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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 27 juillet 2015

Prédication du 26 juillet 2015


1 Timothée 4.5-22
Sérénité et abandon confiant à Dieu :
Laisser nos « pourquoi ? » pour un « avec qui  ? »



Certains parmi vous connaissent peut-être la célèbre « prière pour la sérénité » : 
« Seigneur, accorde moi d’accepter avec sérénité les choses que je ne peux pas changer, 
le courage de changer celles que je peux changer, 
et la sagesse pour faire la différence ». 

Ces mots définissent assez bien l’état d’esprit de l’apôtre Paul à la fin de sa vie, dans le passage biblique de ce matin. 
Paul, juif converti envoyé par Jésus-Christ pour annoncer l’Evangile aux non-juifs, tout autour de la méditerranée, finit sa vie en prison, à Rome. Il a été arrêté parce qu’il parle de Jésus-Christ. 
Là, dans sa prison, il sent la fin approcher ; « le temps de mon départ est arrivé », écrit-il à Timothée, son fils spirituel, pour la dernière fois. 

Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situations, voilà Paul qui fait une sorte de bilan de sa vie. Et il repense à tout ce qu’il a vécu, à tous ces gens qu’il porte dans son coeur, aussi. 
Avec émotion. Mais aussi : dans la paix. 

Lecture du passage 

On le devine à la lecture, il y a de la tristesse dans l’air. Des blessures. 
Paul se sait proche de la mort, une mort injuste car il n’a fait qu’annoncer l’Evangile. Une mort comme un sacrifice à Dieu (« je suis déjà comme sacrifié »). Il sait aussi qu’il n’a pas fini son travail, qu’il reste tant à faire pour que « le message soit pleinement proclamé et entendu de toutes les nations ! » (v.17). 
Pourtant, nulle révolte. Nulle amertume. 

Dans le même temps, on est frappé par le nombre de personnes auxquelles Paul pense, tous ces gens cités ici que l’apôtre « porte en lui » ! Des amis, et des adversaires. Ceux qui l’ont béni- compagnons de route et de galère - et ceux qui l’ont blessé et se sont opposés à lui. 
On sent beaucoup de solitude chez cet homme actif qui s’est toujours entouré de nombreux collaborateurs. Mais pas de haine, même envers ceux qui l’ont abandonné alors qu’il avait besoin d’eux. Nulle amertume. Nul désir de vengeance. Même envers cet « Alexandre le forgeron » qui lui « a fait beaucoup de mal » (v.14). 
Oui, malgré la fin qui s’approche, malgré le souvenir de ses épreuves et la solitude qu’il éprouve, Paul est en paix. 
D’où cela vient-il ? Cela ne tient pas seulement à sa personnalité hors du commun.

C’est grâce à ce Dieu qu’il appelle « le Seigneur » : le centre, le point de départ et d’arrivée de sa vie.
Pour chaque sujet, Paul lui laisse le dernier mot. 

Le dernier mot quand la question du sens de la vie se pose  : qu’ai je fait, qu’ai je accompli ? Est-ce que ça valait la peine ? 
Réponse : oui, car c’est entre les mains de Dieu.
Comprenons bien : quand Paul fait ce bilan : « j'ai terminé la course, j'ai gardé la foi. 8 Désormais, la couronne de justice m'est réservée. Le Seigneur, le juste juge, me la remettra ce jour-là », sous-entendu quand je mourrai - il n’est pas en train de se vanter
Certes il fait allusion aux athlètes de l’Antiquité, qui à la fin de la course recevaient une couronne. Mais celle dont parle Paul n’est pas réservée aux plus forts ou aux premiers arrivés, c’est la consolation offerte gratuitement par Dieu à tous ceux qui aiment Jésus-Christ - « tous ceux qui auront attendu avec amour sa venue ». Paul, qui se considère comme un chrétien ordinaire, fait partie de ces gens. Il fait confiance à Dieu pour ce qui va lui arriver après la mort.  
Le dernier mot revient à Dieu aussi dans toutes ses relations avec les autres.
De fait, certains l’ont blessé, comme le fameux « Alexandre » ? Pas de désir de vengeance. « Le Seigneur le traitera conformément à ses actes » (v.14). Dieu le juste juge, là encore, qui sait ce qu’il fait. 
Certains de ses proches l’ont laissé tombé, et l’ont déçu ? « Qu’il ne leur en soit pas tenu compte ! » (v.16) 
Paul avait été jugé pour avoir annoncé l’Evangile et aucun chrétien de Rome n’était venu à son aide (v.16). Si un jour il a eu besoin ‘aide, c’était à ce moment-là, et tout le monde était parti ! Mais Dieu lui a donné son aide. « C'est le Seigneur qui m'a soutenu et fortifié afin que, par mon intermédiaire, le message soit pleinement proclamé et entendu de toutes les nations; c’est ainsi que j'ai été délivré de la gueule du lion » (v.17).
(La mention « la gueule du lion » n’est pas claire, mais elle suppose un danger réel). 

Ainsi, d’un bout à l’autre du passage, Paul parle avec amour de chacune de ces personnes, amies ou ennemies. 
Si Paul a pu aimer ces gens, c’est donc parce qu’il a remis toutes ces relations entre les mains de Dieu, il les a vécu avec Jésus et conscient qu’au final c’est lui qui s’occupe de tous ces gens. 
Si Paul a pu rester confiant dans tout ce qu’il a vécu, sans perdre la foi, c’est parce qu’il s’est accroché à Dieu, et pas aux circonstances ou à ses propres capacités. 

Finalement, dans ce moment de bilan, avant de quitter cette vie, ce ne sont pas des « pourquoi  ? » qui occupent Paul. Mais un grand : « avec qui  ?». 
Avec qui ? Avec le Dieu de Jésus-Christ, Dieu d’amour, Dieu juste juge, Dieu souverain et tout puissant mais Dieu proche, attentif, attentionné même. 
Dieu fidèle quand les hommes nous laissent tomber, et proche quand nos amis s’éloignent. 

D’une manière générale, l’attitude de Paul à la fin de sa vie est faite de confiance et d’acceptation des choses, quand elles  viennent de Dieu. 
Voir les choses ainsi- cela ne s’est pas fait tout seul - lisez le livre des Actes ! Naufrages, emprisonnements, menaces, exils et fuites nombreux. Cela a pris du temps, aussi : dans ses lettres on voit que le Paul du début, dans les lettres aux Thessaloniciens, n’est pas le même que celui qui écrit ici. 
Plus apaisé. Plein d’un « abandon confiant ».
Dans sa lettre aux Philippiens, au chapitre 4, Paul dit cela d’une autre manière : 
« J'ai appris à être satisfait de ma situation. 12 Je sais vivre dans la pauvreté et je sais vivre dans l'abondance. Partout et en toutes circonstances j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l'abondance et à être dans le besoin. 13 Je peux tout par celui qui me fortifie, [Christ] ».

Voilà en quelque sorte le « secret » de Paul : laisser peu à peu  ses « pourquoi  ? » pour un grand et beau « avec qui ? ». 
Avec qui ? Avec Dieu. 

« Je sais en qui j’ai cru », écrit-il au début de cette 2e lettre à Timothée, « et je suis persuadé qu'il a la puissance de garder le dépôt qu’il m’a confié jusqu'à ce jour-là ». 

Ainsi, voilà le « beau combat de la foi », de la confiance, qui nous fait tenir attaché à Dieu quoi que nous vivions.

Pas facile ! C’est sportif, en effet ! Un combat, une épreuve : «  j’ai achevé la course ». Comme un athlète qui tient bon jusqu’à la ligne d’arrivée. 

Parce que tout « abandonner » à Dieu et « accepter » ce qu’il nous donne de vivre, ça ne veut pas dire rester passif et subir. Au contraire ! [voir l'exemple de Martin Luther King présenté dans le film Selma : ce pasteur a accepté la mission qui lui était confiée mais a dû se battre jusqu’à la mort sans cesser de douter, sans cesser de prier pour que Dieu mène ce combat par lui, qu'il lui donne sa force]. 

Le philosophe Alexandre Jollien dit ainsi que « l'abandon, ce n'est pas la résignation, au contraire, c'est un engagement... Agir, c'est être là et avancer avec ce qui est. … Nous, nous perdons un temps considérable à nous demander : « si je fais ceci, qu’est-ce qui va se passer ? » ou « que va-t-on penser de moi ? Cela nous arrache au présent et à l'action, pour n'être plus que dans la réaction » (1)
En d’autres termes, nos « pourquoi » ont tendance à nous égarer. On se perd dans nos pensées et nos hypothèses alors que Dieu nous attend ici et maintenant, pour que nous vivions ce que nous avons à vivre, les pieds sur terre, avec lui. 
Quelqu’un a dit : « Dieu est réaliste et sa grâce n’agit pas dans l’imaginaire, l’idéal, le rêvé, mais dans le réel, le concret de l’existence » (2)

Revenons à Paul : s’il y a quelqu’un qui a vécu sa foi « dans le concret de l’existence », c’est bien lui ! Tous ses écrits sont des lettres en rapport avec des situations précises, sur le terrain
Et si Paul accepte effectivement ce que Dieu lui donne à vivre, il regarde bien les choses en face.Vous pensez bien que dans une situation désespérée comme celle de Paul dans sa prison, pas question de faire semblant ou de se raconter des jolies histoires pour se faire du bien ! 
C’est dans ce type de situation, quand la mort et la souffrance envahissent l’horizon, que l’on comprend si « Dieu » est pour soi une abstraction, une idée lointaine - ou un ami proche. C’est là que la relation est éprouvée - dans tous les sens du terme, comme une corde qui a prouvé sa solidité quand on s’y est accroché, mais qui a aussi été endommagée…
Avec Dieu, Paul peut regarder les choses comme elles sont, et rester en paix. Ainsi, il ne nie pas la réalité du mal. Le mal reste le mal et doit être combattu (voir l'exemple d'Alexandre le forgeron). Paul n’est pas naïf et dit expressément à Timothée de se méfier de cet homme. 

Avec Dieu, Paul peut écouter ce qui agite son coeur, et rester en paix. Cela l’autorise à dire simplement ce qu’il ressent. Devant les autres, on est souvent tenté de nier ce qu’on éprouve vraiment (« oh ! je ne suis pas très entouré, je souffre jour et nuit, mon compte en banque est vide mais ce n’est pas grave, j’ai le Seigneur ») - parce qu’on a peur de « manifester » un manque de foi. Mais si, il faut dire à Dieu : j’ai mal ! J’ai peur ! Je ne sais pas comment je vais m’en sortir ! Ainsi l’apôtre, sans flancher dans sa foi peut tout à fait exprimer sa solitude : « je suis seul, et j’ai besoin de vous ». 
« Tâche de venir avant l’hiver » (v.21) - ne me laisse pas seul trop longtemps. « J’ai besoin d’un manteau, j’ai besoin de mes livres, j’ai besoin de vous, mes amis… ». 

Car il marche avec Dieu. Dieu qui prend soin de lui. Dieu qui s’occupe de tout. 

Alors c’est vrai, comme le dit Louis Schweitzer, « nous ne pouvons comprendre les pourquoi et les comment mais nous pouvons (…) faire une confiance totale (au Seigneur) à cause de ce que nous savons de l’amour de Dieu. Il s’agit moins d’attendre que la vie soit un long fleuve tranquille que de changer notre regard en accueillant tout ce qui vient comme venant de Dieu dans ce qui se produit dans ma vie, d’agréable ou de moins agréable » (3).
Voilà le beau combat que Paul a mené : se battre dans la durée pour approfondir sa relation avec Dieu, et apprendre à lui faire confiance en toutes circonstances. 

Ce n’est pas de la théorie : c’est une expérience à vivre. Et quand Paul parle de Dieu, on sent qu’il parle d’expérience. C’est du concret. 
Paul s’appuie sur ce qu’il sait de Dieu. Fidèle, présent, aimant… 
Cela m’a fait penser à ce beau cantique traditionnel : « oh Jésus, je me repose sur ce que je sais de toi. Quelle merveilleuse chose, ton amour pour moi ».
Je me repose sur ce que je sais de toi. Je sais en qui j’ai cru. Avec qui je marche. 
Et nous ? combien de personnes portons nous sur notre dos ? Dans notre coeur ? Combien de soucis, de responsabilités ? De blessures, de colères et de rancoeur ? Combien de « pourquoi » ? 

Reposons-nous sur l’amour de Jésus. Abandonnons tout cela à Dieu, qui seul a le dernier mot. Osons croire que Dieu est Dieu - parfaitement juste. Parfaitement amour. Parfaitement fidèle. 

Laissons-nos « pourquoi » pour des « avec toi, Seigneur mon Dieu, mon Père ».
Avec toi, Jésus Christ, Fils de Dieu ressuscité, qui ma ouvert le chemin de la vie éternelle.
Avec toi, Esprit de Dieu, Souffle de Dieu, Esprit de vie. 

Voilà le beau combat de la foi que Paul nous encourage à mener ensemble. 

Sur ce chemin, « que le Seigneur soit avec votre Esprit. Que la grâce soit avec vous ! » (v.22)

Amen

(1) Alexandre Jollien, Petit Traité de l’Abandon
(2) J. Philippe, La liberté intérieure  
(3) L. Schweitzer, Les chemins de la vie spirituelle,  p.131

Prière : 
Seigneur, accorde nous d’accepter avec sérénité les choses que nous ne pouvons pas changer, 
le courage de changer celles que nous pouvons changer, et la sagesse pour faire la différence.
Garde-nous attachés à toi, près de toi.  
Apprends-nous à te connaître, toi notre Dieu. 
Dieu fidèle
Dieu amour
Dieu Père, Fils et Saint-Esprit
A toi seul la puissance et la gloire pour l’éternité.
Amen. 






lundi 6 juillet 2015

Prédication du 5 juillet 2015


 Marc 1.1-6
« Nul n’est prophète en son pays »



Nul n'est prophète en son pays : tout monde connait ce proverbe mais peu de gens savent qu'il parle de Jésus ou plutôt que Jésus se l'applique à lui-même.
Ce verset se trouve dans l'Évangile de Marc, 6.1-6, passage je voudrais méditer avec vous ce matin. C’est le texte d’aujourd’hui dans mon calendrier de lecture. 

La semaine dernière, nous avons évoqué le fait que Jésus lui-même avait vécu comme un étranger et un voyageur dans ce monde, sans même un lieu pour reposer sa tête - sans un « chez lui ». 
« Les siens ne l’ont pas reçu », dit l’Evangile de Jean. 

C’est précisément ce qui se passe dans ce récit de Marc. 

Jésus revient à Nazareth, la ville où il a vécu les trente premières années de sa vie, après un long séjour loin de chez lui. 
Depuis le début de l’Evangile de Marc, il est sur la brèche : il a commencé son ministère public, prêche, prie, guérit des malades et chasse des démons. Ses premiers miracles sont impressionnants : il a ressuscité la fille de Jairus, apaisé la tempête… !
Il a déjà appelé ses disciples, et c’est en leur compagnie qu’il arrive à Nazareth. Peut-être que ceux-ci sont émus de découvrir l'univers de leur maître, peut-être qu'ils se préparent à être accueillis avec chaleur, l'enfant du pays rentrant la maison. Ils envient peut-être ces gens qui ont eu la bénédiction de côtoyer le Seigneur si longtemps…
Mais ce n’est du tout ce qui va se passer.
Jésus ne se trouvera ni accueilli ni écouté. Il va se heurter à des coeurs incrédules, fermés à ce que Dieu veut leur dire. 

Nous lisons dans l'Évangile de Marc.

Marc 6.1-6

« Jésus ? On le connait ! C’est un gars de chez nous ! » 
Voilà peut-être ce qu’un Nazaréen interrogé à l’époque aurait dit du Seigneur. 
Ainsi Jésus n’est pas un étranger pour ceux qui sont rassemblés dans la synagogue de Nazareth ce jour là, il est connu comme le petit du charpentier, « celui qui est parti écouter Jean le Baptiste au désert. Depuis, on ne sait pas très bien ce qu’il a fait, mais des bruits circulent à son sujet. Il paraît qu’il parle bien. La rumeur prétend qu’il a fait des miracles ». On peut imaginer alors qu’il y a plus de monde que d’habitude à la synagogue : on est venu écouter ce que l’enfant du pays va dire. 

Et effectivement, à l’occasion du Sabbat  Jésus prend la parole. Tout homme parmi les juifs  pouvait ainsi lire le texte du jour et le commenter. 
Jésus proclame la Parole que Dieu adresse à ces gens rassemblés… mais ils ne la reçoivent pas. 
Marc dit que les auditeurs sont « ébahis »… le terme est fort. Ils sont frappés comme beaucoup d’autres avant eux (cf Marc) par la sagesse et « l’autorité » de Jésus (ex- housia : c’est quelque chose qui sort de lui, par l’Esprit). Mais impossible d’entendre ce qu’il dit car même si ils se posent la vraie question : « d’où cela lui vient-il ? », ils butent sur cette évidence : « on le connait !  Nous connaissons son père, sa mère, son atelier, ses soeurs, ses cousins et cousines ! ». 

Et Jésus se heurte à cette incrédulité, de ce manque de foi. Elle limite son action : « il ne pouvait faire là aucun miracle, sinon qu’il guérit quelques malades en leur imposant les mains »… « il s’étonnait de leur manque de foi » (v.6). 

Vous connaissez peut-être ce proverbe chinois qui dit : « quand on lui montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». 
Jésus le Nazaréen est comme ce doigt qui pointe le ciel. 
Les miracles qu’il a accomplis sont comme des doigts qui pointent vers le Dieu des miracles, le Dieu qui libère, le Dieu fidèle qui vient au secours de son peuple. 
Mais eux restent fixés sur ce fils de charpentier et sur le « comment fait-il ? D’où parle-t’il ? ». Ils focalisent sur lui, le porteur du message, au lieu d’écouter. Ils ont du mal à voir les choses autrement. 
Et il est frappant de voir que Marc ne dit rien du contenu de l'enseignement : celui-ci est escamoté chez les auditeurs qui ne voient que celui qui parle
En somme, ils n’arrivent pas à écouter Jésus parce qu’ils croient bien le connaître ! 
Un comble ! 

Cela illustre une vérité importante : quand on croit connaître, il devient difficile d’écouter, d’apprendre ! On croit tout connaître de l’autre. On croit tout connaître de Dieu. Et cela ferme notre coeur. 

A. Croire tout connaître de l’autre, d’abord. 

Les Nazaréens sont comme nous tous habitués à mettre les gens dans des cases. 
Peut-être vous souvenez-vous du sketch de l'école du dimanche pour la fête de Noël : on y voyait un peuple, les Grimich, dont l'occupation principale était de se coller des gommettes les uns sur les autres–des gommettes qui symbolisent les jugements prononcés sur les autres : « lui, il est comme ci », « elle, elle est comme ça ». 
Et puis l’affaire est réglée, on n’attend plus rien de la personne. 

Idem à Nazareth. Pour ceux qui ont connu la vie de village en particulier c'est encore très actuel ! On croit connaître les gens. Il y a des clans, des riches et des pauvres, chacun à sa place. 
Jésus le fils du charpentier est identifié de cette manière et on n’attend rien de spécial de sa part, sinon qu’il reste à sa place de charpentier. 
Mais il ne le fait pas : il prend la parole, sort du cadre, et cela insécurise les gens, bouscule trop leurs représentations… et ils se ferment. 

Voilà pourquoi Jésus dit que nul n'est prophète en son pays. Prophète, c’est à dire porteur d’un message de la part de Dieu. En cela, dès que nous témoignons d’une façon ou d’une autre de l’Evangile… nous sommes prophètes ! 

Alors oui, qu’il est difficile de témoigner dans sa famille ! Remarquez que Jésus parle aussi de  cela : « nul n’est prophète… dans sa famille et même dans sa propre maison ». On oublie souvent la fin de ce verset.  C’est l’expérience même de Jésus : les Évangiles nous révélent que dans un premier temps il n'a pas été reçu par sa propre famille ; nous avons déjà ici fait allusion à ces passages où l'on voit clairement que les parents de Jésus se demandent s'il n'est pas un peu devenu fou ; en tout cas ils le trouvent excessif ! « Qu’est-ce qui lui prend ? ». 
La vie de disciple est plus dure dans la famille, où les masques tombent. On ne peut pas se faire passer pour celui qu’on n’est pas. Nos proches ne sont pas dupes. 

[image crise de foi avec le masque : « tu peux arrêter de sourire, papa, on est à la maison »]. 

Et dans l’autre sens, la fermeture de coeur des Nazaréens nous alerte sur le danger qu’il y a à ne plus rien espérer de nos proches. A oublier que par la grâce de Dieu, tout le monde peut changer, s’ouvrir à l’amour, qu’aucun coeur n’est trop dur pour l’amour de Dieu. 

Quoi de plus enfermant que ces fameux « je te connais par coeur ! » ; « toi, faire ça ? Elle est bonne, celle-là ! Tu n’en as jamais été capable ! » Ou : « tiens ? D’où ça sort ? Tu n’as jamais été intéressé ? ». 
[dire « tu es.. » c’est comme « tuer »]

Si nous sommes de ceux que Dieu appelle à témoigner de l’Evangile dans une famille qui ne le connaît pas, ce texte nous encourage à rester confiants. Jésus ne s’affole pas, il continue à aimer ces gens, à leur faire du bien - le peu de bien qu’il peut, il est limité (cf texte) mais il le fait quand même. 
De même, si nous sommes responsables de notre témoignage - c’est- à-dire appelés à être cohérents avec nous-mêmes, à mettre en pratique l’amour que nous confessons - nous ne sommes pas responsables de la façon dont les autres vont recevoir nos actes et nos paroles. Cela, c’est la part de Dieu - et il agit, soyons en sûrs, d’autant plus si nous le laissons agir au lieu d’essayer de faire à sa place ! 
[interpellation personnelle]

En somme, quelle que soit notre situation, je crois que la réaction des Nazaréens nous invite à nous interroger : quel regard portons nous sur nos proches, sur ceux de notre « pays », de notre « maison » ? Croyons-nous encore en eux ? Les avons-nous enfermés dans une boîte, ou sommes-nous encore prêts à à apprendre d’eux ? 
A écouter ce qu’ils ont à nous dire ? 

« Arrête, je te connais par coeur »… Parole qui ferme à l’espérance, qui nie  l’autre, qui lui interdit d’évoluer, de changer. 
Idem dans l’Eglise : se sentir enfermé ou enfermer l’autre dans une image, une famille (« c’est bien un … , tiens ! ») - obstacle pour la foi, notamment pour les jeunes !! 


B. Croire connaître Dieu 

De la même façon, croire que l’on connaît Dieu est un obstacle à la foi
Il n’est pas indifférent que la scène rapportée par Marc se passe à la synagogue. 
On est venu y écouter la Parole de Dieu - en tout cas, c’est l’idée ! 
Mais l’écoute t’on encore ? 
« Dieu ? Je le connais ! ». Une personne me confiait ainsi, il y a quelques années : « je connais la Bible par coeur maintenant, elle ne m’apprend plus rien ! ». 
Triste constat d’une foi qui s’est peu à peu étiolée, desséchée. 
Quel est le remède ? Oser croire que la Parole de Dieu est vivante ! Que c’est l’Esprit même de Dieu qui l’anime, l’éclaire pour nous !
Quelqu’un cette semaine partageait sa découverte de cette expérience : « avant, c’était du chinois… maintenant, la Bible devient vivante quand je la lis ! ». 
Cette assistance de l’Esprit qui éclaire le coeur et l’intelligence est une promesse de l’Ecriture, une promesse de Jésus à ses disciples. Alors osons lui demander son aide - et persévérons ! Il y a une lutte d’ordre spirituel dans notre rapport avec la Bible, et la culpabilité malsaine (je n’ai pas lu le nombre de pages recommandé) est un outil bien connu de l’Adversaire pour nous éloigner de la Parole de Dieu. 

Continuons aussi à croire que la Parole de Dieu sera toujours plus profonde, plus riche que ce que nous en comprenons. Qu’elle dépassera toujours nos idées toutes faites. 
Ainsi, à Nazareth, Jésus montre que la parole de Dieu, ne peut pas être contenue dans les limites des habitudes, des catégories sociales. Il n'a pas le diplôme, le statut, il n'est qu'un fils de charpentier mais pourtant il parle avec sagesse et accomplit des miracles.

En somme, ce passage nous interpelle : pensons nous avoir tout vu, tout entendu, tout compris des autres ou de Dieu au point de ne plus rien attendre d’eux ?
Lui ? je le connais par coeur !
Dieu ? Je le connais par coeur !
Fermeture du coeur… et de oreilles ! 

Au contraire, sommes-nous prêts à entendre ce que Dieu voudra nous dire, dans la Bible mais aussi au travers de nos frères et soeurs, notamment de ceux dont nous n’attendons pas d’enseignement ? 
[Dieu me surprend régulièrement de cette manière]


Pour finir, je voudrais juste souligner la réaction de Jésus face à l’incrédulité qu’il rencontre : 
« Il s’étonnait de leur manque de foi ».  

Est-ce que l'étonnement de Jésus peut s’expliquer par de la naïveté ? Non bien sûr.

Mais j’aime cette indication. Elle dénote d’une certaine manière la pureté de l’amour que Jésus porte à ces gens. Lui qui sait tout est encore surpris par la dureté des coeurs qu'il rencontre. J'y vois une leçon pour nous qui sommes tellement méfiants envers les autres. Jésus ne soupçonne pas le mal même s'il le voit pourtant. C'est comme s’il laissait toujours une chance aux personnes d'agir avec justice avec confiance.
Dans son amour Jésus n'enferme pas les gens dans la case « pécheurs ». Il espère toujours en eux.
Ainsi Jésus crois en nous. Il n'abandonne pas devant notre incrédulité même si celle-ci fait obstacle à son action. 
Il ne cesse jamais d'espérer en nous. Il voit en nous la personne magnifique qu'il a voulu, à qui il a donné la vie, et qu’il veut faire advenir par la puissance de Sa Parole et de son Esprit, dès cette vie, et d’une façon parfaite, dans l’éternité. 

De même, osons croire que par la puissance de Christ ressuscité, tout le monde peut changer, s’ouvrir à l’amour, à la sagesse. Nous aussi, nous pouvons peu à peu être rendus capables, par Dieu lui-même, de prier, de comprendre la Bible, d’entendre et d’appliquer dans ce que Dieu veut nous enseigner.

Que nous puissions apprendre nous aussi à regarder les autres avec un regard d'espérance et de confiance. Rester ouverts à nos proches, dans la famille, et dans l’Eglise, et prêts à apprendre d’eux ! .  
Rester aussi prêts à nous laisser surprendre et enseigner par le Dieu vivant, par l’Esprit, en Jésus-Christ ! 
Amen 

Prédication du dimanche 28 juin 2015


Tous migrants ? 
Exode 23. 9- 1 Pierre 2.9-13




Depuis quelques temps, régulièrement, nous sommes confrontés à des images de ce type : 
[image d'une embarcation précaire chargée de "migrants"]

Elles nous interpellent, elles nous bouleversent, nous ne savons pas quoi faire. 
Les discours aussi, l’information selon laquelle jamais autant de personnes ne se sont pressées aux portes de l’Europe… Le constat macabre que depuis le début de l’année, près de 2000 personnes sont mortes en essayant d’atteindre les rives de l’Europe - hommes, femmes, enfants, nourrissons…

Nous sommes d’autant plus concernés que beaucoup de ces personnes fuient les pays en guerre du Moyen Orient, comme l’on fait nos amis d’Irak. 

En même temps, les attentats de vendredi, de Tunis à St Quentin Fallavier, viennent eux aussi nous toucher au coeur - et c’est le but de ces actes barbares - quoi de plus compréhensible alors, de plus spontané que ce désir de fermer vite la porte à un danger que l’on perçoit comme venu de l’extérieur

Le danger serait que bouleversés, désarçonnés, devant la question : que faire ? - nous chrétiens tombions dans les deux pièges que sont l’indifférence et l’excès de préoccupation. Que tout cela nous incite au fatalisme ou au comme trop de nos compatriotes, nous pousse à la peur, au repli.
« Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ». Comme si c’était à nous de porter cela. 
Qu’est-ce que Dieu attend de nous, ses enfants, envers toutes ces personnes qui migrent ? C’est la question de ce matin. 

Elle est complexe bien sûr, et les solutions sont d’abord politiques

Mais dans la Bible, la question de la migration est très importante et ne peut être éludée. Pour différentes raisons que nous allons évoquer, mais fondamentalement, parce qu’en fin de compte nous sommes tous des migrants. 
Migrants d’hier, pour le peuple juif, comme pour tous ceux dont les ancêtres ont dû quitter leur patrie ; migrants d’aujourd’hui, pour ceux qui sont arrivés plus récemment. Et tous, migrants dans ce monde, dans cette vie - « étrangers et voyageurs sur la terre ». 

Ce qu’enseigne la Parole de Dieu, c’est qu’il y a d’abord un danger… à oublier cela : le danger que la peur pour notre propre bien être, notre propre survie nous pousse à rejeter ces personnes qui sont elles-mêmes poussées par le désespoir, par la guerre…  que nous en venions à les criminaliser. À entrer dans une opposition « eux contre nous », quand on commence à voir l’étranger comme une menace juste parce qu’il est étranger. 
Le danger de nous fermer aux autres, notamment les plus fragilisés, quand Dieu, loin de nous demander de porter toutes les problématiques du monde sur nos épaules, nous appelle au contraire à les accueillir, quels qu’ils soient, pour aimer celui qui est là - non pas le monde entier, non pas « toute la misère du monde » - mais ceux que Dieu place sur notre route, afin que nous fassions route avec eux, comme Jésus fait route avec nous.

Car, pour Dieu, nous sommes tous des migrants.

Voilà pourquoi Dieu, dès le livre de l’Exode, se présente comme celui qui défend l’étranger au sein même d’Israël. 

diapo : Exode 23. 9 : « n’opprimez pas les étrangers installés chez vous. Vous savez bien ce qu’ils peuvent éprouver, puisque vous avez vous-mêmes été des étrangers en Egypte ». 

On pense parfois à tort que Dieu a choisi le peuple d’Israël contre les autres peuples. Mais la promesse à Abraham est au contraire que le peuple de Dieu devienne une bénédiction pour les autres peuples, les « nations ». Oui, nous sommes appelés à être une bénédiction pour les autres. 
Dieu se présente à Israël comme celui qui protège lui-même le faible et l’étranger. 

diapo : « Car c'est le Seigneur votre Dieu qui est le Dieu des dieux et le Seigneur des Seigneurs, le Dieu grand, puissant et redoutable, l'impartial et l'incorruptible, qui rend justice à l'orphelin et à la veuve, et qui aime l'émigré en lui donnant du pain et un manteau »  (Dt 10, 17-18).

Dans la société antique particulièrement, être seul, c'était être exposé à tous les dangers, être privé des moyens de subsistance. La terre, en effet, est le bien du clan, du peuple. Celui qui n'a plus de peuple ne saurait avoir une terre. Il est condamné à errer. En cela, l'étranger est comme la veuve et l’orphelin, et le coeur de Dieu est particulièrement près de tous ceux qui sont fragilisés. - l’étranger, l’orphelin et la veuve. Ceux qui ont été privés de leur appui, ceux que le deuil et la perte ont laissé soudain en plein vent - Dieu est auprès d’eux, il veut être leur soutien, leur rocher.

Dieu est auprès d’eux- et attend de ses enfants qu’ils entourent tout particulièrement, et soient une bénédiction pour eux, en priorité.  
A la lecture de l’Ancien Testament, on constate ainsi que la Loi de Moïse prend très à cœur le droit de l'étranger. Le devoir d'accueil de l'étranger est inscrit dans la Loi donnée par Dieu à Moïse, au mont Sinaï. Les commandements sont nombreux et tournent tous autour de l’accueil et du « prendre soin ». 

Quelques exemples : 

Tu accueilleras celui qui a besoin de toi : l'émigré, l'orphelin et la veuve
Tu laisseras à l'étranger de quoi se nourrir :
Tu associeras l'étranger aux fêtes par lesquelles tu célèbres ton Dieu.
Non seulement tu lui permettras de survivre, mais tu te garderas de l'exploiter :
Non seulement tu ne l'exploiteras pas, mais tu le traiteras comme quelqu'un de ta famille :
Non seulement tu accueilleras l'étranger inconnu, mais tu accueilleras de même celui qui a été ton ennemi.
Tu appliqueras la même justice, les mêmes lois à l'étranger qu'à ceux de ton peuple.
Ainsi, la législation sur les émigrés vise généralement à les intégrer dans la communauté Israélite. Si dans le Lévitique il est interdit aux incirconcis de manger la Pâque, Moïse énonce rend possible l'intégration des étrangers à cette fête : « Si un émigré installé chez toi veut célébrer la Pâque pour le Seigneur, que tout homme de chez lui soit circoncis. Alors il pourra s'approcher pour la célébrer, il sera comme un indigène du pays».
Si l’étranger a une place particulière dans la Bible, c’est aussi parce que le peuple d’Israël a vécu souvent comme un étranger, un peuple en chemin, voire en exil. 
[Reprise du verset cité plus haut] : « Tu l’accueilleras en te souvenant que toi aussi, tu as été émigré ».
La motivation de cette Loi est tirée de l'expérience d'Israël lui-même. Il a été étranger, il a su ce que c'était que de mendier, d'être maltraité, privé de liberté. Dieu est venu à sa rescousse. A son tour, il se doit de subvenir aux besoins des étrangers qui croisent sa route.

« Vous savez bien ce qu’ils peuvent éprouver, puisque vous avez vous-mêmes été des étrangers en Egypte ». 
Appel à la compassion, à la compréhension. Etre à l’écoute de ce que l’autre vit, au lieu de lui faire du mal. 

Il est intéressant de voir que dans le parcours du peuple de Dieu, on trouve de nombreux cas d’immigration économique : dans la Genèse les frères de Joseph par exemple se voit obligé d'aller en Égypte chercher à manger. C'est aussi le cas d’Elimelek de Bethléem, dans le livre de Ruth.
L’immigration est parfois aussi due à la guerre. Joseph et Maire eux-même durent séjourner en Egypte pour fuir la persécution d’Herode. 

En parallèle, Dieu met régulièrement en garde Israël contre le danger de trop s'installer, trop s'attacher à sa terre, car cela risquerait de le rendre égoïste, et de lui faire perdre de vue qu’il tire sa sécurité non de son pays, de ses maisons, de ses biens, mais de Dieu seul. 

Et dans le nouveau testament Pierre va même plus loin (1 Pi 2.9-13) : pour lui donc, nous sommes tous des migrants.

3 diapos : « Vous, vous êtes la race choisie, les prêtres du Roi, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu. Il vous a appelés à passer de l'obscurité à sa merveilleuse lumière, afin que vous proclamiez ses œuvres magnifiques. 10Autrefois, vous n'étiez pas le peuple de Dieu, mais maintenant vous êtes son peuple ; autrefois, vous étiez privés de la compassion de Dieu, mais maintenant elle vous a été accordée. 
11Je vous le demande, mes chers amis, vous qui êtes étrangers et exilés sur la terre : gardez-vous des passions humaines qui font la guerre à votre être. 12Ayez une bonne conduite parmi les païens ; ainsi, même s'ils médisent de vous en vous traitant de malfaiteurs, ils seront obligés de reconnaître vos bonnes actions et de louer Dieu le jour où il viendra.
13Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité humaine (…)15En effet, ce que Dieu veut, c'est que vous pratiquiez le bien pour réduire au silence les hommes ignorants et déraisonnables. (…) 17Respectez tous les êtres humains, aimez vos frères en la foi, adorez Dieu, respectez l'empereur.».

Que signifie être étranger et voyageurs sur la terre ?


Globalement, le sujet de l’épître de Pierre est l’insertion des chrétiens, minoritaires, dans une société non chrétienne.
Littéralement, Pierre dit : « vous êtes résidents étrangers et gens de passage ». Vous n’êtes pas vraiment d’ici. 

Diapo : « « vous qui êtes étrangers et exilés sur la terre… » 

Etrangers et exilés sur la terre : Premier sens : exilé spirituel suite à la chute d’Adam
Depuis, si nous sommes vraiment à Dieu, il y a un décalage entre ce monde et l'aspiration de notre cœur. Ce décalage a aussi été celui des Patriarches comme Abraham au milieu de peuples païens, ou la situation précaire d’Israël marchant dans le désert à la recherche d’une patrie… 

Etrangers et exilés sur la terre : vous appartenez au peuple de Dieu. Cf cité des hommes et cité de Dieu. La Bible parle aussi d’être « citoyens des cieux ». « Les chrétiens qu’exhorte Pierre doivent se considérer comme différents des autres, porteurs d’une espérance unique, mais aussi se sentir responsables de ceux parmi lesquels il leur est donné de séjourner pour un temps »

Voilà pourquoi il faut respecter les pouvoirs publics et ne pas chercher à se substituer à eux (dans la mesure où ils ne nous coupent pas de Dieu, c’est un autre débat). 

Etrangers et exilés sur la terre : Jésus lui-même a été exilé et voyageur sur la terre. 
Né dans une étable. Les siens ne l’ont pas reconnu. « Le fils de l’homme n’a pas de lieu où reposer sa tête… ».  
Jésus lui-même parcourut le chemin d'Israël, chemin d'incompréhension, d'exclusion et d'Exode. En cela, Israël et le Dieu incarné ont ressenti dans leur chair le malheur et la force de la vie de l'étranger. 

Etrangers et exilés sur la terre : Nous sommes tous migrants dans ce monde. De passage dans cette vie. 
> Evocation de la brièveté de notre existence, appelée à se poursuivre dans l’au-delà avec Dieu. « ces croyants qui s’approchent de Dieu chaque jour un peu plus ne doivent considérer leur existence que comme un séjour transitoire en ce monde, auquel ils n’appartiennent plus… En somme, un chrétien est comme quelqu’un de passage, qui ne s’adapte pas aux coutumes et aux moeurs des pays qu’il traverse, il garde sa mentalité propre, il a une échelle de valeurs… Ainsi les citoyens des cieux se garderont soigneusement de tout ce qui pourrait ternir leur sainteté »

Est-ce que ça veut dire qu'il ne faut pas aimer ce monde ?
Si bien sûr - au contraire ! Y aimer ce qui vient de Dieu, ce que Dieu y a placé et qui n’a pas été corrompu - on pense à la nature, aux enfants, aux belles choses de la vie…

Mais avec la conscience de la brièveté de ce passage qui d’après la Bible conduit à la sagesse.

Aimer cette vie, mais pas ce « monde », dans le sens de « culture sans Dieu » que lui donne la Bible. 
Cela nous interpelle : est-ce que nous avons cette différence, cette conscience que nous sommes une  « race choisie, les prêtres du Roi, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu », « appelés à passer de l'obscurité à sa merveilleuse lumière », afin de « proclamer ses œuvres magnifiques » et d’être une bénédiction pour le monde en manifestant la grâce et l’amour de notre Dieu ? Ou bien est-ce que nous cherchons à nous fondre au maximum dans le moule, à coller au plus près avec la société dans laquelle nous vivons, avec ses valeurs, son point de vue ? 

En quelque sorte, il nous faut lutter pour rester « étrangers et voyageurs », afin de ne pas perdre de vue notre appel de chrétiens. Si nous nous installons trop, nous risquons de devenir ce sel qui perd sa saveur, cette lampe mise sous un couvercle, dont parle Jésus. 

Le danger est de s'installer au point d'oublier que notre vie dépend entièrement de Dieu, de vivre en oubliant que Dieu nous a sauvés pour que nous devenions une bénédiction pour les autres

Au final, se savoir migrants c’est une protection contre l’aspiration par le « monde », une protection contre les dangers liés à l’installation, dans ce que ça a de péjoratif uniquement. 
En Jean 15.19, Jésus dit à ses disciples : « Si vous étiez du monde, le monde vous aimerait car vous seriez à lui. Vous n'êtes pas du monde, mais je vous ai choisis du milieu du monde; c'est pour cela que le monde vous déteste ». 
Pour les premiers chrétiens, ne pas être « du monde », cela impliquait la persécution. 
C’est encore le cas dans bien des pays, comme l’Irak ou la Syrie. 
Mais aussi pour certains d’entre nous dans leur voisinage, il ne faut pas le nier et idéaliser ce qu’implique « accueillir l’étranger ». Cela peut être difficile, comme peut être difficile toute relation avec des pécheurs… dont nous sommes ! 

Diapo blanche

Si l’on revient au problème bien concret de toutes ces personnes qui cherchent à rejoindre l’Europe au péril de leur vie…nous savons donc que ce problème va se poser de plus en plus
Redisons-le, il est d’abord politique.
Mais notre devoir de chrétiens est résister aux valeurs égoïstes et matérialistes de ce monde pour manifester l'amour et la grâce de Dieu à tous. « pratiquer le bien », dit Pierre. « respecter tous les êtres humains ». Faire le bien devant tous afin de glorifier Dieu et de témoigner de son amour. 
Agir pour aider celui qui est là
Ça peut être un réfugié comme nos Irakiens
Ça peut être notre frère qui est exilé parce qu'il a perdu sa famille, son couple, Il a des deuils à faire…
Alors oui, je suis heureux de vivre ce que je vis, je vais tout faire pour être là, m’intégrer - mais pas me dissoudre. Pas m’endurcir non plus. 
En me sachant migrant dans cette vie, je suis appelé à me demander comment je mets à profit le temps que Dieu me donne pour faire sa volonté, aimer les autres, aimer mon prochain…
Et cette question se pose à chacun de nous aujourd’hui. 

Signalons au passage que consciente de son appel spécifique, en tant que témoin de la grâce de Dieu, notre Union d’Eglise s’est prononcée récemment pour interpeller les pouvoirs publics et « demander au gouvernement français de ne pas considérer uniquement sous un angle sécuritaire la détresse des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, mais de prendre en compte les questions humanitaires et de se donner les moyens d’y répondre dans la mesure du possible, notamment en participant à l’accueil de ces personnes sur notre territoire ». 

Alors c’est vrai, certains vont traverser cette vie sur des bateaux de fortune, risquant de chavirer à tout instant - chavirant même parfois sous les tempêtes. D’autres voyageront en première classe, d’autres plus près des moteurs…
Mais notre Père Céleste veut conduire tous ceux qui croient à destination, tous dans Sa présence et sa paix, pour toujours citoyens de la Nouvelle Jérusalem, de la Nouvelle Terre. Là, il « habitera avec eux, ils seront son peuple et Dieu lui- même sera avec eux, [il sera leur Dieu]. Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ». 

Que cette espérance nous remplisse d’énergie, d’assurance et de joie pour mieux accueillir l’autre, mieux l’aimer, mieux nous ouvrir à ce qu’il vit. 

Amen.