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Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
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mercredi 3 décembre 2014

Luc 9.1-17 : "Donnez leur vous même à manger" (dimanche 16 novembre 2014)



Cette semaine, j'ai cru comprendre que la proposition d'accueillir chez nous des chrétiens de Syrie avait créé un certain émoi... C'est vrai qu'il n'est pas facile de se retrouver ainsi en tension entre notre désir d'être fidèles à Christ, d'être une bénédiction pour les autres, et les exigences de la réalité familiale, économique, matérielle. Pas facile de prendre soudain conscience de l'étendue des besoins, en même temps que de nos craintes et de nos limites.

Je pense que nos amis de l'aumônerie connaissent bien cela. Tant qu'on reste dans la théorie c'est facile. Mais dans les Evangiles Christ ne cesse d'appeler à un dépassement des pieuses intentions et à mettre en pratique l'amour « en action et en vérité ».

Où trouver alors la sagesse et la force pour suivre Jésus sur ce chemin, et être une bénédiction pour les autres ?

Au début de son livre « L'Autre Dieu », la théologienne Marion Muller-Collar, qui est aussi aumônière hospitalière, raconte comment, lors d'une de ses premières visites, elle a rencontré cette question. Elle qui partait avec de généreuses intentions s'est retrouvée soudain face à ses limites.
Là, au fond d'un couloir d'hôpital, en présence d'une personne âgée totalement désespérée, cette jeune diplômée a comprit que son désir de fidélité allait la mener plus loin qu'elle ne l'aurait voulu, sur des terrains totalement inconnus, où seul le Christ pourrait la guider.
« Il n'existe pas de formation universitaire qui prépare à l'impuissance », écrit-elle.
Elle était embarquée dans quelque chose qu'elle ne maîtrisait pas, et dont seul le Christ avait la clé.

En méditant le récit de la multiplication des pains, en Luc 9, il m'a semblé que les apôtres avaient aussi expérimenté quelque chose d'approchant.

(Lire Luc 9.1-17) 


Comment, comme disciple du Christ, sommes nous appelés à être une bénédiction pour les autres ? Où trouver alors la sagesse et la force ?

Dans cet épisode, c'est Christ lui même qui montre aux disciples la voie à suivre. Par ce commandement, « donnez-leur vous mêmes à manger », il les contraint à assumer leurs responsabilités, mais ce n'est pas pour les laisser seuls. Il s'agit de les amener plus loin ; leur relation avec lui doit les ouvrir sur les autres, pour qu'ils soient une bénédiction pour les nations.

Voyons cela rapidement.

Tout d'abord, il faut bien mesurer à quel point les apôtres ne sont pas préparés à ce qu'ils vont vivre. Malgré leur qualité éminente d'apôtres, ils ne sont pas tellement plus disponibles que nous pouvons l'être aux besoins des foules qui les entourent !


Ils sortent d'une période de victoire, où ils ont « proclamé le règne de Dieu et guéri des malades ». Les voilà de retour, heureux, émerveillés devant la puissance de Dieu mais aussi remplis d'assurance, en situation de maitrise. La maladie, la souffrance du monde n'est plus une fatalité, tout est possible, alleluia !

Voilà pourquoi ils sont impatients de raconter « tout ce qu'ils ont fait », et dont ils sont fiers. En même temps, on les imagine usés, fatigués ; ils ont beaucoup donné, ils aspirent au repos. Jésus comprend cela, puisqu'il les « prend avec lui » pour une sorte de retraite, « à l'écart », sans doute pour qu'ils se ressourcent. C'est légitime, bien sûr.
Et c'est justement là, au moment où ils comptaient souffler tranquillement dans la présence bienfaisante du Seigneur qu'arrive la foule et ses besoins immenses.

Voilà tous ces gens qui débarquent dans le lieu de retraite sans y être invités. 5000 personnes !!

Cette invasion accable sans doute les apôtres. Plus de contrôle sur la situation. Et puis ce n'est pas le moment, ils ne sont pas disponibles. Qui n'a jamais vécu cela ? Après avoir beaucoup donné, vous allez vous avachir sur le canapé, et là, le téléphone sonne... besoin d'une écoute... d'un secours urgent...

Ce n'est pas le moment, pas la bonne adresse. Trop fatigué, trop limité, allez voir ailleurs. Pourquoi ça n'arrive pas dans ces moments où on est bien disposé, le cœur prêt à aimer le monde entier ?!!

Pourtant ici, Jésus ne les ménage pas, et même si la foule s'est imposée, il décide que la rencontre doit avoir lieu, et que ses disciples doivent s'y impliquer.

L'Evangile de Matthieu dit que Jésus est « ému » à la vue de cette foule (Mt 14.14). Il en regarde pas à son propre besoin de ressourcement et il les « accueille », « guérit leurs malades ».

Notons que le mot grec traduit par « accueillir » évoque l'accueil favorable, positif, par un haut dignitaire. Ainsi le Fils de Dieu lui-même honore ces « petits » qui viennent à lui. Il se laisse joyeusement déranger, par amour.

Bel exemple.

Mais comment ne pas se sentir plus proches des apôtres dépassés par la situation ? D'abord envahis, les voilà ensuite confrontés à de nouveaux besoins qui les dépassent : le soir tombe, 5000 personnes, rien à manger : que faire ?

On devine leur réticence à donner davantage d'eux-mêmes : « à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple »- sous-entendu : ne compte pas sur nous pour le faire !

« Renvoie la foule », demandent-ils aussi à Jésus, signifiant clairement qui est de trop dans cette scène. Nous voulons rester tranquilles, avec toi, rester dans cette situation de paix et de victoire, où tout est simple.

Est-ce qu'il ne nous arrive pas de réagir de la même manière ? Suivre Jésus pour trouver la paix du cœur, l'épanouissement personnel, un sens, une communauté... bien sûr ! Mais aller plus loin ? Surtout dans ces moments où nos propres besoins envahissent l'écran, et où ceux des autres nous dérangent.

Pas seulement les besoins, visibles, des personnes qui mendient dans la rue, pas seulement ceux, dramatiques, de nos frères en Syrie ou en Irak, mais aussi ces besoins plus diffus que l'on devine autour de nous ; je pense à cet homme croisé à la caisse de LIDL, accroché à sa bière premier prix, avec ses mains qui tremblent. A ce collègue, en plein divorce, et qui maigrit à vue d'oeil. Et tant d'autres, plus discrets. Ici et là ces blessures, et ce même besoin d'attention, de sens, de relation - ce besoin de Dieu tout simplement.

Cette foule qui presse. Qu'est-ce que j'y peux, moi ?

Mais si nous sommes ses disciples, soyons assurés que Jésus, dans sa sagesse, viendra tôt ou tard nous pousser en avant, devant des gens affamés, en nous disant : « donnez-leur vous mêmes à manger». Nous ne serons pas forcément prêts ni disponibles, ce ne sera pas forcément le bon moment pour nous, mais ce sera celui que Dieu aura choisi.

Alors nous pourrons nous aussi résister et nous cacher derrière notre impuissance. Sans doute nous lui opposerons nos arguments rationnels : « mais Seigneur, c'est impossible ! Nous n'avons que 5 pains pour 5000 personnes ! Que pouvons-nous faire avec ça ? »

Nous pourrons écouter nos craintes et rester immobiles - ou l'écouter, lui, et entrer dans ces « œuvres bonnes qu'il a préparées d'avance afin que nous les pratiquions »1 - avancer pas à pas, sans trop savoir où ça nous mène.

Marcher un peu tremblant vers une chambre d'hôpital, sans avoir les mots ni l'assurance pour consoler. Frapper discrètement à la porte d'une chambrée, sans trop savoir comment on va être accueilli. Ouvrir notre porte à un frère inconnu, sans savoir ce qui va se passer. Donner nos cinq pains sans savoir s'il va nous en rester.

Dans toutes ces situations, c'est Jésus seul qui multipliera. Mais il demandera notre disponibilité, notre confiance, pour que la multiplication advienne.
Car bien sûr, dans le récit de Luc, il y a le miracle. A partir des cinq pains, « tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze paniers de morceaux qui étaient restés ».

Il y aurait beaucoup à dire sur cet événement, bien sûr. Retenons simplement trois choses :
D'abord, Luc ne cherche pas à expliquer comment une telle multiplication est possible.

Ce qui compte pour lui c'est le résultat : il n'y avait que 5 pains et pourtant tous ont été « rassasiés » ! Dieu a répondu lui-même à la demande. C'est lui seul qui a pourvu, multiplié.
Ce qui compte aussi pour Luc, c'est que ça soit réellement arrivé, que Jésus soit véritablement celui peut nourrir « tout ce monde », et répondre aux besoins des hommes.

Enfin, il est certain que les disciples ne comprennent pas tout ce qui se joue à ce moment-là. Que ce miracle préfigure la Cène, et que Jésus lui-même est le pain qui va être rompu pour nous donner la vie. Ils ne sont sans doute pas conscients qu'en nourrissant la foule, Jésus accomplit les prophéties de l'Ancien Testament, et se révèle comme étant lui-même « le pain qui nourrit » (cf Jean).

Un pain qui nourrit en profondeur : « tous furent rassasiés ». Dans le monde hospitalier, il y a une réflexion sur la notion de « besoins » du patients - besoins qu'on catégorise selon qu'ils concernent le corps ou l'esprit - y figurent aussi les « besoins spirituels » auxquels les aumôniers sont appelés à répondre autant qu'ils le peuvent.

Ainsi Jésus veut rassasier à la fois le corps et l'âme, par le pain partagé avec celui qui a faim et aussi le pain de la Parole, qui restaure l'âme, qui fait entrer sur le chemin de la vie éternelle.

Donc les douze ne comprennent pas tout mais ce n'est pas grave : leur rôle ici est d'être témoins de l'oeuvre de Dieu dans ce monde, et serviteurs zélés du Royaume.

Il en est de même pour nous. Pour revenir à la question du début : où trouver la sagesse et la force pour suivre Jésus sur ce chemin, et être une bénédiction pour les autres ?

Rappelons nous que la force est seulement en Christ. Jamais il ne nous est demandé de multiplier le pain nous mêmes, de mettre en danger nos familles, notre santé... pour répondre à tous les besoins du monde, comme si nous étions le Messie.

Il ne nous est même pas demandé je crois d'être disponibles à tous les besoins de tous les gens. Nous avons aussi nos propres fardeaux et nos propres famines.

Parfois nous serons ces disciples appelés à distribuer le pain, et parfois nous serons la foule affamée qui a besoin d'être secourue et nourrie.

Souvent les deux en même temps, dans notre faiblesse.

Mais quelles que soient nos forces, Jésus nous demande avant tout d'être disponibles à lui, à ce qu'il nous appelle à vivre, dans la confiance, afin que l'abondance puisse advenir selon son plan. La sagesse est en lui.

Ainsi, on nous interpelle pour accueillir des chrétiens de Syrie. Des besoins sont exprimés pour renforcer les équipes de visiteurs hospitaliers : interrogeons-nous honnêtement, arrêtons nous, ne répondons pas « non » trop vite.

Car c'est Christ lui-même qui nous interpelle : « donnez leur vous-mêmes à manger ». Dans cet engagement, il sera notre force : c'est lui qui multipliera. Avec lui même notre faiblesse peut être féconde.

Christ est notre sagesse : aussi appliquons nous à discerner, par la Parole, dans la prière, les temps favorables, les opportunités, les gens que Christ nous demande de nourrir, ceux qu'il place sur notre route pour que nous leur ouvrions notre cœur.

Si nous partageons le peu que nous avons, nul doute que Christ pourra multiplier, et nourrir chacun en abondance.



PRIERE DE L'EGLISE PRIMITIVE :

Seigneur, ouvre mes yeux

Pour que je contemple ta splendeur et que je voie la détresse des hommes

Seigneur, ouvre mes oreilles

Pour que j‘accueille ta parole

Et que j‘entende le cri des malheureux

Seigneur, ouvre mes lèvres,

Pour que ma bouche célèbre ta louange

Et prononce des paroles justes.

Seigneur, ouvre mon cœur,

Pour que j‘aie beaucoup de place pour toi,

Et que je sois ouvert à tous.









1Ephésiens 2.10

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