Luc
14 : 25-27
Texte et questions pour la réflexion et la discussion
25De
grandes foules faisaient route avec lui. Il se retourna et leur
dit :
26Si
quelqu'un vient à moi et ne déteste pas son père, sa mère, sa
femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et même sa propre vie,
il ne peut être mon disciple. 27Et
quiconque ne porte pas sa croix pour venir à ma suite ne peut être
mon disciple.
- Comment
comprendre le verset 26 ? Dieu veut-il qu'on abandonne notre famille
? Quelle doit être notre attitude par rapport à elle ?
- Que
signifie être disciple aujourd'hui ? Quels changements
de comportement cela implique-t'il ? Quels conflits possibles,
avec la famille, les proches ?
Vivez vous de telles situations ? Quelle est alors la voie que Dieu vous demande de suivre ?
Vivez vous de telles situations ? Quelle est alors la voie que Dieu vous demande de suivre ?
Prédication
:
Se détacher pour mieux aimer
Après
cette période des fêtes pendant laquelle des familles se sont
retrouvées, avec tout le doigté que cela demande souvent pour que
les choses se passent bien... le texte d'aujourd'hui risque de sonner
un peu comme une provocation !
Car
en ce début d'année, je vous invite à nous pencher sur l'un des
discours de Jésus tel que l'évangile de Luc les rapporte, au
chapitre 14 : 25-27. C'est un discours dans lequel Jésus
demande... de détester son père, sa mère, ses enfants, ses frères
et ses sœurs !
Bien
sûr, dit comme ça, le propos a de quoi choquer. En réalité, il
s'agit de tout autre chose, et c'est ce que je vous invite à voir
ensemble.
Lecture
Luc 14 : 25-33
Voilà
comment Jésus s'adressait aux « grandes foules » qui
venaient l'écouter, des foules attirées par son rayonnement, sa
célébrité... et à qui il impose de sévères conditions pour le
suivre, comme s'il voulait repousser au lieu d'inviter !
Reconnaissez qu'on est loin du discours de séduction !
Ce
sont des paroles dures, qui peuvent surprendre par leur apparente
contradiction avec le reste de l'enseignement biblique. « Si
quelqu'un ne hait pas... ». Jésus n'a-t'il pas demandé au
contraire d'aimer son prochain comme soi-même ?!
Et
ici, le voilà qui pose cette condition étonnante pour devenir son
disciple – il faut « haïr » - et qui insiste sur la
difficulté, sur l'importance de la décision et ses conséquences
non négligeables. « Si quelqu'un ne porte pas sa croix... »...
comment comprendre ces paroles, et leur radicalité ?
Face
à Jésus, la foule est assez hétéroclite. Il y a pas mal de
curieux, et peu de gens véritablement en recherche de Dieu.
Aussi,
Jésus va tenir des propos très radicaux déjà
pour faire comprendre d'emblée à tous qu'il apporte autre
chose, qui
est plus qu'une sagesse ou un enseignement religieux, quelque chose
de plus grand qui implique donc une rupture
avec
la vie ordinaire.
Jésus
veut éviter qu'on ne le prenne à la légère, comme si la vie qu'il
apporte pouvait être « utilisée » juste pour améliorer
un peu la vie présente. Vouloir suivre Jésus ainsi, de façon
superficielle, c'est passer à côté des choses, et Jésus ne veut
pas cela.
C'est
pour cela qu'il annonce clairement les choses : pour le suivre,
un choix net va être nécessaire. Il faudra abandonner certaines
choses. Et ceux qui le suivront devront le suivre jusqu'au bout.
Un
choix net. En somme, Jésus pose ici la question de ce qui compte le
plus : Dieu... ou notre famille ? Dieu... ou nous mêmes ?
Ce
qui compte le plus. Ce qu'on préfére.
C'est
dans ce sens qu'il faut comprendre le mot « haïr » ici.
Nous pouvons donc être rassurés !
Le
terme grec traduit ainsi est souvent employé dans le sens « d'aimer
moins ». En Matthieu 10 : 29, il est dit par exemple
« celui qui aime plus
que
moi ... ». La bible du Semeur traduit : « si
quelqu'un n'est
pas prêt à renoncer à
son père... » Luc a gardé la formulation la plus choquante
probablement pour interpeller le lecteur – et avouez que ça
marche !
Mais
jamais Jésus ne demande de détester les autres.
C'est
vraiment cette idée d'un choix, d'une priorité
qu'exprime Jésus ici. Pour le suivre, il faut être prêt à placer
la relation avec lui avant
les autres relations, avant tout le reste. Il faut relativiser
les autres engagements que nous avons par rapport à celui-ci, le
plus important de tous.
Difficile ?!
Certainement. Voilà pourquoi Jésus, qui souhaite des disciples qui
le suivent de tout leur cœur, les met en en garde : attention,
réfléchissez bien : si mon enseignement vous interpelle, s'il
vous semble attractif, et que vous voulez me suivre, vous ne pourrez
pas le faire du bout des lèvres. Il faudra vous engager
totalement.
Etes-vous prêts à cela ?
Et
en ce début d'année, la question nous est posée, à nous aussi :
sommes-nous prêts à faire, ou refaire, ce choix clair de suivre
Jésus ?
Interrogeons-nous,
pour
que notre engagement reste un engagement sincère.
Préférer,
donc, plutôt que détester... d'accord. Mais quand même, on peut
s'interroger : pourquoi être si radical ? Est-ce qu'on ne peut
pas suivre Jésus sans aller si loin ?
Par
cette formule, Jésus ne prêche pas l'ascèse, c'est à dire le
renoncement à tout bien terrestre. Si on considère l'ensemble de
son enseignement, cela apparaît clairement. Mais dans le fond, la
demi mesure n'est pas possible, parce que pour être sauvé- c'est à
dire pour entrer dans la vie avec Dieu, il
faut sortir complètement de ce qui nous fait mourir.
Trancher est parfois nécessaire. D'ailleurs Jésus dit ailleurs que
si notre œil nous fait tomber dans le péché, il vaut mieux
l'arracher et entrer borgne dans la vie éternelle !!
C'est
un fait, si nous voulons vivre une relation en profondeur avec lui,
et tenir bon face à toutes les situations où nous serons tiraillés,
secoués, tentés... un choix clair est nécessaire.
D'autant
que ce qui est en jeu ici, c'est
notre avancée dans la vie nouvelle avec Jésus.
Pour
entrer vraiment dans cette vie centrée sur l'amour, un détachement
est nécessaire. Il nous faut nous détacher de certaines choses qui
nous retiennent.
En
premier lieu, nous
détacher de nous-mêmes.
Jésus parle ainsi de « haïr sa
propre
vie » et de « porter sa croix ». L'entrée dans le
Royaume de Dieu est à ce prix.
Attention
de bien comprendre ces paroles ! Il ne s'agit pas bien sûr de
se martyriser, de se faire du mal ou de chercher la souffrance, loin
de là. A Jérusalem certains refont le chemin de croix et se
martyrisent !! L'Ecriture nous demande au contraire de prendre
soin de nos corps. L'idée là encore est celle de la priorité :
se haïr soi même, c'est ne plus aimer notre vie égocentrique, ne
plus lui donner la première place. C'est accepter de mettre l'amour
de Christ avant notre propre volonté, notre propre ego, nos biens ;
c'est être prêt à renoncer à nos propres désirs et projets, nos
petites fiertés, nos petits pouvoirs... en faveur de
l'accomplissement de la Parole de Dieu.
En
somme, ne plus vivre centrés sur nous-mêmes, mais nous ouvrir à
Christ.
Sortir
de notre sentier, qui ne mène qu'à la mort, pour entrer sur celui
de Jésus, qui nous conduit vers la vie éternelle.
Et
comment quitter notre propre chemin, si trop de choses nous lient ?
Détester
ici, c'est donc se détacher - de ses proches, de sa propre vie.
Jésus parle aussi ailleurs de l'attachement à l'argent, au pouvoir,
au confort.. On pourrait dire : relativiser
tous les autres liens qui entraveraient cette marche avec lui.
Relativiser,
remettre à leur juste place... cela ne veut pas dire « couper les
ponts ». Par exemple, Jésus n'est pas un chef de secte qui
amènerait ses fidèles à se couper de leur famille.
Mais
bien sûr, la famille
est un des lieux où les liens sont les plus forts, et souvent les
plus déterminants;
les attentes, les projections sont souvent énormes, et rendent le
positionnement personnel plus difficile. « On choisit ses
copains mais rarement sa famille... », vous connaissez la
chanson. Parfois ces liens seront un obstacle à la foi.
Bien
sûr, Jésus pense d'abord aux situations de conflit, pour ceux qui
voudront le suivre et se mettront ainsi en porte à faux avec la
tradition religieuse de leur famille, par exemple.
Plusieurs
parmi nous peuvent témoigner de ces situations douloureuses où l'on
doit choisir entre Christ et sa famille, jusqu'à fuir parfois
celle-ci.
C'est le cas dans les milieux ou les pays musulmans, mais pas
seulement.
Il
faut se souvenir que Jésus
lui-même a du faire ce travail de détachement.
Il a vécu l'essentiel de sa vie en restant sur les rails familiaux,
reprenant l'entreprise familiale. Un juif pieux de Nazareth, bien
ancré dans son village, sa culture, ses traditions religieuses.
Et
lorsque, à l'âge où l'on a déjà bien construit sa vie, il sort
de Nazareth et commence son ministère, sa famille ne comprend pas.
Marc dit en 3.21 : « les gens de sa parenté sortirent
pour se saisir de lui, car ils disaient ; il a perdu la
raison » !
Mais
sans aller jusqu'à des situations de rupture aussi extrêmes, le
désir de suivre Christ peut nous amener à des tensions plus légeres
avec notre famille.
La
peur des conflits peut alors nous amener à des compromis qui nous
étouffent, et qui sont malsains pour tout le monde.
Là
encore, il s'agit plutôt de prendre
du recul,
de la distance.
La
théologienne Litta Bassett écrit à ce propos : « Tel
est toujours l'enjeu essentiel : se séparer au sens de se
différencier, de se rendre in-dépendant. On peut rester fortuné ou
cultiver d'intenses relations familiales, pourvu que ces biens –
matériels, affectifs – ne deviennent pas la seule raison de
vivre ; c'est l'antidote au fameux « mon enfant, mon
conjoint, ma mère, mon père, est tout
pour moi » »1.
Et
elle ajoute que cette
prise de distance par rapport à nos proches est la seule
condition
pour que l'amour véritable puisse grandir entre les autres et nous.
Voilà
un dernier enseignement, fort : paradoxalement, Jésus demande
de « détester » pour nous aider... à aimer.
Il
demande de se détacher de ce que nous aimons... pour mieux l'aimer !
C'est à dire pour l'aimer plus sainement.
En
effet, les disciples de Christ sont appelés à aimer d'un amour
intense, que ce soit l'amour conjugal, paternel, maternel, filial...
Or
cet amour a besoin de liberté pour grandir.
Et
si nous sommes trop attachés à nos proches, trop fusionnels, si
nous investissons trop sur eux - nous risquons de les étouffer !
Et au final, est-ce que ce n'est pas encore notre moi
que nous servons, en croyant aimer ?
On
peut penser à ces graines de champion que leurs parents poussent à
l'excellence, parfois pour réaliser à travers eux ce qu'ils ont eux
mêmes échoué.
Trop
d'inquiétude, trop de souci pour nos proches risquent aussi de nuire
à leur épanouissement. …
A
trop vouloir la conversion de nos enfants - pour leur bien ! -
n'allons nous pas les braquer ?
L'amour
fait confiance,
et il nous sera impossible de lâcher cela... si nous ne faisons pas
confiance à Jésus pour le faire à notre place.
Ainsi,
là encore, nous devons préférer
Jésus en le laissant prendre soin de ceux que nous aimons. Lui seul,
Dieu tout puissant, peut veiller vraiment sur eux. Nous détacher
ainsi de nos proches pour les remettre à Dieu est une démarche
saine et libératrice, et il y a de cela, aussi, derrière le
« détester » de Luc 14.
Une
démarche libératrice. Oui, l'amour a besoin de cette liberté pour
grandir, s'épanouir, une liberté que nos attachements excessifs aux
choses, à un mode de vie, à des personnes... limitent facilement.
Une liberté que la peur bride - peur que nos enfants « dérivent »
loin des choses de la foi... peur du changement … peur d'évoquer
les questions difficiles de la foi, comme celle de la souffrance ou
de l'évolution... peur de la philosophie, de la psychologie qui
pourraient « détourner de Dieu »... Chaque milieu a des
bêtes noires !
N'ayons
pas peur, comptons sur la grâce. C'est pour cela que nous devons
nous détacher,
pour laisser à ceux que nous aimons le loisir de suivre leur propre
chemin, en ne comptant que sur la grâce de Dieu pour les
accompagner. Sinon, quelle conception de la foi auront-ils ? Une
foi qui n'ose pas réfléchir. Une foi qui repose sur la peur et la
méfiance. On croit en Dieu pour qu'il nous protège du risque, on
croit en lui comme on croit dans une assurance ou une porte blindée.
Mais
tout cela étouffe l'amour.
La
peur a souvent empêché les disciples de suivre Jésus - surtout au
moment de la crucifixion. Si nous avons trop peur pour nos proches,
pour nous-mêmes... notre amour va s'étouffer. Il nous faut les
« mettre à distance »... et les confier à Dieu. Nous
confier à Dieu aussi.
Est-ce
que nous comprenons maintenant que ces exigences que Jésus pose ne
sont pas des règles qui enferment, mais la condition pour que notre
engagement soit libre, sans pression ? Pour que l'amour entre
lui et nous soit sincère et profond ?
Soyons-en
assurés, Jésus veut par dessus tout nous bénir, et bénir nos
familles. Mais pour cela il est nécessaire que nous lui laissions la
première place, pour qu'il puisse investir notre vie, et la
transformer en profondeur. Pour que le souffle de l'Esprit puisse
circuler dans nos relations, que les choses, les gens, les rêves...
prennent leur juste place devant Dieu, la place qui leur revient -
sans excès d'attachement ou de détachement.
Alors,
sommes-nous prêts à lui dire « oui », au seuil de cette
nouvelle année ? Sommes-nous prêts à faire ce choix de Dieu
avant tout, à le placer comme choix principal, comme ligne
directrice de notre vie ?
Que
nous-mêmes nous puissions nous donner entièrement à ce Dieu qui se
donne le premier, sans condition.
Et
si nous nous sentons bloqués dans ce domaine, disons lui,
simplement. Et demandons lui l'éclairage de son Esprit pour nous
aider.
Car
le même Jésus qui pose aussi ces conditions a dit aussi : « je
ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi » (Jn 6.36).
Choisissons
de le croire, et de lui faire confiance en toutes choses.
Amen.
Prière
de consécration.
Seigneur
Jésus,
je
viens vers toi, totalement.
Apprends
moi à relativiser
Relativiser
l'importance de tout ce à quoi je tiens
Parfois
à l'excès
Relativiser
ma propre importance
Apprends
moi à te faire confiance
A
te laisser prendre soin de mes proches, prendre soin de moi
Toi
tu sais ce dont nous avons besoin
Je
viens à toi, totalement
Viens
à mon secours dans ta grâce
Amen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire