vraie vie : se tourner vers le pouvoir libérateur de la croix... chaque jour » (J.Bridges, The Gospel for Real Life). C'est bien de cela qu'il s'agit.


La première, c'est que la Bonne Nouvelle serait une sorte d'information sur une manière de vivre : «  j'ai une bonne nouvelle :sur le marché des spiritualités, il y a un nouveau produit qui s'appelle l'évangile, je te conseille d'essayer, tu verras ça fait du bien ».
L'Evangile serait ainsi une sagesse, une sorte de nouveau code moral valorisant l'amour. Mais on comprend bien qu'en rester là c'est agir comme si Jésus était encore mort. Tout ce qui resterait de lui seraient des conseils de vie à appliquer le moins mal possible.
C'est ainsi par exemple que le très respectable Frédéric Lenoir présente le message de l'Evangile, en parallèle avec l'enseignement de Socrate et de Bouddha. Il y a dans tout cela des choses passionnantes et justes, mais l'Evangile se retrouve coupé de Jésus-Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu, et dont la puissance se déploie pour nous sauver au quotidien.
Ainsi, c'est bien de savoir qu'il faut aimer ses ennemis, mais où trouve-t'on les ressources pour le faire, sinon en Jésus-Christ seul ?
Une autre conception, très répandue, fait de la Bonne Nouvelle la réponse de Dieu à nos seules attentes de la vie présente. On voit d'abord l'Evangile comme un moyen de se « sentir bien », de se « déculpabiliser », de répondre à ses problèmes immédiats.
C'est l'approche de cette église qui promet, dans sa communication : « chez nous, vous pourrez vous faire de nouveaux amis, entendre des messages positifs et pratiques qui vous feront du bien, vous apprendrez à vous accepter, à vaincre la dépression, à mener une vie de succès et de bonheur, à gérer votre argent et à surmonter le stress... ».
Ne me demandez pas l'adresse, s'il vous plaît ! Tout n'est pas faux bien sûr mais c'est l'angle d'attaque qui pèche.
Force est de constater qu'influencés par notre culture, où l'Ego règne en maître, on aborde facilement le message de Christ en se demandant : « qu'est-ce que ça peut m'apporter ?  En quoi ça répond à mes problèmes ? En quoi est-ce une bonne nouvelle pour mes finances, pour ma vie de famille...
La question est légitime, et même incontournable, et il est tout à fait exact que Dieu a promis de prendre soin de ses enfants. « Votre père sait ce dont vous avez besoin ».
Mais combien de nos prières sont d'abord des requêtes, l'expression de l'attente d'une intervention divine dans nos réalités, dans nos problématiques ? Dieu ne nous appelle-t'il pas à une relation bien plus riche, plus profonde ?
L'Evangile est bien plus que cela. « Nous ne pouvons le réduire de sorte qu'il épouse la forme de nos besoins et de nos désirs, car il nous transporte au-delà de notre vécu et de nos relations personnelles »2. Il nous transporte au-delà de nous mêmes, de nos capacités, de nos visions limitées - il nous ouvre à « la glorieuse richesse de l'héritage de Dieu », à la « grandeur surabondante » de la puissance de Dieu envers nous.
La Bonne Nouvelle, c'est qu'une fois la porte franchie, nous ne sommes pas laissés seuls avec de nouveaux commandements à suivre (aime ton prochain, tend l'autre joue...) - qui est capable de faire cela par ses propres forces ?!
La Bonne Nouvelle, c'est que nous ne sommes pas condamnés à vivre toute notre vie sur le souvenir d'une expérience de conversion passée, nous ne sommes pas réduits à gérer seuls nos mauvaises pulsions, à nous débattre avec nos péchés récurrents. Après avoir reçu de Dieu la promesse du salut, il nous faudrait faire la partie pratique nous-mêmes, et tuer le péché dans nos vies par nos seuls forces !!

La Bonne Nouvelle c'est que Dieu travaille en chacun de nous avec la même puissance de vie qui réveillé le Christ de la mort et l'a établi comme chef suprême.
Jésus, le roi, a brisé la puissance de la mort et par la puissance de son Esprit il est possible de changer ! Même si nous sommes abîmés et blessés par toutes les conséquences du péché, nous possédons une espérance qui ne trompera jamais. Un adolescent peut modifier son comportement. Une amitié brisée peut être restaurée. L'amertume peut laisser place à la joie, l'addiction et la peur peuvent être vaincue. Une personne complètement centrée sur elle -même peut devenir un serviteur altruiste. Le pardon est possible - parce que Jésus le Roi est venu, et qu'il règne aujourd'hui sur tout ce qui existe.

Voilà l'Evangile pour la vie de tous les jours, ce que nous avons besoin de nous prêcher à nous-mêmes tous les matins au réveil.

Tout cela nous semble-t'il trop grand pour nous ? Rassurons-nous : si le projet est grandiose, il s'opère dans la douceur et la discrétion au cœur même de nos réalités humaines - car c'est là, et nulle part ailleurs, que Jésus, Dieu fait homme, nous a rejoints, et c'est là qu'il veut agir.
Ce Roi de la gloire a un visage humain, celui que nous découvrons en lisant les Evangiles. Nous découvrons ainsi que c'est en commençant par nos cœurs qu'il a choisi de redresser nos vies. C'est là qu'il déploie sa puissance dans nos vies pour nous rendre semblables à lui - penser, agir, aimer, toujours plus comme toi.

Ainsi, voilà la Bonne Nouvelle à laquelle Paul a consacré sa vie. Cette Bonne Nouvelle dont il dit, au début de l'épître aux Romains, qu'elle «  est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit ».
Chacun est fermement invité à ouvrir les yeux sur cette réalité grandiose... à s'examiner, et à reprendre espoir !

Car c'est bien là ce qui nous intéresse, n'est-ce pas ? Comment puis-je expérimenter cette puissance de la résurrection dans ma vie quotidienne ?

Je crois que ce texte nous enseigne entre autres à prier en tout temps. A nous tourner vers Christ même pour des choses qui nous paraissent banales.
Un conflit avec des collègues mine votre estomac. Médisance, a priori injustes... Vous avez essayé de dialoguer, d'expliquer - en vain. Jésus vous demande d'aimer ces gens, mais franchement, est-ce possible ? Et s'il n'attendait de vous, tout simplement, qu'une abdication confiante ?
« Seigneur, tu vois ce que je vis, je reconnais que je n'y arrive pas, prends la situation en main. Que ton Esprit me vienne en aide, m'éclaire, qu'il manifeste ta gloire dans mon attitude. Change ma façon de voir ces gens... ». Priez que Dieu « illumine les yeux de votre cœur, afin que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son appel.. et quelle est la grandeur surabondante de sa puissance envers (vous) ».

Priez comme prie quelqu'un qui n'a pas d'autre espoir que Dieu et compte sur sa force seule pour vivre.
Oui, pour ne pas rester à la porte de l'Evangile, reconnaissons, devant ce Roi glorieux, que nous n'y arrivons pas. Et saisissons ce don qu'il nous fait.
Soyons en assurés, le seul désir de Dieu est de nous sauver. Il mettra en œuvre toute sa puissance de résurrection pour que sa gloire soit manifestée dans votre vie.

«  20A celui qui peut, par la puissance qui est à l'œuvre en nous, faire infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, 21à lui la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, à tout jamais. Amen ! »

1R. Lovelace
2P.D. Tripp, Instruments dans les mains du Rédempteur, p. 20

mercredi 3 décembre 2014

Luc 9.1-17 : "Donnez leur vous même à manger" (dimanche 16 novembre 2014)



Cette semaine, j'ai cru comprendre que la proposition d'accueillir chez nous des chrétiens de Syrie avait créé un certain émoi... C'est vrai qu'il n'est pas facile de se retrouver ainsi en tension entre notre désir d'être fidèles à Christ, d'être une bénédiction pour les autres, et les exigences de la réalité familiale, économique, matérielle. Pas facile de prendre soudain conscience de l'étendue des besoins, en même temps que de nos craintes et de nos limites.

Je pense que nos amis de l'aumônerie connaissent bien cela. Tant qu'on reste dans la théorie c'est facile. Mais dans les Evangiles Christ ne cesse d'appeler à un dépassement des pieuses intentions et à mettre en pratique l'amour « en action et en vérité ».

Où trouver alors la sagesse et la force pour suivre Jésus sur ce chemin, et être une bénédiction pour les autres ?

Au début de son livre « L'Autre Dieu », la théologienne Marion Muller-Collar, qui est aussi aumônière hospitalière, raconte comment, lors d'une de ses premières visites, elle a rencontré cette question. Elle qui partait avec de généreuses intentions s'est retrouvée soudain face à ses limites.
Là, au fond d'un couloir d'hôpital, en présence d'une personne âgée totalement désespérée, cette jeune diplômée a comprit que son désir de fidélité allait la mener plus loin qu'elle ne l'aurait voulu, sur des terrains totalement inconnus, où seul le Christ pourrait la guider.
« Il n'existe pas de formation universitaire qui prépare à l'impuissance », écrit-elle.
Elle était embarquée dans quelque chose qu'elle ne maîtrisait pas, et dont seul le Christ avait la clé.

En méditant le récit de la multiplication des pains, en Luc 9, il m'a semblé que les apôtres avaient aussi expérimenté quelque chose d'approchant.

(Lire Luc 9.1-17) 


Comment, comme disciple du Christ, sommes nous appelés à être une bénédiction pour les autres ? Où trouver alors la sagesse et la force ?

Dans cet épisode, c'est Christ lui même qui montre aux disciples la voie à suivre. Par ce commandement, « donnez-leur vous mêmes à manger », il les contraint à assumer leurs responsabilités, mais ce n'est pas pour les laisser seuls. Il s'agit de les amener plus loin ; leur relation avec lui doit les ouvrir sur les autres, pour qu'ils soient une bénédiction pour les nations.

Voyons cela rapidement.

Tout d'abord, il faut bien mesurer à quel point les apôtres ne sont pas préparés à ce qu'ils vont vivre. Malgré leur qualité éminente d'apôtres, ils ne sont pas tellement plus disponibles que nous pouvons l'être aux besoins des foules qui les entourent !


Ils sortent d'une période de victoire, où ils ont « proclamé le règne de Dieu et guéri des malades ». Les voilà de retour, heureux, émerveillés devant la puissance de Dieu mais aussi remplis d'assurance, en situation de maitrise. La maladie, la souffrance du monde n'est plus une fatalité, tout est possible, alleluia !

Voilà pourquoi ils sont impatients de raconter « tout ce qu'ils ont fait », et dont ils sont fiers. En même temps, on les imagine usés, fatigués ; ils ont beaucoup donné, ils aspirent au repos. Jésus comprend cela, puisqu'il les « prend avec lui » pour une sorte de retraite, « à l'écart », sans doute pour qu'ils se ressourcent. C'est légitime, bien sûr.
Et c'est justement là, au moment où ils comptaient souffler tranquillement dans la présence bienfaisante du Seigneur qu'arrive la foule et ses besoins immenses.

Voilà tous ces gens qui débarquent dans le lieu de retraite sans y être invités. 5000 personnes !!

Cette invasion accable sans doute les apôtres. Plus de contrôle sur la situation. Et puis ce n'est pas le moment, ils ne sont pas disponibles. Qui n'a jamais vécu cela ? Après avoir beaucoup donné, vous allez vous avachir sur le canapé, et là, le téléphone sonne... besoin d'une écoute... d'un secours urgent...

Ce n'est pas le moment, pas la bonne adresse. Trop fatigué, trop limité, allez voir ailleurs. Pourquoi ça n'arrive pas dans ces moments où on est bien disposé, le cœur prêt à aimer le monde entier ?!!

Pourtant ici, Jésus ne les ménage pas, et même si la foule s'est imposée, il décide que la rencontre doit avoir lieu, et que ses disciples doivent s'y impliquer.

L'Evangile de Matthieu dit que Jésus est « ému » à la vue de cette foule (Mt 14.14). Il en regarde pas à son propre besoin de ressourcement et il les « accueille », « guérit leurs malades ».

Notons que le mot grec traduit par « accueillir » évoque l'accueil favorable, positif, par un haut dignitaire. Ainsi le Fils de Dieu lui-même honore ces « petits » qui viennent à lui. Il se laisse joyeusement déranger, par amour.

Bel exemple.

Mais comment ne pas se sentir plus proches des apôtres dépassés par la situation ? D'abord envahis, les voilà ensuite confrontés à de nouveaux besoins qui les dépassent : le soir tombe, 5000 personnes, rien à manger : que faire ?

On devine leur réticence à donner davantage d'eux-mêmes : « à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple »- sous-entendu : ne compte pas sur nous pour le faire !

« Renvoie la foule », demandent-ils aussi à Jésus, signifiant clairement qui est de trop dans cette scène. Nous voulons rester tranquilles, avec toi, rester dans cette situation de paix et de victoire, où tout est simple.

Est-ce qu'il ne nous arrive pas de réagir de la même manière ? Suivre Jésus pour trouver la paix du cœur, l'épanouissement personnel, un sens, une communauté... bien sûr ! Mais aller plus loin ? Surtout dans ces moments où nos propres besoins envahissent l'écran, et où ceux des autres nous dérangent.

Pas seulement les besoins, visibles, des personnes qui mendient dans la rue, pas seulement ceux, dramatiques, de nos frères en Syrie ou en Irak, mais aussi ces besoins plus diffus que l'on devine autour de nous ; je pense à cet homme croisé à la caisse de LIDL, accroché à sa bière premier prix, avec ses mains qui tremblent. A ce collègue, en plein divorce, et qui maigrit à vue d'oeil. Et tant d'autres, plus discrets. Ici et là ces blessures, et ce même besoin d'attention, de sens, de relation - ce besoin de Dieu tout simplement.

Cette foule qui presse. Qu'est-ce que j'y peux, moi ?

Mais si nous sommes ses disciples, soyons assurés que Jésus, dans sa sagesse, viendra tôt ou tard nous pousser en avant, devant des gens affamés, en nous disant : « donnez-leur vous mêmes à manger». Nous ne serons pas forcément prêts ni disponibles, ce ne sera pas forcément le bon moment pour nous, mais ce sera celui que Dieu aura choisi.

Alors nous pourrons nous aussi résister et nous cacher derrière notre impuissance. Sans doute nous lui opposerons nos arguments rationnels : « mais Seigneur, c'est impossible ! Nous n'avons que 5 pains pour 5000 personnes ! Que pouvons-nous faire avec ça ? »

Nous pourrons écouter nos craintes et rester immobiles - ou l'écouter, lui, et entrer dans ces « œuvres bonnes qu'il a préparées d'avance afin que nous les pratiquions »1 - avancer pas à pas, sans trop savoir où ça nous mène.

Marcher un peu tremblant vers une chambre d'hôpital, sans avoir les mots ni l'assurance pour consoler. Frapper discrètement à la porte d'une chambrée, sans trop savoir comment on va être accueilli. Ouvrir notre porte à un frère inconnu, sans savoir ce qui va se passer. Donner nos cinq pains sans savoir s'il va nous en rester.

Dans toutes ces situations, c'est Jésus seul qui multipliera. Mais il demandera notre disponibilité, notre confiance, pour que la multiplication advienne.
Car bien sûr, dans le récit de Luc, il y a le miracle. A partir des cinq pains, « tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers de morceaux qui étaient restés ».

Il y aurait beaucoup à dire sur cet événement, bien sûr. Retenons simplement trois choses :
D'abord, Luc ne cherche pas à expliquer comment une telle multiplication est possible.

Ce qui compte pour lui c'est le résultat : il n'y avait que 5 pains et pourtant tous ont été « rassasiés » ! Dieu a répondu lui-même à la demande. C'est lui seul qui a pourvu, multiplié.
Ce qui compte aussi pour Luc, c'est que ça soit réellement arrivé, que Jésus soit véritablement celui peut nourrir « tout ce monde », et répondre aux besoins des hommes.

Enfin, il est certain que les disciples ne comprennent pas tout ce qui se joue à ce moment-là. Que ce miracle préfigure la Cène, et que Jésus lui-même est le pain qui va être rompu pour nous donner la vie. Ils ne sont sans doute pas conscients qu'en nourrissant la foule, Jésus accomplit les prophéties de l'Ancien Testament, et se révèle comme étant lui-même « le pain qui nourrit » (cf Jean).

Un pain qui nourrit en profondeur : « tous furent rassasiés ». Dans le monde hospitalier, il y a une réflexion sur la notion de « besoins » du patients - besoins qu'on catégorise selon qu'ils concernent le corps ou l'esprit - y figurent aussi les « besoins spirituels » auxquels les aumôniers sont appelés à répondre autant qu'ils le peuvent.

Ainsi Jésus veut rassasier à la fois le corps et l'âme, par le pain partagé avec celui qui a faim et aussi le pain de la Parole, qui restaure l'âme, qui fait entrer sur le chemin de la vie éternelle.

Donc les douze ne comprennent pas tout mais ce n'est pas grave : leur rôle ici est d'être témoins de l'oeuvre de Dieu dans ce monde, et serviteurs zélés du Royaume.

Il en est de même pour nous. Pour revenir à la question du début : où trouver la sagesse et la force pour suivre Jésus sur ce chemin, et être une bénédiction pour les autres ?

Rappelons nous que la force est seulement en Christ. Jamais il ne nous est demandé de multiplier le pain nous mêmes, de mettre en danger nos familles, notre santé... pour répondre à tous les besoins du monde, comme si nous étions le Messie.

Il ne nous est même pas demandé je crois d'être disponibles à tous les besoins de tous les gens. Nous avons aussi nos propres fardeaux et nos propres famines.

Parfois nous serons ces disciples appelés à distribuer le pain, et parfois nous serons la foule affamée qui a besoin d'être secourue et nourrie.

Souvent les deux en même temps, dans notre faiblesse.

Mais quelles que soient nos forces, Jésus nous demande avant tout d'être disponibles à lui, à ce qu'il nous appelle à vivre, dans la confiance, afin que l'abondance puisse advenir selon son plan. La sagesse est en lui.

Ainsi, on nous interpelle pour accueillir des chrétiens de Syrie. Des besoins sont exprimés pour renforcer les équipes de visiteurs hospitaliers : interrogeons-nous honnêtement, arrêtons nous, ne répondons pas « non » trop vite.

Car c'est Christ lui-même qui nous interpelle : « donnez leur vous-mêmes à manger ». Dans cet engagement, il sera notre force : c'est lui qui multipliera. Avec lui même notre faiblesse peut être féconde.

Christ est notre sagesse : aussi appliquons nous à discerner, par la Parole, dans la prière, les temps favorables, les opportunités, les gens que Christ nous demande de nourrir, ceux qu'il place sur notre route pour que nous leur ouvrions notre cœur.

Si nous partageons le peu que nous avons, nul doute que Christ pourra multiplier, et nourrir chacun en abondance.



PRIERE DE L'EGLISE PRIMITIVE :

Seigneur, ouvre mes yeux

Pour que je contemple ta splendeur et que je voie la détresse des hommes

Seigneur, ouvre mes oreilles

Pour que j‘accueille ta parole

Et que j‘entende le cri des malheureux

Seigneur, ouvre mes lèvres,

Pour que ma bouche célèbre ta louange

Et prononce des paroles justes.

Seigneur, ouvre mon cœur,

Pour que j‘aie beaucoup de place pour toi,

Et que je sois ouvert à tous.









1Ephésiens 2.10