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Vous y trouverez le texte de mes prédications.
Ces textes sont livrés presque "brut de décoffrage" aussi : soyez indulgents ! Ils sont souvent circonstanciels, sans grande prétention théologique.
Mon souhait est simplement qu'ils puissent alimenter, même modestement, votre méditation de la Bible et qu'ils attisent votre appétit de cette Parole vivante, inépuisable, que Dieu adresse à chacun d'entre nous.

lundi 11 juillet 2016

Prédication du 10 juillet 2016 - L’amitié de Dieu - Jean 11.17-44




Avant de mourir, Jésus a dit à ceux qui croyaient en lui : « je vous appelle amis… » (Jn 15.15).
« Personne n’a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis. Vous, vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15.13-14). 

Etre amis de Jésus. Pense-t’on la foi en ces termes ? 

Nous avons tous tellement besoin d’amitié. 
Mais « amis de Jésus », qu’est-ce que cela veut dire ? 


Les Evangiles nous montrent déjà que pour Jésus, l’amitié était aussi importante qu’elle l’est pour nous. Avec ses disciples : il appréciait leur compagnie, les repas joyeux, (on lui reprochait d'être trop bon vivant !),  leur présence dans les moments difficiles aussi. Mais aussi avec Lazare, Marthe et Marie, un frère et deux soeurs qui vivaient à Béthanie, près de Jérusalem, et avec qui Jésus avait une vraie relation d’amitié, spécifique.  
« Jésus aimait Marthe, sa soeur et Lazare », dit Jean (11.5). 

C’est le coeur de Dieu que nous découvrons dans la personne de Jésus, et celui-ci appréciait la compagnie de ses amis. 

Mais quel type d’ami était-il donc ?
Un épisode nous le laisse entrevoir : celui où Jésus rend la vie à Lazare.

C’est dans le 11e chapitre de Jean. Il est intéressant de savoir que ce miracle occupe une place stratégique dans le récit de Jean : c’est le douzième et dernier « signe »/miracle, qui fait la charnière entre le ministère de Jésus et la semaine de la Passion qui conduit à la croix. 
Et c’est parce qu’il a rendu la vie à Lazare que les chefs religieux vont décider de faire mourir Jésus. 

Dans cet épisode, Jésus apparaît comme un ami déroutant, déstabilisant parfois mais fidèle et proche, à l’écoute. Un ami engagé de tout son coeur dans la relation. 
Surtout, Marthe, Marie et Lazare vont découvrir à cette occasion qu’ils sont amis avec le Dieu tout puissant, venu pour les sauver de la mort, et déterminé à donner sa propre vie pour eux. 
  1. Un ami déroutant 

Jésus va donc rendre la vie à Lazare. Mais avant cela, il laisse son ami et ses soeurs un bon moment dans le doute et l’incertitude. Il les déroute. 

Eux pourtant ont confiance en lui, car leur relation est sincère et profonde. 
On ne sait jamais trop comment elle s’est nouée. Les deux soeurs vivent leur relation avec Jésus , de façons très différentes. Marie, plus centrée sur ses émotions, aime s’asseoir pour écouter Jésus parler. Marthe est une femme énergique et intelligente, elle a les pieds sur terre et fait tourner la boutique. A chacune son langage d’amour : Marthe exprime son affection en servant des petits gâteaux et en offrant une maison propre et accueillante. Marie est celle qui a répandu du parfum sur les pieds de Jésus, pour les essuyer avec ses cheveux. 
Entre Jésus et eux, une belle relation de personne à personne s’est donc établie. Jésus, véritablement homme, s’investit dans cette amitié. Il la cultive, passe dire bonjour quand il est dans le coin. Il aime ces gens, avec un coeur d’homme rempli de l’amour de Dieu.

Mais un jour, raconte Jean, Lazare tombe malade. Au nom de leur amitié, Marthe fait naturellement appel à Jésus, lui qui a guéri tant de gens qu’il ne connaissait pas. Au delà de ses dons de guérisseur, c’est la présence même de Jésus que Marthe recherche : « Ton ami est malade », lui fait-elle dire. 
N’importe qui se précipiterait, bien sûr ! Pourtant, contre toute attente, Jésus décide de ne pas y aller tout de suite, et reste encore deux jours là où il est ! Et il explique tranquillement à ses disciples que Lazare va mourir, mais que « cette maladie ne mène pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu ». « Je vais le réveiller ». 

Cela, Marthe et Marie ne le savent pas ! Et elles attendent. On les imagine guettant la silhouette de Jésus sur le chemin. Il va venir, c’est notre ami, il sera là pour nous puisqu’il a fait tant de choses pour les autres. 
Mais elles voient Lazare décliner, sans cesser d’espérer, certainement. Et puis il meurt, sans que Jésus soit venu. 
Il a choisi de laisser son ami mourir. Quel type d’ami est-ce là ? Certes, la suite montre qu’il avait un but supérieur, et que c’était pour le meilleur qu’il a laissé Lazare s’en aller. 
Mais quelle souffrance morale pour ses soeurs, et physique pour lui ! Espérance déçue, amitié trahie : voilà ce qui agite le coeur de Marthe et de Marie. 
Oui, Jésus peut être un ami déroutant. La relation n’est pas toujours simple, il agit souvent de façon mystérieuse… car il est Dieu, et que les pensées de Dieu « ne sont pas nos pensées » (Esaïe 55). 


B. Jésus, un ami déroutant - mais fidèle et engagé, en même temps. 

Mais il est fidèle, et finit toujours par venir. 

Nous lisons la suite en Jean 11.17-44

Ainsi Jésus finit par arriver à Béthanie. Lazare est enterré depuis 4 jours déjà. Or les juifs pensaient que les trois premiers jours, l’âme du défunt restait encore en lui - il y avait donc une « chance » qu’il revienne à la vie. Mais le 4e, elle s’envolait auprès de Dieu et c’était fini. 
Jésus a certainement attendu exprès que le délai soit passé, pour rendre le miracle encore plus incontestable. 
Mais est-ce que ça veut dire qu’il utilise ses amis comme un simple moyen pour arriver à ses fins ?  Lazare et ses soeurs lui font confiance, et lui il se servirait de ça pour se glorifier - au sens propre ? 
Non, Dieu n’agit pas comme ça avec nous. Nous ne sommes pas son marche pied, car il n’a rien à prouver : la gloire et la royauté lui appartiennent de fait. 

Au contraire, c’est un ami touché, attentif, qui vient rejoindre les deux soeurs dans leur deuil. Jésus n’est pas indifférent à leur souffrance, et il ne prend aucun plaisir à les faire attendre.  

D’abord, à son arrivée, il va prendre un moment avec chacune des soeurs, entrant en relation avec elles selon leur sensibilité. Avec Marthe, « la femme de tête », il dialogue. Il explique, éclaire, cherche à l’amener plus loin dans sa foi et sa compréhension de Dieu. Au début, elle a une compréhension un peu « théorique », lointaine : « je sais bien qu’il se relèvera à la résurrection, au dernier jour ». Mais Jésus lui offre son amitié bien concrète, bien actuelle, comme réponse à sa douleur  : « c’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi vivra, même s’il meurt. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? ». 
C’est une main tendue, un vrai dialogue entre amis, respectueux. 
« Oui, je le crois », finit par dire Marthe - et alors elle comprend qui il est, « le Christ, le Fils de Dieu » (v.27). 

Avec Marie, Jésus pleure, simplement. Des larmes « silencieuses », dit le grec, qui s’opposent aux larmes bruyantes des pleureuses embauchées pour l’occasion, comme ça se faisait à l’époque. 

Chacune des soeurs lui fait la même remarque : « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Dans ces mots, un reproche, et une question inquiète : où étais-tu ? Est-ce que tu nous avais oubliés ? Es-tu vraiment notre ami ? 

Cette question, qui ne l’a jamais posée à Dieu ? 

Comment ne pas comprendre les deux soeurs, ainsi que les autres personnes qui assistent à l’arrivée de Jésus ? 
Ce jour-là, la maison est pleine - la famille, les connaissances venues de Jérusalem. Tous ont vu Jésus guérir d’autres personnes, tous se posent la même question : « « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas aussi faire en sorte que cet homme ne meure pas ? ». « Où était-il donc ? ».  

N’est-ce pas aussi notre réaction, devant les victoires du mal et de la mort dans ce monde ? Devant les drames intimes ou collectifs, perte d’un parent ou attentat à Istanbul, Bruxelles, Paris… ? 
« Où es-tu, Seigneur ? ». « Pourquoi n’as-tu pas empêché cela ? ». Nous t’avons prié, supplié - et tu n’as pas répondu ! Où étais-tu ? 

Mais Jésus ne se justifie pas. Dieu n’est pas un fournisseur d’explications rassurantes - « Lazare est mort pour telle et telle raisons et je vais vous expliquer dans un plan en trois parties ce qui va se passer ».
Sa réponse au mal n’est pas théorique. C’est une réponse en acte. 
Peut-on lui reprocher de rester un  spectateur lointain ? Loin de là. 

En Jésus Dieu se donne à voir dans une véritable relation d’amitié, à coeur ouvert.
Jésus-Dieu commence par rejoindre ses amies pour pleurer avec elles. Plus encore : « son esprit s’emporta et il se troubla », dit le texte. 
Dans le texte original, cette expression est très forte. On utilisait ce mot pour un cheval qui s’ébroue ! Pour les humains, il exprimait la colère, l'irritation ou l'indignation émotionnelle, avec des manifestations physiques violentes (exemples). En tous cas c’est un mot d’une force inhabituelle.
Un théologien propose de traduire par : « il s'enragea dans son esprit et fut troublé en lui-même ».

Indignation et colère. 
Jésus est retourné profondément par le scandale de la mort, en colère contre tout ce mal qui frappe ceux qu’il aime. 

Alors, il part vers le tombeau de Lazare, car s’il n’est pas venu se justifier, il est venu vaincre. Vaincre et libérer. Calvin dit qu’il se dirige vers la tombe « comme un lutteur prêt pour le combat ». 

C. Et c’est là que Marthe, Marie… et Lazare vont découvrir qui est vraiment leur ami Jésus : il est Dieu lui-même. Celui qui vient d’affirmer « je suis la résurrection et la vie » le prouve aussitôt dans ses actes. 
Il s’approche de la tombe, déterminé. Jusqu’au bout, Marthe a du mal à comprendre qu’il fait. 
On roule la pierre du tombeau. 
Un seul ordre : « Lazare, sors ! » - et le miracle est accompli. 
Jésus est bien la Parole de Dieu, celui par qui toutes choses ont été créées, la source de toute vie. 

Un seul ordre : c’est important pour bien montrer à tous que Jésus n’est pas un simple « thaumaturge », un faiseur de miracles : il n’a pas besoin de tout le tralala rituel qui accompagnait les « guérisons » à l’époque. Car il a l’autorité divine. 

D’un mot, il rend la vie à son ami. Il rend aussi la vie à ses soeurs, qui retrouvent leur cher disparu. 
Et même plus : désormais, les trois sauront qu’il y a une autre espérance, que la mort n’est pas la fin et que Jésus est bien « la résurrection et la vie », le Sauveur. 

Ce dernier miracle montrer qu’avec Jésus, la vie éternelle est déjà présente dans ce monde, en attendant la perfection dans l’au-delà. Avec lui, on peut commencer à vivre dans ce monde de la vie même de Dieu, par l’Esprit de vie, et continuer ainsi après la mort physique. 

Ce miracle est aussi un pas décisif sur le chemin de la croix. En rendant la vie à son ami, Jésus se condamne lui même à mort. 
Image forte de ce qu’il va accomplir pour nous tous, à la croix : mourir pour que nous vivions. Pour que nous soyons appelés « ses amis ».

Ce miracle est enfin l’annonce de sa propre résurrection, une semaine plus tard - une résurrection qui sera plus que le « retour à la vie » de Lazare (qui devra « re-mourir » ! ) : une victoire totale sur la mort et l’ouverture d’un chemin de résurrection pour tous ceux qui croient en lui

« C’est moi qui suis la résurrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi vivra, même s’il meurt. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » 

Ces paroles d’amitié s’adressent aussi à nous. 

Que nous puissions les écouter, et nous laisser rejoindre par l’amitié de Dieu. 
Il ne nous a pas oubliés, il est en marche, et son amour ne nous laissera pas orphelins, solitaires ou abandonnés. 

C'est vrai, les épreuves ne nous seront pas épargnées. C'est vrai, nos prières sembleront souvent rester sans réponse.
Mais comme il est venu pour Marthe, Marie et Lazare, il viendra pour nous. 
Croyons-nous cela ? 

Amen



lundi 4 juillet 2016

Prédication du 3 juillet 2016 - Jean 20. 24-29 - La foi de Thomas




Merci au KT de nous avoir lu le magnifique prologue de L'Evangile de Jean lors de la présidence. 
Ce premier chapitre nous ouvre une perspective extraordinaire sur Dieu, sur l’identité de Jésus, sur nous aussi. C'est comme un catéchisme, un résumé de l'essentiel de la foi chrétienne. 
De fait, le but de Jean, dans tout son évangile, est que ceux qui découvrent ces paroles croient que Jésus est le Fils de Dieu : 
« Jésus a encore produit, devant ses disciples, beaucoup d'autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre. 31Mais ceux-ci sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, par cette foi, vous ayez la vie en son nom ». 

Ainsi, pour nous permettre de croire, Jean a présenté tout au long de son Evangile, de nombreux témoins, autant de personnes qui ont reçu la lumière, cru et vu la gloire de Dieu. 
Mais juste avant le verset que nous venons de lire, il a évoqué un témoin différent ; quelqu’un qui, au contraire, a eu du mal à croire : c’est Thomas. 
Cela nous intéresse, nous qui sommes souvent confus, embrouillés par tant de questions, de doutes.  
Dans l’histoire des doutes de Thomas, il y a un encouragement pour nous tous, et une belle promesse. 

Avant d’aller plus loin, disons juste que, malgré ses doutes c’est à Thomas, et à lui avant tous les autres, que Jésus a choisi de se venir se révéler comme le Fils de Dieu lui-même… 

Récit à la fin de Jean, au chapitre 20.19-28

Contexte : Jésus a été crucifié. Les chefs religieux ont décidé de le supprimer parce qu’il a rendu la vie à Lazare. Ce miracle a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase !  
Et Jésus a été crucifié. 
Après sa mort, ses disciples, totalement perdus et effrayés, se retrouvent en secret, le soir. 
Que va t-il leur arriver ? 


Lecture. 

Dans ce chapitre, deux récits d’apparition de Jésus se succèdent, avec et sans Thomas. 
Deux récits semblables : les portes fermées, le « Jésus vint », la salutation initiale : « que la paix soit avec vous ». A part la peur des juifs, rien n’est dit sur les sentiments des disciples. 
C’est encore la question de la foi qui est au centre : Thomas qui doute et pose ses conditions pour croire, puis la rencontre et les paroles de Jésus : « Ne deviens pas un incroyant, deviens un homme de foi ! Parce que tu m'as vu, tu es convaincu ? Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! »

Commençons par prendre un peu la défense de Thomas ! 

Comme Juda pour d’autres raisons, ce pauvre Thomas a généralement le mauvais rôle. On est souvent dur avec lui, qu’on présente comme l’exemple type du vilain incroyant.
Pourtant ce n’est pas si simple. 
D’abord, nous savons tous que croire n’est pas forcément facile. Et puis, croire quoi ? Croire qui ?
Thomas n’est pas le seul à traverser une phase de doute, cela fait partie de tous les chemins de foi. 

Ensuite, Thomas ne rejette pas tout en bloc. D’ailleurs, il est là avec les disciples pour la deuxième apparition : c’est bien qu’il continue à chercher. 
C’est un disciple proche de Jésus, qui l’a suivi un peu partout et avec qui il a vécu des expériences fortes. Et lui qui avait placé sa confiance en Jésus, se retrouve désarçonné comme tous les autres par la mort inattendue de son maître. 
Le reste de l’Evangile montre que c’est un homme pratique, plein de bon sens. Et déjà que la perte de Jésus est dure à vivre, rien d’étonnant qu’il ait du mal à accepter sans rien dire ce que lui disent les autres : « nous avons vu le Seigneur ». Incroyable ! 

« Nous avons vu le Seigneur » : « Thomas aussi l’a vu, sur la croix. Les plaies, les clous, le côté père : voilà la réalité. Thomas possède une certitude, la certitude brutale de la croix, et il l’exprime tout aussi brutalement »

Il faut noter que Thomas est cité en Jean 11, au moment où Jésus rend la vie à Lazare : donc il a déjà vu et même touché un ressuscité : peu d’entre nous peuvent s’en vanter ! Le doute de Thomas n’est donc pas un doute de principe : « ça n’est pas possible que quelqu’un ressuscite». Ce doute a une autre origine. 
Plus profondément, peut-être que le doute de Thomas révèle surtout une blessure, une déception. 
Déception d’avoir cru en Jésus et sentiment d’avoir été trompé, quand celui ci est mort : Cf disciples d’Emmaüs. 
Déception que Jésus soit peut-être apparu aux autres sans attendre qu’il soit là, lui. On imagine la question : pourquoi ne m’a t’il pas attendu, moi  ? 
Est-ce que je compte pour lui ? 
En réalité, le désir d’une relation personnelle avec Jésus est toujours bien là, et c’est la base de la foi. 
Mais il est en train d’être attaqué par la souffrance, la déception d’avoir raté le rendez-vous…
Et à travers cette blessure, l’amertume est en train de s’infiltrer doucement, sous l’action du Diable qui sait faire grandir ce genre de pensées négatives. 
« Il serait apparu ? Comment pourrait-il apparaître, lui qui n’est même pas parvenu à échapper à la croix ! ». 
« Ils ont vu le Seigneur ? Ce n’est pas juste, n’est-ce pas ? Tu te rends compte, il a justement attendu que tu sois parti pour apparaître aux autres » ! 
« En fait, tu n’as pas ta place parmi eux »..
Qui n’a jamais entendu ces voix malfaisantes ? 
Quand on est blessé dans nos relations, qu’on se sent injustement traité par les autres ou par Dieu, alors, on devient la proie idéale pour l'amertume. C’est un poison terrible, que la Bible la présente comme une racine empoisonnée faite de colère, de ressentiment et de tristesse, qui nous isole peu à peu. 
En plus, elle produit le doute suprême : le doute en l’amour de Dieu pour nous. Ce doute ronge et peut même rendre aveugle, comme sont restés aveugles les maitres de la loi qui, confrontés à l’évidence de la résurrection de Lazare, ont choisi de le tuer, ainsi que Jésus !! 

Il faut parler de ses doutes. 
Quand on est comme Thomas au milieu d’un groupe qui semble vivre des choses fortes avec Dieu, alors que soi-même on a l’impression de ne rien recevoir… c’est particulièrement dur. ça peut être dans l’Eglise, au culte, au groupe de jeunes : eux, ils voient le Seigneur, et moi ? 
Je crois que l’exemple de Thomas nous est donné non pour nous culpabiliser mais pour nous encourager : ce n’est pas anormal de ressentir cela. Mais il faut en parler. Car le remède est à l’extérieur de nous : en parler aux autres, dire nos doutes à d’autres chrétiens, et surtout à Dieu, car c’est l’amour seul qui peut nous sortir de cette spirale infernale. 

Voilà le type de combat qui se livre là, dans le coeur de Thomas. Pendant 8 jours, c’est long ! Ca suffit pour qu’il commence à glisser dans le doute et le désespoir.
B. Venons-en maintenant à la rencontre de Thomas avec Jésus ressuscité : il s’y cache une encouragement pour nous tous. 

On voit que Thomas n’a vraiment rien qui fasse de lui un exemple de foi. Pourtant c’est pour lui, et seulement pour lui, que Jésus revient. 
Voilà pourquoi la deuxième apparition commence comme la première : c’est comme si Jésus rejouait la scène depuis le début exprès pour Thomas

Aussitôt qu'il apparaît, il s’adresse à Thomas, et en quelque mot le rattrape, le ramène à lui. 

« Avance ici ton doigt… » : c’est la réponse à sa crainte de ne pas avoir été écouté. 
C’est aussi une façon de dire : c’est ce que tu voulais ? Eh bien je viens te le donne. On ne sait pas d’ailleurs si Thomas avance effectivement son doigt, mais cette invitation lui suffit. 

Et puis il y a cette remarque de Jésus : « ne deviens pas incroyant, mais crois ». 

Dans plusieurs traductions, on trouve : « ne sois pas incroyant ». Ca sonne comme un jugement. Mais le véritable sens est : « ne deviens pas » : c’est une mise en garde attentionnée. Dans cet encouragement, Thomas perçoit l’amour de Jésus pour lui. 
Et peut-être que c’est seulement grâce à ces paroles que Thomas réalise qu’il était en train de s’égarer. Il réalise que Jésus est venu le tirer des sables mouvants dans lesquels il s’enfonçait sans s’en rendre compte. 

D’où son cri de foi : « mon Seigneur et mon Dieu ». 

Ces paroles sont extrêmement fortes parce que Thomas est le premier, dans tout l’Evangile, a dire ainsi à Jésus : tu es Dieu ! D’ailleurs aucun des disciples ne l’a dit, lors de la première apparition. Et jamais un ressuscité - et il y en a plusieurs ! - n’est appelé « Dieu ». 

Dire cela, ce n’est pas rien, car dans le monde juif de l’époque, cela condamne Thomas… à mort ! C’est un blasphème ! Thomas sait pertinemment qu’en disant de quelqu’un qui n’est pas Dieu : tu es Dieu - il blasphème et risque la mort. Il ne parle donc pas à la légère. 

Jésus accueille ce qui est dit, et le confirme ainsi : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ». 
Le sens du verbe voir ici est particulier. Beaucoup de gens ont vu Jésus accomplir des miracles, sans pour autant croire qu’il était le Fils de Dieu. 
« Tu as vu », ici, cela signifie : tu as compris qui j’étais vraiment, par une révélation venue de Dieu le Père. C’est le Saint Esprit qui lui a ouvert les yeux. 
C’est pareil quand Pierre dit : «Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! » (Mt 16.17-18)
Ainsi Thomas qui dit : « mon Seigneur et mon Dieu ». 
C’est ainsi qu’il avance dans la foi : car il est libre devant ce que Dieu lui donne de comprendre. Mais il se l’approprie : « mon seigneur et mon Dieu ». 
Il décide de croire. Et devant tout le monde, de dire son amour pour le Christ. C’est son témoignage public ! 

C’est beau de voir que c’est précisément à Thomas, le plus indigne en apparence, que Dieu fait ce cadeau de comprendre soudain que Jésus est vraiment le Fils de Dieu. 
C’est lui que Jésus, par amour, vient chercher tout spécialement, acceptant même ses conditions, pour l’arracher au doute et faire de lui le premier témoin de sa divinité, après sa résurrection. 
Ce Thomas qui n’a rien fait de spécial, mais que Jésus aime, lui aussi, comme il est et là où il est, avec ses doutes. 

Et la réponse de Jésus à sa foi est un encouragement pour nous tous : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! ». 

Heureux ! Ca veut dire déjà qu’aucune génération ne sera défavorisée par rapport à celle qui a vécu au temps de Jésus. Bien sûr, il a fallu des témoins oculaires parce que le témoignage de foi doit s’appuyer sur des faits prouvés, des faits historiques. Ensuite, le Saint Esprit nous guide et nous aide aussi à croire. 
Et la réalité de la présence de Dieu en Jésus, cette vérité transmise par la Bible, est directement accessible à tout le monde, dans toutes les époques et toutes les cultures. 
Tous ceux qui croient, qui veulent croire, pourront entrer dans cette relation authentique et directe avec Jésus, et par Jésus, avec Dieu le Père. 
Heureux ! Jésus nous adresse ses voeux de bonheur : même si c’est parfois compliqué, il s’approchera de tous ceux qui le cherchent sincèrement. Et c’est le bonheur qui est à la clé ! Jésus fera tout pour nous aider à le trouver, si nous le cherchons sincèrement - quitte à batailler un peu avec nos doutes ! Car il nous aime personnellement, au point d’avoir donné sa vie pour que nous échappions à la mort. 

C’est que dit l’apôtre Pierre aux premiers chrétiens, qui n’avaient pas non plus rencontré Jésus « en chair et en os » : « Vous l'aimez sans l'avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore et vous vous réjouissez d'une joie indescriptible et glorieuse parce que vous obtenez le salut de votre âme pour prix de votre foi » (1 Pi 1.8-9).

Prière en temps de doute (Saint Augustin) : 

Autant que je l'ai pu.
Autant que tu m'en as donne de le pouvoir
Je t'ai cherché.
J'ai désiré voir par l'intelligence ce que je croyais
J'ai beaucoup étudié et beaucoup peiné.
Seigneur, mon Dieu, 
mon unique espérance, 
exauce-moi, 
de peur que par lassitude, 
je ne veuille plus te chercher

Mais fais que toujours, 
je cherche ardemment ta face
Donne-moi la force de te chercher 
Toi qui m'as fait te trouver 
et qui m'as donné l'espoir 
de te trouver de plus en plus.
Devant toi est ma force, 
devant toi est ma faiblesse. 
Garde ma force, 
guéris ma faiblesse.
Devant toi est ma science, 
devant toi est mon ignorance; 
là où tu m'as ouvert, 
accueille-moi quand je veux entrer:
Là où tu m'as fermé, 
Ouvre-moi quand je viens frapper.
Que ce soit de toi que je me souvienne. 
Toi que je comprenne, 
Toi que j'aime. 
Augmente en moi ces trois dons,
jusqu'à ce que tu m'aies réformé 
tout entier.

Saint Augustin (de trinitate, xv, 51)